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— Quoi ?

— J’estime que c’est toi qui as la meilleure chance. Perrin, j’ai besoin que tu gagnes et il faut que je sois près de toi quand ça arrivera.

— Tu n’as pas appris de nouveaux trucs, à ce que je vois, grogna Perrin. Va faire tes propositions ailleurs. Ça ne m’intéresse pas.

Perrin fit tourner la pointe entre ses doigts. L’autre, il n’avait jamais réussi à comprendre comment elle fonctionnait.

— Il faut faire tourner le haut, dit Lanfear en tendant une main.

Perrin la regarda, les yeux ronds.

— Tu crois que je n’aurais pas pu la récupérer, si j’avais voulu ? Qui a neutralisé les molosses de M’Hael pour toi ?

Perrin hésita, puis il tendit l’artefact à Lanfear. Elle fit courir son pouce de la pointe à la mi-longueur de l’objet, provoquant un petit « clic ». Ensuite, elle fit tourner la partie haute. Aussitôt, le dôme violet se ramassa sur lui-même puis disparut.

La Rejetée rendit la pointe à Perrin.

— Tourne dans l’autre sens pour faire réapparaître le dôme. Plus tu vas loin, et plus il sera étendu. Pour verrouiller, laisse glisser ton doigt dans le sens inverse de ce que j’ai fait. Où que tu places la pointe, ça aura des conséquences dans ce monde et, en même temps, dans le monde réel. Mais attention, parce que ça interdira à tes alliés, comme à tes ennemis, de Voyager. On peut passer outre avec une clé, mais je ne sais pas laquelle il faut pour cette pointe.

— Merci, dit Perrin à contrecœur.

À ses pieds, un des types grogna puis roula sur le côté.

— N’y a-t-il vraiment aucun moyen de résister à la conversion ? On ne peut rien faire ?

— Résister est possible, mais pas très longtemps. La plus indomptable volonté finit par se briser. Si un homme fait face à des femmes, elles l’écraseront très vite.

— Ce ne devrait pas être possible, dit Perrin en s’agenouillant. Personne ne devrait pouvoir forcer un être à se tourner vers les Ténèbres. Même quand on a tout perdu, on devrait garder ce choix-là.

— Ces hommes ont eu le choix, dit Lanfear en taquinant les côtes d’un des deux gardes du bout d’un pied. Ils auraient pu être apaisés. Débarrassés de leur faiblesse, ils n’auraient jamais pu être convertis.

— Je n’appelle pas ça un choix.

— C’est le tissage de la Trame, Perrin Aybara. Toutes les options ne peuvent pas être bonnes. Parfois, on doit savoir faire avec le meilleur du pire et chevaucher la tempête.

Perrin dévisagea son interlocutrice.

— C’est ce que tu prétends avoir fait ? Choisir les Ténèbres parce que c’était la « meilleure » option ? Je n’en crois pas un mot. Tu t’es ralliée au Ténébreux par soif de puissance. Tout le monde sait ça.

— Pense ce que tu veux, louveteau, lâcha Lanfear, le regard dur. Pour mes décisions, j’ai souffert, tu peux me croire. La douleur, le désespoir et une mortelle tristesse me hantent à cause de ce que j’ai fait dans ma vie. Et mon calvaire va bien au-delà de ce que tu peux imaginer.

— De tous les Rejetés, tu es celle qui a le plus vite choisi sa place et accepté son rôle.

— Tu crois des histoires vieilles de trois mille ans ?

— C’est mieux que de gober les propos d’une personne comme toi.

— Là encore, pense ce que tu voudras… (Lanfear baissa de nouveau les yeux sur les sentinelles droguées.) Si ça peut t’aider à comprendre, louveteau, sache que bien des gens pensent que les hommes comme ceux-là meurent au moment de la conversion. Après, une autre entité envahit leur corps. C’est ce que croient certains, en tout cas…

Sur ces mots, Lanfear se volatilisa.

Perrin soupira, glissa la pointe des rêves à sa ceinture, puis se décala pour retourner sur le toit. Dès qu’il se matérialisa, Gaul se retourna, son arc armé.

— C’est toi, Perrin Aybara ?

— C’est moi, oui…

— Je me demande si je ne devrais pas exiger une preuve… Ici, me semble-t-il, il est facile de modifier son apparence.

L’Aiel ne baissa pas son arc.

Perrin se fendit d’un sourire.

— L’apparence n’est pas tout… Je sais que tu as deux gai’shain, l’une que tu veux et l’autre non. Aucune ne se contente d’agir comme le devrait une gai’shain digne de ce nom. Et si nous survivons, une des deux t’épousera peut-être.

— Peut-être, oui…, concéda Gaul tout en baissant son arc. Mais on dirait bien que je vais devoir prendre les deux ou aucune. C’est sans doute un châtiment, pour leur avoir fait abandonner leurs lances, même si ce n’est pas moi qui l’ai voulu, mais elles. (L’Aiel secoua la tête.) Le dôme violet a disparu.

Perrin tira de sa ceinture la pointe des rêves et la brandit.

— Exact, il n’existe plus.

— Quelle est notre prochaine mission ?

— Attendre, fit Perrin. (Il s’assit en tailleur.) Et voir si la disparition du dôme a attiré l’attention de Tueur.

— Et si ça ne l’attire pas ?

— Eh bien, nous irons dans l’autre endroit où il est le plus probable qu’il soit, fit Perrin en se grattant le menton. À savoir un lieu où il y a des loups à tuer.

— Nous t’avons entendu ! cria Canler à Androl, assez fort pour couvrir le bruit de la bagarre. Que la Lumière me brûle si je mens ! Nous étions dans ma boutique, et on t’a entendu parler. Alors, nous avons décidé que l’heure d’attaquer avait sonné.

Des tissages explosaient partout dans la salle. Alors que la terre s’ouvrait, les sbires de Taim, sur l’estrade, projetaient du Feu sur les gars de Deux-Rivières. Après avoir sauté au sol, des Blafards dont le manteau ne bougeait pas dégainaient leur épée.

S’éloignant de Canler, Androl, la tête baissée, alla rejoindre Pevara, Jonneth et Emarin d’un côté de la salle. Canler l’avait entendu ?

Le portail qu’il avait tenté d’ouvrir vers la boutique, juste avant que Taim le propulse contre un mur… Eh bien, il avait dû s’ouvrir, si petit qu’il ne l’avait pas remarqué.

De nouveau, il était capable de générer des portails. Mais seulement des passages minuscules… Quelle utilité ?

C’était suffisant pour neutraliser les Torrents de Feu de Taim, pensa Androl en atteignant Pevara, Emarin et Jonneth. Aucun des trois n’était en état de combattre.

Androl tissa un portail qui percuta le mur et le poussa…

Quelque chose avait changé.

Le mur disparut.

Tombant à genoux, Androl en resta sonné un moment. Alors que les explosions l’assourdissaient, il vit que Canler et ses compagnons se battaient vaillamment. Mais les jeunes gars de Deux-Rivières affrontaient des Aes Sedai expérimentées et – peut-être – une Rejetée. Résultat, ils tombaient les uns après les autres.

Oui, mais le mur avait disparu.

Androl se releva et revint vers le centre de la salle. Sur l’estrade, Taim et ses sbires se battaient toujours et les tissages de Canler et des survivants de son groupe faiblissaient.

Quand ses yeux se posèrent sur Taim, Androl fut pris d’une rage comme il n’en avait jamais éprouvé. La Tour Noire appartenait aux Asha’man, pas à cet homme !

Il était temps que les Asha’man réclament leur dû ! Androl rugit, tendit les mains et tissa un portail. Cette fois, le Pouvoir se déversa de lui. Comme avant, son portail fut en place plus vite que celui de n’importe qui et devint bien plus large que ce qu’un homme si peu puissant aurait dû pouvoir générer.

Ce passage-là atteignit la taille d’un grand chariot. Orienté en direction des séides de Taim, il devint opérationnel au moment où ils lâchaient une nouvelle salve de tissages mortels.

Ces flux dévastateurs percutèrent l’ouverture qui donnait… à courte distance de là, sur l’estrade, derrière les tueurs de Taim.