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La place s'est vidée peu à peu, puisqu'il n'y avait pas de scène bien morbide à contempler. Si moi, j'y étais allée, c'était pour comprendre comment Dan avait pu périr. C'était tout de même extrêmement curieux qu'un champion de natation se noie.

— Il faut le dire aux policiers!

— C'est un accident, Nat...

— Reste là si tu veux! Moi, je vais le leur dire! ai-je annoncé.

Je ne pouvais pas compter sur lui, puis­que Maia s'avançait vers nous. Je me suis donc dirigée seule vers celui qui semblait être le chef.

— Excuse me, but I want to say a chose qui pourrait y ou interest.

— What? I don't understand! Maudit! J'aurais donc dû mieux étudier

mon anglais!

— Ifs for the cadavre. Je le connaissais!

— Sorry, but... Flash-Fluo est venu vers nous:

— Je parle anglais. Est-ce que tu veux que je traduise?

J'ai hésité, mais comme les policiers s'énervaient en se tapotant le front avec leurs mouchoirs — ils étaient rondelets et en sueur contrairement aux héros des séries télévisées —, j'ai acquiescé:

— Dis-leur que Dan a sauvé un garçon de la noyade hier. Il nageait super bien. C'était un champion!

Flash-Fluo a traduit mes paroles. Le flic a hoché la tête en marmonnant quelques mots: «I know that...» Puis il a fait signe à Flash-Fluo de circuler, comme s'il était fâché de son intervention:

— Qu'est-ce qui se passe?

— Rien.

— J'ai des oreilles! Il a dit qu'il le sa­vait? Et c'est tout ce que ça lui fait? Il ne trouve pas bizarre qu'un champion de nata­tion se noie?

— C'est sûrement un accident, a dit aussitôt Flash-Fluo.

— C'est ça, ai-je fait en le dévisageant afin qu'il comprenne bien que je n'étais pas dupe: il avait dit beaucoup trop vite que c'était un accident!

Est-ce que je le gênais en me mêlant de cette affaire? Il s'était offert super rapide­ment pour traduire mes renseignements aux flics. Que redoutait-il? Je lui ai tourné le dos en réalisant que mon expression me trahirait! Il ne fallait pas qu'il devine que je le soupçonnais...

De quoi? Je l'ignorais... Mais son com­portement était anormal. J'avais assez de flair pour le sentir! J'ai couru vers mon cousin pour tout lui raconter, mais j'ai vite su que je devrais mener seule mon enquê­te: Maia et lui étaient enlacés comme deux pieuvres! Ils ne se sont même pas rendu compte que je les abandonnais.

Ma décision était prise; je filerais Flash-Fluo.

Je suis allée m'acheter des verres fumés et un chapeau de paille. Et un nouveau film pour mon appareil photo. Afin que Flash-Fluo ne se doute pas que je le suivais. Si jamais je le surprenais dans une situation révélatrice, il suffirait que je photographie d'autres gens. Il ne saurait pas que j'étais prête à gaspiller quatorze photos sur quinze pour en avoir une sensationnelle!

Gaspiller n'est pas vraiment le terme: le temps de ressortir de la boutique, j'avais perdu de vue mon suspect! Comme si c'était possible! J'ai cependant commencé à prendre des photos...

Et je n'ai pas pu résister à l'envie d'im­mortaliser le beau gars sur la pellicule. Quand je montrerais la photo de Jeremy à Laurence, je pourrais dire que je l'avais fré­quenté. Elle ne pourrait pas soutenir le contraire! Je n'aime pas mentir à ma meil­leure amie et je lui dirai la vérité quand on aura trente ans, mais pour le moment, je voulais qu'elle me croie également capable de séduire les gars plus vieux.

J'ai pris quelques photos des gens qui venaient échanger des coquillages avec Je-remy. Mais, sur ces photos, il portait ses lunettes de soleil et sa casquette. Honnête­ment, on ne le voyait pas assez bien pour qu'on puisse l'admirer! Je l'ai donc discrè­tement observé, et la chance m'a souri; il a rejoint un type derrière la boutique de sou­venirs. Et là, il a enlevé ses lunettes. Il avait des yeux extraordinaires! Je montrerais aus­si sa photo à Emilie et Sophie et Justine.

J'ai pris deux photos de lui tandis qu'il échangeait des coquillages. Clic! Clic!

Puis une troisième. Clic!

J'ai dit que la chance m'avait souri? Oui. Mais pas Jeremy.

J'ai fait semblant de ne pas percevoir son regard furieux et j'ai contourné la bou­tique d'un pas nonchalant tout en chan­geant mon film. Mais Jeremy m'a bientôt rattrapée sur la plage.

Chapitre 8 Le beau Jeremy

Il ne souriait toujours pas. Il semblait même en colère.

J'ai supposé qu'il détestait qu'on le pren­ne en photo. Comme ma copine Laurence! Chaque année, quand on doit se faire pho­tographier pour le bottin des étudiants, c'est le drame! Elle se lamente pendant des jours sur sa photo ratée.

— On l'est tous, ratés! lui ai-je dit. On a tous l'air fous sur les photos! Regarde la mienne, on dirait une grosse vache! Quel regard stupide! Et j'ai un bouton évidem­ment!

— Non, tu te ressembles! a répondu Laurence.

— Toujours aussi diplomate!

— Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, a-t-elle bafouillé.

Puis elle s'est penchée de nouveau sur sa photo en gémissant. Je me demande ce qu'elle fera pour le journal des finissants... Enfin, nous avons le temps d'y penser et Laurence n'aura plus son appareil ortho-dontique à ce moment-là.

Jeremy, lui, n'avait pas d'appareil. Ni de boutons. Il aurait pu faire de la réclame pour de la pâte dentifrice, et sa peau bron­zée était lisse, impeccable, enviable... Avec son menton carré et ses fossettes, sa bou­che sensuelle, il n'avait aucune raison de redouter d'être photographié! Il était vrai­ment trop modeste! Je l'ai trouvé encore plus sympathique: il n'y a rien de pire que les gens qui savent qu'ils sont beaux!

Non, il y a pire encore: les gens qui font semblant de ne pas savoir qu'ils sont beaux, c'est vraiment énervant! Ce n'était visible­ment pas le cas de Jeremy, il se tenait devant moi sans dire un mot. S'il était aussi timide, il fallait bien que je fasse les premiers pas. Mais j'hésitais. Pourtant, je voulais le met­tre en garde contre John! Il devait savoir que ce n'était pas un véritable ami. Ouf! Il a fini par m'interpeller:

— Salut!

— Hi! Salut!

Hourra, il parlait français! Ça serait plus facile! Faire des approches dans sa propre langue est compliqué, imaginez en anglais! Cela dit, j'aurais pu devenir bilingue, s'il l'avait fallu, pour converser avec Jeremy. De près, il était encore plus beau! Si c'était possible! Quand Laurence verrait les pho­tos! Et Marie-Machin de Beaumont! Je di­rais aussi que Jeremy logeait au Hollywood Beach Hôtel que j'avais photographié. Ça lui en boucherait un coin!

— Tu es Québécois?

— Oui, toi aussi?

J'ai hoché la tête, cherchant désespéré­ment à dire quelque chose d'intelligent.

— Tu m'as pris en photo, je crois? Tu sais, ça me gêne...

— C'est-à-dire que...

J'allais lui mentir, tant pis! Je n'avais pas envie qu'il devine si vite qu'il me plai­sait! Il s'imaginerait que j'étais une espèce d'excitée qui se ruait sur les gars! Comme Flash-Fluo qui photographiait les filles en bikini.

— C'est-à-dire que ce n'est pas toi, mais tes coquillages que je photographiais.

Il a relevé ses lunettes, froncé les sour­cils; il affichait une mine soucieuse. Il était peut-être moins humble que je ne l'avais cru? Que je lui préfère des coquillages l'ennuyait.

— Mes coquillages? Pourquoi? Qu'est-ce qu'ils ont?

— Ils sont superbes, voilà tout! J'aime­rais les prendre de plus près.

— Pourquoi?

— J'ai une amie qui les collectionne!

— Vraiment? Et pourquoi? Pourquoi les gens collectionnent-ils des

objets? Quelle question! Parce qu'ils aiment ça! Il était un peu bizarre, Jeremy...

— Mais tu collectionnes toi-même les coquillages! Tu montrais un oeil de requin de l'Atlantique à une fille. Je ne sais pas où tu les trouves! Il n'y en a pas sur cette plage-ci!