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Antonio avait oublié sa guitare, Octave n'avait évidemment pas traîné son piano et John a dit qu'il avait laissé sa clarinette chez lui. Et qu'il avait mieux à faire.

Sa clarinette? Octave m'avait dit qu'il jouait aussi du piano. De plus en plus étran­ge... J'ai failli dire tout haut que je n'aimais pas ces secrets, mais étant donné que j'ai naturellement envie d'éclaircir les mystères, j'ai décidé de mener mon enquête. Comme je regrettais de ne pas parler suffisamment anglais! Je devrais me contenter de cuisiner Octave pour en apprendre davantage.

Ou Maia; elle avait l'air de savoir ce qui se traficotait. Mais comment la question­ner? Pierre et elle passaient leur temps à se bécoter! Mon cousin était ensorcelé! Entre deux baisers (de plus en plus prolongés), il la regardait comme si elle allait s'envoler s'il la quittait des yeux plus d'une seconde! Je me demande pourquoi il avait apporté son saxophone! Il n'avait visiblement pas envie de s'en servir!

Je m'ennuyais! Pour ma première soirée sur la plage, c'était réussi! J'ai décidé d'aller m'acheter une poutine; quand je m'embête, je mange! Octave a décidé de m'accompa­gner tout en m'avertissant qu'il n'était pas certain que le casse-croûte soit ouvert à cette heure.

— Si c'est fermé, on trouvera quelque chose à grignoter à l'hôtel.

On se dirigeait vers le casse-croûte, et j'allais demander à Octave pourquoi il n'avait pas pris de crack, quand on a croisé Jeremy, le super beau gars. J'ai senti qu'Oc­tave se raidissait à côté de moi lorsque Jeremy m'a fait un petit salut.

— Tu le connais? a-t-il demandé.

— Non. Je l'ai vu sur la plage, c'est tout. Je pense qu'il collectionne les coquillages, non?

— Collectionner? Oui, d'une certaine manière...

— Qu'est-ce que tu veux dire? Comme il allait répondre, Dan est passé

devant nous sans me reconnaître:

— Hey Dan? Hello! How are y ou?

Il s'est retourné subitement. Il avait tou­jours cet air étrange; à la fois ravi et furieux. Qu'est-ce qui l'embêtait et qu'est-ce qui lui faisait plaisir? Il nous trouvait peut-être trop jeunes pour perdre son temps à discu­ter avec nous? Il ne m'avait pourtant pas donné l'impression de cela la veille. Mais maintenant, je ne savais plus quoi dire. J'ai fait un petit sourire:

— Tu n'as pas sauvé d'autres noyés au­jourd'hui?

— Non. Heureusement.

Pour le mettre de bonne humeur, j'ai ra­conté à Octave comme Dan était courageux! Et bon nageur!

— Tu devais être un champion olym­pique!

— Pourquoi «devais»? m'a taquiné Dan. Je parais si vieux?

— Ce n'est pas ce que je voulais dire... Viens-tu manger une poutine avec nous?

— O.K. Ton cousin n'est pas avec toi?

— Il est là-bas, avec sa bande. Et surtout une fille! Je ne sais pas pourquoi il a appor­té son saxophone!

On n'a pas mangé de poutine, car le casse-croûte était fermé, mais on a marché ensemble le long de la plage. Je me sentais en sécurité avec Dan: si une vague m'em­portait, il était capable de venir me cher­cher! On a rencontré Flash-Fluo; il nous a fait un petit signe de tête, puis il a continué sa route sans dire un mot.

— Il est bizarre! ai-je dit. Il porte des couleurs si voyantes qu'il éclaire la plage!

— C'est la mode, a fait Octave d'un ton amusé. Allons retrouver ton cousin. J'ai hâte de l'entendre!

Coup de chance, quand on a rejoint Pierre et Maia, John partait!

Enfin la paix! Octave a prié Pierre de jouer du saxe, et il s'est exécuté. D'autres personnes qui se promenaient sur la plage sont venues. Puis Dan a joué à son tour, avant de nous raccompagner chez nous. Il connaissait des morceaux de jazz super!

Ça paraît si simple quand on regarde jouer un musicien, mais je savais que Dan, comme Pierre, avait fait régulièrement des exercices de respiration. Il avait appris le solfège et, pour arriver à jouer avec tant d'aisance, il fallait des années et des an­nées de travail. Tout le monde a applaudi quand il a rendu son instrument à Pierre en promettant d'apporter le sien le lendemain.

La soirée se terminait bien mieux qu'elle n'avait commencé!

Chapitre 7 Le sourire de Dan

Nos grands-parents avaient l'air rassurés que Dan nous ait reconduits. Ils sont allés se coucher pendant que je discutais avec Pierre, ou plutôt que je l'écoutais me van­ter les charmes de Maia. Il radotait, et je l'ai taquiné.

— C'est vrai, je m'enflamme un peu... Mais elle est extraordinaire! Je ferais n'im­porte quoi pour lui plaire!

— Même prendre du crack? Pierre a secoué la tête vaguement:

— Ce n'est pas de ça que je parlais! Penses-tu qu'elle a aimé ma manière de jouer? Je crois que je vais composer une mélodie pour elle!

— Ça devrait lui faire plaisir...

— Je ne sais pas. Je ne la connais pas beaucoup.

— Pour des étrangers, vous étiez pas mal intimes...

— Non, je voulais dire qu'on se con­naît, mais pas sur le plan musical, a protesté Pierre.

— Evidemment, tu as à peine joué... du saxophone. Si ça allait plus loin, y as-tu ré­fléchi?

Mon cousin a soupiré:

— J'aimerais ça. Mais je ne sais pas si elle voudrait. Et puis... euhî... tu sais...

— Tu ne l'as jamais fait?

— Ce n'est pas ça, voyons! J'ai juste oublié d'apporter mes condoms.

Oublié!? Il me prenait pour une idiote! J'étais prête à parier tout mon argent de po­che qu'il n'en avait jamais acheté!

— Ah! C'est embêtant.

— Oui... Et peut-être que...

— Que quoi?

— Qu'on pourrait en acheter ensemble?

— Pourquoi ensemble? Qui ensemble? Maia et toi?

Pierre s'est impatienté:

— Mais non, toi et moi. Tu aurais l'air d'être ma blonde, et ça serait moins gênant à la pharmacie. Si j'y allais avec Maia, elle penserait que je prémédite mon coup. Ça manquerait de romantisme. Et avec vous, les filles, il faut toujours que ça soit romantique.

— Et pourquoi pas?

— Mais vous voulez aussi qu'on mette des condoms, et ça, c'est moins romantique!

— Et tomber enceinte, et se faire avor­ter, et attraper le sida, c'est romantique? Je vais aller les acheter avec toi, tes condoms. Avant que tu ne changes d'idée!

— Peut-être que je ne m'en servirai ja­mais...

— Tu exagères un peu! ai-je dit en pouf­fant de rire.

Il faut toujours que Pierre dramatise tout!

***

A midi le lendemain, on ne pensait plus du tout aux préservatifs. Et on n'avait pas besoin de dramatiser la situation; elle était assez terrible comme ça!

Dan s'était noyé.

Les vagues avaient ramené son corps sur la grève vers dix heures le matin.

Je ne m'arrêtais pas de pleurer. Pourquoi était-il mort? Pourquoi était-il allé se bai­gner en pleine nuit? Pourquoi n'était-il pas rentré chez lui après nous avoir ramenés?

Pourquoi? Chose certaine, ce n'était pas parce qu'il avait pris du crack.

Je ne reverrais plus son bon sourire ni ses yeux pétillants. Il ne jouerait plus ja­mais du saxophone avec Pierre.

— Il avait dit qu'il viendrait ce soir... sur la plage...

— Je sais, Nat, je sais, a dit mon cousin en me passant la main dans les cheveux.

— Ce n'est pas juste! ai-je crié.

— Je sais, Nat, mais qu'est-ce qu'on peut faire?

J'ai soupiré, puis reniflé un bon coup:

— Je veux aller voir où on a découvert son corps.

— Qu'est-ce que ça va te donner?

— Je veux voir!

Il y avait une foule de curieux, bien sûr, mais j'ai encore repéré sans mal le type fluo! Il se tenait assez près des voitures de police comme si l'endroit où l'on avait découvert le corps ne l'intéressait pas. Il avait son ap­pareil photo, mais il avait sans doute termi­né son film, car il ne l'a pas utilisé. Moi non plus. Il n'y avait rien à voir. Et même si... Je n'aurais pas pris le corps de mon ami Dan en photo! Je ne suis pas nécrophile!