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Puis il se concentra sur les données d’identification et les rapports sur le degré de combativité des vaisseaux ennemis, et une image très différente lui apparut. Le gros amas de Syndics localisé à dix minutes-lumière du point de saut se composait en majeure partie de bâtiments de radoub et de vaisseaux de guerre tous sévèrement endommagés, tandis que nombre de leurs systèmes étaient estimés débranchés pendant les réparations. La formation tout entière, une sphère aplatie, rampait vers l’intérieur du système à une vélocité n’excédant pas 0,02 c.

Les grosses formations les plus proches, à près de trente minutes-lumière du point de saut, offraient un panachage de bâtiments pleinement opérationnels ou très légèrement endommagés, mais seuls quatre cuirassés et deux croiseurs de combat en faisaient partie.

D’autres Syndics émaillaient toute l’étendue du système de Lakota, depuis le point de saut jusqu’à la planète habitée : vaisseaux de guerre ennemis, sans doute plus légèrement blessés mais amochés malgré tout, claudiquant vers les docks orbitaux, cargos apportant des fournitures, civils cinglant d’une planète à une autre. Des dizaines de cibles faciles, comme au tir forain ; seules quelques sentinelles les protégeaient de l’Alliance et lui interdisaient de faire main basse sur tous ceux qui se trouvaient à sa portée.

Desjani laissa échapper un hoquet de pure liesse : « On va les dézinguer, capitaine Geary.

— Ça y ressemble. » Sa propre formation n’était qu’un ramassis désordonné, mais il ne pouvait pas prendre le temps de la réorganiser. Sans doute avait-il une bonne tête d’avance sur la principale flottille syndic lancée à leurs trousses depuis Ixion, mais elle émergerait tôt au tard de ce point de saut, et il ne tenait surtout pas à voir ces vaisseaux syndics endommagés et ces bâtiments de radoub désarmés lui filer entre les doigts.

Comme si elle lisait dans son esprit, Desjani pointa du doigt la représentation des bâtiments de radoub. « Selon les rapports préliminaires, ils sont très lourdement chargés. Ils seront incapables de fuir, même s’ils parviennent à se désarrimer des vaisseaux qu’ils réparent.

— Hélas, nos propres auxiliaires ne peuvent les battre à la course que parce qu’eux ne sont pas lourdement chargés », fit remarquer Geary ; sur ce, Desjani et lui échangèrent un regard. La même idée venait visiblement de leur traverser l’esprit. « Avons-nous une petite chance d’arraisonner ces bâtiments de radoub sans les abîmer ? Les pièces détachées qu’ils fabriquent ne nous sont d’aucune utilité, mais, si jamais ils ont des stocks de minerais bruts dans leurs soutes, nous pourrions les transférer à bord de nos auxiliaires. »

Desjani se massa d’une main la nuque pendant qu’elle réfléchissait. « On pourrait raisonnablement prédire que les Syndics, quand ils abandonneront leurs vaisseaux, régleront leur réacteur en surcharge. Lieutenant Nicodeom, héla-t-elle une des vigies, feront-ils sauter ces bâtiments quand ils nous verront sur le point de passer à l’attaque ? »

Le lieutenant fixa un instant son écran personnel en fronçant les sourcils. « Faire exploser un vaisseau par surcharge de son réacteur ne se pratique que quand sa récupération est jugée hautement improbable, capitaine. Nous ne faisons jamais sauter un des nôtres, si endommagé qu’il soit, dans un système que nous contrôlons. Autant que je sache, les Syndics se plient à la même politique.

— Et ce système est contrôlé par les Syndics ! » Desjani tourna vers Geary un regard empreint de jubilation. « Ils abandonneront les vaisseaux quand nous tirerons, mais ils les laisseront intacts. Ils savent que nous ne pouvons pas nous attarder dans ce système. Ils tiennent à ce que ces bâtiments de radoub restent récupérables après notre départ et ils ignorent que nous voulons les piller. Il faut tout simplement faire en sorte qu’ils ne comprennent pas que nous les voulons intacts, du moins jusqu’à ce que nous en ayons tiré tout ce que nous espérons.

— D’accord. » Geary s’efforça de se calmer. C’était trop beau pour être vrai, apparemment, mais l’entreprise n’en serait pas plus aisée. « Nous pouvons envoyer la plupart de nos destroyers et croiseurs légers aux trousses des vaisseaux syndics endommagés qui poursuivent indépendamment leur chemin, et nos cuirassés et croiseurs de combat à celles des bâtiments de radoub et des vaisseaux de guerre qu’ils escortent. Certains pourraient encore disposer d’une puissance de feu significative s’ils réussissaient à rebrancher leurs systèmes de combat avant notre interception. Mais il nous faut aussi durement frapper la flottille syndic opérationnelle qui se trouve encore à trente minutes-lumière pour qu’elle… » Un détail le frappa brusquement. « Le portail de l’hypernet n’est plus protégé. Les Syndics ont retiré leur flottille de surveillance. »

Desjani retint son souffle. « Pourrions-nous ? ? Non, nous ne pouvons pas atteindre le portail avant la flottille qui le gardait. Elle n’a pas encore vu notre flotte… (et elle ne la verrait que quand son image lui parviendrait, dans vingt-six minutes environ) mais, sitôt fait, elle aura trop d’avance sur nous.

— J’en ai bien peur », admit Geary. En temps normal, un portail ennemi ne serait pas un choix envisageable puisqu’on ne pourrait pas l’emprunter, mais l’Indomptable avait à son bord une clef de l’hypernet ennemi, fournie par un soi-disant traître qui, en réalité, collaborait au traquenard tendu à la flotte par les Syndics dans leur système mère. Conscients qu’ils ne pouvaient pas l’autoriser à regagner l’espace de l’Alliance avec cette clef, les Syndics avaient d’ores et déjà amplement démontré qu’ils étaient prêts à détruire leurs propres portails plutôt que de laisser la flotte les utiliser.

Ce qui n’était pas seulement frustrant mais aussi très périlleux. « Nous pourrions pourtant en prendre le risque, argua Desjani. Si nous ne réussissons pas à les empêcher de le détruire, nous pourrons malgré tout nous en sortir. Nos boucliers ont résisté à la décharge d’énergie libérée par l’effondrement du portail de Sancerre. »

Geary secoua la tête. « Nova, capitaine Desjani », souffla-t-il pour ses seules oreilles. Celle-ci fit la grimace et hocha la tête. Selon les meilleures estimations en leur possession, la quantité de l’énergie libérée par l’effondrement d’un portail pouvait varier de zéro à l’équivalent d’une nova, de l’explosion d’une étoile. Nul vaisseau ne saurait y survivre, ni même lui échapper. « Non, le portail n’est pas un objectif réaliste. »

Il ne leur avait pas encore dit que la destination de la flotte de l’Alliance risquait d’être modifiée à l’intérieur de l’hypernet syndic ; il ne s’en était confié à aucun de ses commandants. Ça devrait changer. Quelques-uns de ses officiers, dont Desjani, devaient impérativement être informés de l’existence d’un autre ennemi que ces Syndics qui œuvraient si activement contre eux. « Nous ne disposons que d’un bref laps de temps, avant que la force syndic qui nous traque n’émerge d’Ixion, pour mener à bien un grand nombre de tâches. Il nous faut arraisonner cette grosse flottille d’auxiliaires et de vaisseaux blessés, détruire autant d’autres unités qu’il nous sera loisible de le faire, amener nos propres auxiliaires sur place pour piller les bâtiments de radoub ennemis, les protéger en même temps contre une contre-attaque syndic désespérée et… euh…

— C’est déjà beaucoup pour commencer », lâcha Desjani.

Masse désordonnée de vaisseaux, la flotte de Geary piquait vers le « haut » entre le champ de mines syndic et le point de saut, en ne se déplaçant toujours qu’à une vélocité de 0,05 c. Il n’y a pas réellement de haut et de bas dans le vide, bien entendu, mais les hommes ont besoin de ces concepts pour s’orienter. Selon une très ancienne convention, la partie supérieure du plan du système est considérée comme le « haut » et sa partie inférieure comme le « bas », tandis que la direction du soleil est « tribord » ou « starbord », et qu’on va sur « bâbord » en s’en éloignant. Se servir de ces conventions était le seul moyen dont il disposait pour donner un ordre compréhensible à l’ensemble de la flotte.