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— Tu t'intéresses toujours aux oiseaux? C'est bien, Natasha! Tu sais que nous avons un superbe perroquet vert qui passe réguliè­rement au-dessus du condo! Les jumelles sont dans l'auto, si tu veux aller les chercher. Dans le coffre à gants, tiens, voilà la clé.

Ce qui est bien avec mon grand-père, c'est qu'il me traite comme une adulte.

J'ai trouvé les jumelles dans le coffre à gants. Après avoir bien vérifié les serrures, j'ai rejoint mon cousin et mes grands-parents sur la plage. Même s'ils étaient allés très loin, je les aurais retrouvés sans difficulté grâce aux jumelles! Elles étaient super puissantes! Je voyais parfaitement les mouettes et les goélands.

Et un super hyper extraordinaire beau gars! Une chance que les jumelles étaient accrochées à mon cou, car j'ai failli les échapper de saisissement! Et quand grand-papa m'a bousculée pour m'empêcher de mettre le pied sur une méduse, je l'ai regar­dé d'un air étonné.

— Eh! Fais attention, ma chouette! La piqûre de la méduse brûle terriblement!

— Elle est pourtant magnifique, a dit Pierre. D'un bleu brillant fantastique! On dirait une extra-terrestre! Passe-moi ton ap­pareil photo, Nat! Ça te débarrassera un peu!

C'est vrai que j'étais un peu encombrée. Et même si j'avais envie de photographier le beau gars, nous étions trop éloignés; je n'aurais vu qu'un point doré (ses cheveux, une auréole) sur la photo. Je me repren­drais plus tard!

Pierre avait l'air ravi de voir la méduse. Et la plage, et les filles (j'ai pensé qu'il ne tarderait pas à m'emprunter aussi les ju­melles), et le soleil écarlate et la mer tur­quoise. Tout, quoi! On riait de rien, on riait d'être bien, et nos grands-parents s'amu­saient autant que nous de notre joie.

Je courais derrière mon cousin pour lui lancer du sable quand on a entendu un grand cri.

Le cri affolé d'une femme, puis d'un homme, puis d'un tas de gens.

J'ai pensé à un requin. Mais ce n'était pas ça, heureusement. Quoique... C'était un garçon d'une douzaine d'années qui était en train de se noyer! Tout le monde hurlait, mais personne n'allait lui porter secours. Comme s'ils étaient tous paralysés!

Pierre s'est approché en courant, mais un grand type l'avait devancé et nageait maintenant avec force vers l'adolescent qui, lui, ne criait plus du tout au secours. Pendant ce temps, la foule sur la plage gros­sissait, s'agglutinait comme si c'était un joli spectacle!

Le type a réussi à lui attraper un bras, puis il l'a soulevé par les épaules et lui a enfin maintenu la tête hors de l'eau. Evi­demment, c'est à ce moment qu'une vague a décidé de les repousser vers le large, et tout le monde a hurlé de nouveau! Les gar­diens de la plage, qui s'étaient jetés à l'eau à la suite du grand type, ont été entraînés à leur tour au loin. Et pendant un instant, on a perdu de vue la tête noire du sauveteur et celle de la victime.

Puis, soudain, une autre vague, et voilà qu'ils revenaient vers nous! Le Noir avait un style! Il devait être champion de nata­tion, avançant comme s'il était à peine em­barrassé de tirer un corps inanimé! Quand il s'est redressé en portant l'adolescent, il a dit: «Vite, il respire encore!»

Pierre s'est précipité pour faire le bouche-à-bouche. Je ne savais pas que mon cousin avait des notions de secourisme, mais j'étais très fière de lui! Le Noir l'a relayé un mo­ment, puis l'adolescent a remué faiblement. Les gens ont crié bravo, bravo, et j'avais la gorge serrée. Grand-maman n'arrêtait pas de répéter:

— Si ça vous arrivait! Je ne me le par­donnerais pas!

— Mais non, on est plus vieux! Et on sait nager! Et on n'ira pas trop loin!

— Ni quand la mer sera trop agitée! Tu me le promets?

Je l'ai embrassée sur la joue pour toute réponse. Pierre revenait vers nous avec un grand sourire; ce serait son meilleur souve­nir de la journée, même si prendre l'avion est plus agréable que faire le bouche-à-bouche.

Grand-papa a toussoté pour dire que Pierre aurait mieux aimé une jolie blonde. Mon cousin nous a fait un clin d'oeil en souriant, puis il nous a présenté le sauve­teur, Dan, qui souriait, lui aussi. Et qui avait l'air triste en même temps. Je me suis demandé pourquoi, mais je ne pouvais pas lui en parler, je ne le connaissais pas. Pour­tant, j'aurais été super contente et super fière de moi à sa place!

Il a parlé un peu avec mes grands-parents. Il parlait bien français, car sa mère est haï­tienne. Mais il avait un petit accent améri­cain délicieux.

J'adore les accents, c'est irrésistiblement exotique. J'espère que je produis le même effet quand je baragouine l'anglais. Mais j'en doute. Dan a dit que Pierre avait un bon esprit d'entraide, puis il s'est retourné pour voir ce qui arrivait à son quasi-noyé. Les surveillants de plage s'en occupaient.

— Ses parents sont peut-être dans les boutiques? Ou ils n'habitent pas loin et ne savent pas ce qui est arrivé? Parce que s'ils étaient sur la plage, ils seraient venus vous remercier en courant, a dit grand-maman. En tout cas, c'est ce que j'aurais fait!

— Mais pour l'instant, il n'y a personne...

— On peut attendre encore un peu, mais ensuite, on pourrait raccompagner ce garçon chez lui? a proposé grand-papa. Il n'est pas bien vieux pour être tout seul.

— Non. Il n'est pas vieux. À peine douze ans, a dit Dan d'un ton sinistre. C'est vrai­ment triste...

— Enfin, vous l'avez sauvé! C'est l'im­portant, a dit grand-papa.

— De la noyade, oui. Mais pour le reste... Voyez-vous, rien ne serait peut-être arrivé s'il n'avait pas pris de crack.

— Du crack? ai-je dit.

— Oui. J'espère que ça ne vous intéresse pas, a fait Dan.

J'ai secoué la tête avec conviction.

— Moi, j'aurais plutôt faim! a dit Pierre. Toutes ces émotions creusent. Et toi, Dan?

Notre nouvel ami a souri, ça n'avait pas l'air de le déranger que Pierre le tutoie, même s'il devait avoir au moins trente-cinq ans.

— Viens manger avec nous! ai-je dit. O.K.? Grand-maman fait les meilleurs ham­burgers du monde entier!

— Natasha, voyons! On n'est pas obli­gés de manger des hamburgers! Je préfére­rais qu'on mange des crevettes grillées. C'est meilleur! On ajuste à arrêter à la pois­sonnerie. Tiens, le garçon se relève! Il a l'air mieux!

Dan a apprécié qu'on l'invite, mais il nous a dit de ne pas l'attendre et il s'est diri­gé vers l'adolescent. Qui ne l'a pas reconnu. Et quand Dan lui a tapoté l'épaule, l'au­tre s'est rebiffé! Il a même grimacé! Mais quand il s'est éloigné, Dan l'a suivi!

Drôle de façon de remercier son sauve­teur! Il aurait pu lui cracher à la figure, tant qu'à faire! J'étais écoeurée. Pierre aussi! Est-ce qu'on pouvait encore être raciste au point d'aimer mieux crever que d'être sauvé par un Noir? J'avais envie de pleurer et de courir vers Dan pour lui dire d'oublier ce gars-là. Je me suis approchée et j'ai croisé le regard de Dan.

Un regard inquiet. Pas blessé, pas insul­té. Non, angoissé. Comment un adolescent pouvait-il l'effrayer? L'instant suivant, Dan me souriait et je me suis demandé si je n'avais pas rêvé. Il nous a fait au revoir de la main. On l'a imité. Puis on est rentrés à la maison en se disant qu'on aurait peut-être dû insister davantage pour qu'il mange avec nous.

Plus tard, Pierre m'a dit qu'il trouvait Dan mystérieux.

J'étais absolument d'accord. Et le mys­tère, ça me connaît!

Chapitre 4 Plage et coquillages

Le matin, il y avait les meilleurs pam­plemousses que j'ai jamais goûtés de toute mon existence, sucrés, juteux, frais! Un dé­lice! Grand-papa a proposé de nous emme­ner faire le tour de la ville et voir une autre plage, plus loin, qui est moins achalandée que la Johnson. Pierre et moi n'avions pas besoin de nous regarder pour savoir qu'on préférerait les plages où il y avait plus de monde. Du beau monde. Mais on a accepté pour faire plaisir à grand-papa.