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Mon tourmenteur enquille à nouveau sa branche. Feu au-dessus de l’épaule ! Il bascule recta, ploum ! Pierre lâchée ! Ses potes doivent croire dans l’immédiat qu’il a été déséquilibré par le tressaut de la voiture. Je biche la poignée de la porte, et, voyez caisse ! Un roulé-boulé, façon Azor.

Heureusement qu’il fait schwartz. Chose réjouissante, mes trois autres tagonistes sont en pleine luce, éclairés comme à l’avant-scène d’un théâtre par le phare de recul du premier motard.

— Les mains en l’air, tous les trois ! barris-je, ayant appris l’éléphant usuel lors d’un séjour dans l’Inde millénaire.

Au lieu d’obtempérer, le premier faux flic dégaine son feu. Fatale réaction. Je le plombe sobrement d’une seule bastos dans le cou. La jugulaire sectionnée, il s’écroule. Ce que voyant, P. J. France prend le funeste parti de courir.

— Stop ! j’ lu sommationne.

Mon cul. Tu peux toujours crier stop à un habitant de Saint-Pierre de la Martinique quand le volcan déconne.

Pour l’arrêter, je lui praline les cannes. Il s’en chope deux belles : une dans la cuisse gauche, l’autre dans le genou droit, et ça, crois-moi, c’est très très douloureux. Le voilà à plate bedaine dans la poussière, qui vagit sinistrement.

— Hello, mister Prenduron, lancé-je en m’avançant vers la petite femme à barbe de France ; seriez-vous le seul type raisonnable de ce quatuor ?

Car lui, il tient ses pattounes levées comme un saint-bernard qui fait le beau. N’ayant pas de sucre à lui refiler pour le récompenser, je me mets à lui flatter la croupe par-derrière. C’est pas la chose du vice, mais celle de la sécurité : il n’a pas d’arme.

— Voilà une belle soirée qui finit mal, lui dis-je ; la vie est pleine de « hélas », d’« aléas » et d’« alinéas ».

Tout en jactant, je continue de le braquer, et tout en le braquant, je considère les lieux. Nous nous trouvons sur une espèce d’entablement pelé qui surplombe une faille rocheuse. Le bruit d’un torrent me parvient, de très bas. Donc, ces garnements allaient bel et bien me virguler dans le vide.

L’ivresse de ma victoire éclair m’oxygène les soufflets. Putain, j’ai eu chaud aux plumes ! Mais quel retournement ! On ne me changera jamais, te dis-je. Je fais de nouveau face au mignon barbu.

— Va t’asseoir dans ma bagnole, fiston !

Il hésite.

Pour l’inciter à la soumission pleine et entière, je lui vote un coup de latte dans les mignonnes. Il râle de douleur et se plie en deux.

— Non, non, debout ! enjoins-je en le redressant d’un coup de genou sous le menton.

Cette fois, il obéit.

Au passage, je note que les deux motards sont positivement morts. Par acquit de ce que tu sais, je n’en rafle pas moins leur arsenal avec célérité.

Bon, maintenant, le jeune gros barbu est dans la chignole. On entend geindre son riche protecteur, non loin. Et puis les plaintes cessent parce qu’il s’est évanoui de souffrance.

— On est plus que nous deux, tu vois, chéri ? je fais à mon copain angora. Toi, assis dans cette bagnole ruisselante d’essence. Je gratte une allumette et tu t’illumines comme un gâteau d’anniversaire. Moi, dehors, bourré d’armes et de santé. Il me suffit de tirer une praline dans la banquette de la Cad’ pour que ça crame. Gras comme tu es, avec la paille d’emballage que tu trimbales au menton, tu es la proie rêvée pour les flammes. T’as jamais vu de zigs carbonisés à leur volant ? Moi, si. Ils deviennent grands comme des poupées.

Le chérubin grelotte de trouille abominable.

— Franchement, tu ne m’es pas sympa, je lui dis, mais ce n’est pas une raison pour abattre un mec, sinon la planète serait dépeuplée. Tu veux bien répondre loyalement à mes questions ?

Il acquiesce vivement.

— Attends ; par répondre, je sous-entends dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, nous sommes d’accord ?

— D’accord.

— O.K., je commence. Question facile, à dix dollars : pour le compte de qui travaille P. J. France ?

— Ça dépend.

— Ça dépend de quoi ?

— De qui le paie. Il fait partie d’un consortium important qui a des ramifications dans le monde entier.

— Consortium du Crime ?

— Comme vous y allez !

— Ne chipotons pas sur le vocabulaire, mon gros joufflu. Et d’ailleurs, là n’est pas la question. Tu es au courant de l’affaire Stone-Kiroul ? Ça, c’est une question à cent dollars.

— Un peu.

— Un peu beaucoup, j’espère… pour toi.

— Faut voir.

— Raconte !

— Raconter quoi ?

— Ce que tu sais ?

Le jeune barbu a une réaction du type béruréen, figure-toi que l’émotion lui a tracassé la ventraille et qu’il lâche un pet d’affolement pareil à une étoffe qu’on partage en deux.

— Ça, c’est une déclaration d’amour pour le père France, ricané-je. Je préfère que tu me répondes en américain. Alors, Stone-Kiroul ?

— Que voulez-vous savoir ?

— Rigoureusement tout, ma vieille contrebasse, tout, depuis son départ en avion jusqu’à la tombe de Stocky.

Le dodu à poils longs grattouille sa barbe floconneuse et contractuelle.

— Je ne sais que ce que je sais, fait-il modestement.

— Je l’aurais parié, réponds-je. Récite-le bien comme il faut et tu auras peut-être la moyenne. Toute note au-dessous de dix entraînerait la mise à feu de ton système pileux et de son support.

— Je crois savoir que le père de Stone-Kiroul était très ami avec Stocky, je ne me rappelle plus lequel avait sauvé la vie de l’autre, mais enfin des liens très forts les unissaient.

— Bon début, t’as le sens de la narration, fiston, continue sur ce ton et on fera relier ta thèse en peau de couilles.

L’enflé renifle. Il reprend confiance en son destin. Peut-être mijote-t-il une parade ? Ces grosses gonfles mollasses sont parfois capables de fâcheux sursauts. Il s’agit de le garder à l’œil.

— Stocky et Stone-Kiroul fils continuaient d’entretenir de bons rapports. Je vous raconte ce que j’ai cru comprendre à travers des conversations que P. J. a eues avec… différentes personnes.

— Ça me va parfaitement. Alors ?

— Récemment, ils se sont rencontrés à Helsinki, au cours d’un congrès sur les droits de je ne sais qui…

— De l’homme, probablement ; les hommes n’ont que le droit de faire des réunions pour affirmer leurs droits.

Je suis là, à le tartiner, lui faisant enfler le bulbe, au pauvre biquet, au lieu de le laisser poursuivre, moi qui pourtant ai une folle envie de savoir. Mais taquiner une envie rend son assouvissement plus jouissif.

— Au cours de ce voyage, Stocky a révélé à Stone-Kiroul que sa vie état en danger et qu’il était surveillé par une équipe de Jaunes.

— Avait-il l’explication de cette surveillance ?

— A l’époque où il sévissait à la Maison-Blanche, il s’occupait de l’Extrême-Orient.

— Il n’a rien dit de plus ?

Bébémou hausse ses épaules de déménageur gonflé au gaz de Lacq (mot capital au scrabble lorsque les noms propres sont acceptés).

— On ne connaît pas grand-chose de cette conversation, dit-il, juste ce que Stone-Kiroul en a dit aux Anglais d’abord, aux Russes ensuite.