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Je ne cherche qu’à faire la conversation. Scaevola est un nom relativement courant chez les Romains.

« C’est mon oncle Gaius, dit-elle. Tu le rencontreras lorsque nous serons à Rome. Adriana l’adore, toi aussi, tu verras. »

Le ton léger avec lequel elle m’assène la chose me laisse sans voix. La nièce du consul Scaevola, là, nue à côté de moi ?

Grands dieux ! Ces filles et leurs oncles célèbres ! Oncle Gaius, oncle Cassius. Je suis en impressionnante compagnie. Tout le monde romain connaît Gaius Junus Scaevola – trois mandats de consul, peut-être quatre, dont le dernier remonte à deux ou trois ans. Il est, en tous les cas, le deuxième homme le plus puissant du royaume, le puissant personnage qui se tient derrière le jeune et chancelant empereur Maxentius et le soutient en permanence. Mon oncle Gaius, dit-elle, aussi simplement, aussi tendrement que cela. J’aurai des choses à raconter en rentrant en Cornouailles.

La nièce du consul Scaevola roule sur moi et vient m’agiter ses seins au-dessus du visage. J’embrasse leurs tétons patriciens, puis elle fond sur moi comme un de ces oiseaux de proie sur leur victime.

Dans la fraîcheur matinale, nous faisons une longue promenade dans les collines derrière la Villa Jovis, le palais impérial remontant à l’époque de Tiberius. Celui-ci avait l’habitude de jeter ses ennemis du haut de la falaise voisine.

Bien entendu, nous ne pouvons y accéder, puisqu’elle est toujours occupée par les membres de la famille impériale lorsqu’ils viennent à Caprae. Personne ne semble y être en ce moment, mais elle est tout de même surveillée par des gardes fortement armés. Elle domine fièrement la colline, une solide et brillante construction en pierre entourée de fortifications au style recherché.

« Je me demande bien à quoi elle ressemble à l’intérieur, dis-je. Mais je suppose que je ne le saurai jamais.

— J’y suis déjà allée, me dit Lucilla.

— Toi ?

— On dit que certaines pièces et certains meubles remontent au temps de Tiberius. Il y a une piscine intérieure avec les mosaïques les plus obscènes qui soient, on dit que c’est là qu’il s’amusait avec de jeunes filles et de jeunes garçons. Mais, personnellement, je pense qu’il s’agit d’une contrefaçon, construite à l’époque médiévale voire même plus tard. L’endroit a été entièrement pillé lorsque les Byzantins ont envahi l’Empire d’Occident il y a six cents ans. Il y a de grandes chances qu’ils aient rapporté à Constantinopolis les trésors des premiers empereurs, tu ne penses pas ?

— Comment se fait-il que tu y sois allée ? Je suppose que c’était avec ton oncle ?

— En fait, c’était avec Flavius Rufus.

— Flavius Rufus ?

— Flavius César. Le troisième frère de l’empereur Maxentius. Il adore l’Italie du Sud. Il y descend régulièrement.

— Avec toi ?

— Une fois de temps en temps. Oh, que tu es bête ! J’avais seize ans. Nous étions de simples amis !

— Et quel âge ça te fait aujourd’hui ?

— Vingt et un ans. Il a donc six ans de moins que moi.

— Je vois, des amis très proches, donc.

— Oh, Cymbelin, ne sois pas bête ! » Un air amusé passe dans son regard. « Tu le rencontreras aussi lorsque nous serons à Rome.

— Un prince royal ?

— Bien sûr ! Tu rencontreras tout le monde. Les frères de l’empereur, les sœurs de l’empereur, l’empereur lui-même, s’il est en ville. J’ai grandi à la Cour, tu n’as pas encore compris ? Dans la famille de mon oncle. Mon père est mort à la guerre.

— Je suis désolé.

— Il commandait les légions d’Augustus en Syrie, en Égypte et en Palestine où il est mort. Tu as dû entendre parler du siège d’Aelia Capitolina ? C’est là qu’il a été tué, juste devant le temple de la Grande Mère alors que la ville était sur le point de tomber entre nos mains. Il se tenait devant un vieux mur en pierre, un vestige de l’ancien temple, lorsqu’un tireur embusqué l’a abattu. C’est Cassius Frontinus lui-même qui a fait son oraison funèbre. Après cela, mon oncle Gaius m’a adoptée, car ma mère était morte elle aussi un an plus tôt – c’est une longue histoire, un scandale à la cour de l’ancien empereur… »

Ma tête commence à tourner.

« Bref, Flavius est un peu comme un frère pour moi. Tu verras. Nous sommes venus ici et nous avons passé une nuit à la Villa Jovis. Nous avons vu toutes les mosaïques cochonnes dans la piscine de Tiberius, nous nous y sommes même baignés. Et après, il y a eu un énorme banquet, avec des sangliers sauvages des montagnes, des monticules de fraises et de bananes et tu ne peux pas t’imaginer la quantité de vin… oh, allez Cymbelin, ne fais pas la tête, tu ne croyais tout de même pas que j’étais vierge ?

— Non, le problème n’est pas là. Pas du tout.

— Alors, c’est quoi ?

— D’apprendre que tu connais réellement la famille royale. Que tu sois si jeune et que tu aies fait autant de choses extraordinaires. Et aussi que l’homme avec qui je me suis accroché l’autre soir était Cassius Lucius Frontinus, le célèbre général, que tu sois la nièce du consul Gaius Junius Scaevola, que tu aies été la maîtresse du frère de l’empereur et… enfin, ne vois-tu donc pas, Lucilla, à quel point tout cela est difficile pour moi ? À quel point c’est déroutant ?

— Mon pauvre Barbare ne sait plus où donner de la tête !

— J’aimerais bien que tu cesses de m’appeler comme ça. Même si c’est plus ou moins vrai.

— Mon ravissant Celte, alors. Mon merveilleux Britannique à crinière blonde. Tu préfères ? »

Nous louons un petit char tiré par un seul cheval, seul véhicule autorisé sur Caprae et descendons jusqu’à la plage pour y passer l’après-midi à nous baigner nus dans la mer tiède et nous faire bronzer sur les rochers. Bien que ce soit en fin de journée et tard dans l’année, le corps parfait de Lucilla devient rapidement rose, elle-même devient brûlante et semble irradier lorsque nous rentrons à l’hôtel.

Deux jours, deux nuits inoubliables, sur Caprae. Puis c’est le retour à Surrentum où notre cocher nous attend bien docilement au débarcadère du ferry, puis nous retrouvons Neapolis après une journée de route. J’ai du mal à me séparer d’elle une fois à mon hôtel, insistant pour qu’elle passe la nuit avec moi, mais elle tient absolument à rentrer à la villa de Frontinus.

« Et moi ? dis-je. Je fais quoi ? Je dîne tout seul, je vais au lit tout seul ? »

Ses lèvres caressent les miennes, puis elle s’esclaffe. « Est-ce que j’ai dit ça ? Tu vas évidemment m’accompagner chez Frontinus ! C’est entendu comme ça !

— Mais il ne m’a pas invité.

— Tu te fais parfois vraiment plus bête que tu n’es, Cymbelin. C’est moi qui t’invite. Je suis l’invitée d’Adriana. Et toi, tu es mon invité. Monte à ta chambre, fais tes bagages et dis à la réception que tu pars ce soir. Allez, dépêche-toi ! »

Et c’est ainsi que les choses se passent. Nous rentrons à la villa de Marcellus Domitianus Frontinus dans le quadrige sublime de Druso Tiberio, où mon hôte m’accueille avec une chaleur non feinte et sans manifester la moindre marque de surprise ; on me propose ensuite une série de pièces donnant toutes sur la baie. L’oncle Cassio est parti, ainsi que les autres invités qui étaient là l’autre soir et je suis le bienvenu.

Mes chambres jouxtent celles de Lucilla. Cette nuit-là, après un dîner fastueux au cours duquel Druso Tiberio et son ami gladiateur Ezio se comportent de manière dégoûtante, obligeant le vieux Frontinus à détourner son attention, j’entends un coup discret à ma porte alors que je suis sur le point de me mettre au lit.