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— Là, je vous arrête encore. Est-ce que vous faisiez partie de la bande qui m’a sauté dessus ?

— Non, et je suis heureux de vous le dire. Vous avez tué deux types et un autre est mort plus tard. Vendredi, vous faites une sacrée bagarreuse…

— Ça va. Continuez.

— Ecoutez-moi… Le Dr Baldwin ne faisait pas vraiment partie de l’organisation, du système… Quand on a monté le jeudi Rouge…

— Le jeudi Rouge ? Qu’est-ce que cela a à voir avec notre affaire ?

— Eh bien, tout… Ce que vous portiez devait modifier le programme. Au minimum… Je crois que le Conseil pour la Survie – c’est pour lui que les sbires de Mosby travaillaient – avait tout compris. Ils ont d’ailleurs décampé avant d’être prêts. C’est d’ailleurs peut-être pour ça que rien ne s’est produit depuis. Mais je n’ai jamais eu l’occasion de voir une analyse.

(Moi non plus. Et je n’en aurais sans doute jamais la chance. Je me remémorai brusquement avec nostalgie les quelques moments auxquels j’avais eu droit devant le terminal du Pajaro Sands. Quels étaient exactement les présidents qui avaient été tués pendant le Jeudi Rouge ? Et quelles avaient été les conséquences sur les cours de la Bourse ? Je crois que les réponses les plus importantes ne figurent jamais dans les livres d’histoire. Le Patron m’avait demandé d’apprendre ce genre de choses, d’essayer de me frayer un chemin vers les réponses utiles. Mais, avec sa mort, mon éducation s’était brusquement arrêtée…)

— Est-ce que Mosby vous a engagé pour ce boulot ? Pour rester collé derrière moi ?

— Non, pas du tout… Je n’avais qu’un contact avec lui. J’ai été engagé par un agent recruteur qui travaillait pour un attaché culturel de l’ambassade du Royaume à Genève. Mais ça n’a rien de honteux, vraiment… Nous veillons sur vous. Du mieux que nous pouvons.

— Sans un petit viol à la clé, ça doit être dur.

— Très.

— Quelles sont les instructions que vous avez reçues à mon propos ? Vous êtes combien à bord ? C’est vous qui dirigez ?

Il a hésité.

— Mademoiselle, vous me demandez de trahir mes employeurs. Je pense que vous savez comme moi que ça ne se fait pas dans notre métier.

— Tu parles, Charles. Vous savez parfaitement que votre vie dépend de vos réponses. Essayez seulement de vous rappeler ce qui est arrivé à la bande qui m’a sauté dessus à la ferme du Dr Baldwin.

— Je m’en souviens. J’y ai souvent repensé. Oui, c’est moi qui dirige l’opération. Il n’y a que Tilly qui ne dépende pas de moi.

— Qui est-ce ?

— Désolé. Je veux dire Shizuko. A l’université de Californie, elle s’appelait Matilda. Matilda Jackson. Il y avait deux mois que nous attendions au Sky High Hotel…

— Nous. Qui, nous ? Et n’essayez pas de m’apprendre le code du mercenaire. Shizuko sera là d’un instant à l’autre.

Il m’a débité rapidement la liste. Pas de surprise. Je les avais tous repérés. Quelle bande d’amateurs ! Le Patron n’aurait pas toléré ça.

— Continuez.

— On nous a prévenus que nous embarquions à bord du Forward vingt-quatre heures avant. On m’a donné des holos de vous. Quand je vous ai reconnue, j’ai failli m’évanouir.

— Pourquoi ? Les photos étaient si mauvaises que ça ?

— Non, non, elles étaient parfaites. Mais je croyais que vous étiez morte. Je veux dire, dans l’incendie. Et… oui, je dois dire que j’en ai eu de la peine.

— Merci beaucoup… Donc, vous êtes sept et c’est vous qui dirigez. Mais pourquoi ai-je besoin de sept chaperons ?

— Ça, je pensais que vous pourriez me le dire. Mais je ne peux que vous rapporter mes instructions. Il faut que vous atteigniez le Royaume en parfait état de santé. Sans une égratignure. Dès notre arrivée, un officier mandaté par le palais viendra à bord et vous lui serez confiée. A partir de là, ce sera son problème. Mais nous ne toucherons notre prime qu’après l’examen physiologique auquel vous serez soumise.

J’ai réfléchi un moment. Cela semblait correspondre tout à fait avec les préoccupations de Mr. Sikmaa. Pourtant… quelque part, ça sonnait faux… Tout cadrait mais… Sept personnes, employées à plein temps, rien que pour m’éviter de tomber dans un escalier ? Non…

— Bon, ai-je dit, je ne vois vraiment pas d’autre question à vous poser pour le moment, mon vieux. Du moins jusqu’à ce que Shizuko revienne. Je veux dire, « Tilly ».

— D’accord. Pourquoi ne m’appelez-vous jamais par mon prénom, Vendredi ?

— Ça vous fait quelque chose ? Vous ne voulez quand même pas que je vous appelle « Howard J. Bullfinch », non ?

— En règle générale, on m’appelle Pete…

— Parce que votre prénom est Peter ?

— Non, pas du tout… C’est Percival.

J’ai eu beaucoup de mal à me retenir de rire.

— Ah ! Percival… Toute la légende… L’homme brave… Mais je crois bien que Tilly doit attendre à la porte. Il est l’heure de mon bain. Un dernier mot, cependant : est-ce que vous savez pourquoi vous respirez encore ?

— Non.

— Parce que vous m’avez laissée pisser. Avant de m’attacher sur ce lit…

— Oui… Et je me suis fait engueuler pour ça…

— Pourquoi ?

— Le Major voulait que vous pissiez sur vous. Il disait que cela vous ferait craquer plus vite.

— Quel crétin ! Pete, mon vieux, c’est en fait à ce moment-là que j’ai décidé que votre cas n’était pas désespéré…

30

Outpost, ce n’est pas grand-chose. Le soleil est de classe G8, ce qui le met tout en bas de la liste, puisque le soleil de la Terre est G2. Il est affreusement plus froid. Mais ce qui compte, c’est qu’il soit de type G. Là, je me laisse influencer par Jerry. Selon lui, il est quand même probable que nous arrivions à nous installer sur des planètes dont le primaire n’est pas du type solaire, mais tout dépend du taux de radiations mortelles et du spectre visuel… De toute façon, il existe près de quatre cents étoiles de type G entre la Terre et le Royaume… Ce qui représente un programme de colonisation plutôt important dans les années à venir.

Prenons une étoile de type G. Il faut que la planète visée soit à une distance particulière. Pour n’être ni trop chaude ni trop froide. Avec une gravité suffisante pour retenir son atmosphère. Une atmosphère qui devra être mûrie afin d’entretenir la vie-telle-que-nous-la-connaissons. (Pour ce qui est de la vie-telle-que-nous-ne-la-connaissons-pas, c’est un sujet fascinant, mais sur lequel il conviendrait de revenir un peu plus tard. De même que sur les cyborgs ou les êtres artificiels considérés comme des colons…)

Mais Outpost est un cas limite. Le taux d’oxygène de son atmosphère est tellement pauvre qu’il faut marcher très lentement au bord de la mer. Sa distance par rapport à son soleil est telle qu’elle ne connaît que deux saisons : la froide et la glaciale. Elle n’est presque pas inclinée sur son axe : résultat, l’hiver est toujours là, où que vous soyez. Oh ! il existe bien une espèce de saison de part et d’autre de l’équateur, mais, bien sûr, c’est l’hiver qui dure le plus longtemps… C’est la Loi de Kepler qui veut ça… En tout cas, cela me passionne. Pourquoi ? Parce que je n’ai jamais été plus loin que Luna. Et Outpost est à plus de quarante années-lumière de la Terre.

Je m’étais couchée à dix heures après avoir passé une bonne soirée. A deux heures, je m’étais levée pour aller à la salle de bains. J’avais fermé la porte parce que, d’ordinaire, Shizuko arrivait immédiatement derrière moi.