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Elle se tord, me dit que les frenchmen ont un culot du diable et s’efface pour me laisser entrer. Jamais loup ne s’introduisit plus rapidement dans une bergerie, mes choutes ! J’ai le charme drôlement opérant, ce soir. Pourtant je ne suis pas tellement conditionné pour une partie de biscuit, hein ? Avec le turbin qui m’attend, y aurait plutôt de quoi se faire inscrire le scoubidou-vadrouilleur aux classes de neige.

L’appartement est véry luxuous : moquette, tapis, tentures, tableaux, meubles de grande classe. Il se compose d’une chambre à coucher, d’une salle de baths, d’un dressinge-roume et d’un salon.

— Je regardais la télévision, m’apprend Katy en me désignant un interlude abscons qui représente, soit le gros plan d’une colique, soit les chutes du Zambèze.

« Mais, ajoute-t-elle, comme je ne comprends pas un mot de français ça n’était pas très intéressant.

Délibérément je vais couper le jus et l’écran du poste retrouve toute sa force attractive. Un lampadaire coiffé de soie rose diffuse une lumière délicate. Je me laisse choir dans un fauteuil et brandis à la jeune Noire un regard capable de faire fondre la partie septentrionale du Spitzberg.

— À quelle heure quittez-vous votre service, petite souris ?

— Lorsque ma maîtresse est de retour ; elle veut que je reste ici pour répondre au téléphone.

Elle me désigne un superbe appareil rose avec incrustations de nacre. Je saisis le combiné en posant mon autre main sur la fourche afin de ne pas alerter la standardiste de l’hôtel.

— Allô ! fais-je, puis-je parler à miss Katy, je vous prie ? C’est pour lui dire qu’elle me plaît tellement que si elle ne vient pas s’asseoir sur mes genoux immédiatement mon cœur va sûrement se décrocher.

La môme Katy, selon moi, ça fait un bout de moment qu’elle a pas eu droit à son coupon d’extase et j’ai idée qu’elle a de la langueur dans le piège à crinière.

En moins de temps qu’il n’en faut à une fine Bélon numéro zéro pour visiter le tube digestif d’un avaleur de sabre, voilà mam’zelle Cigare sur moi, un bras passé autour de mon cou ! Je sais pas si vous avez déjà eu des conversations intimes avec des Noires, les potes, mais je peux vous dire que c’est un sport qui ne manque pas d’agrément. Même les horribles racistes ne dédaignent pas une black party. Tenez, j’ai connu un juge, en Louisiane — charmant homme, père de famille nombreuse — qui m’a dit textuellement ceci : « Je n’ai jamais condamné personne à mort, sauf des nègres, bien entendu. » Et il ajoutait en baissant le ton, because sa bonbonne : « Les Noirs n’ont qu’une chose de bien : leurs filles. Pas leurs femmes : leurs filles. »

Moi, vous me connaissez ? Je me dis que cette mignonnette doit emporter une bonne opinion de notre France. Alors j’entreprends dare-dare (si vous me permettez cette image hardie) une séance hautement patriotique. Je commence par la Marseillaise des sourds-muets (rien qu’avec les pognes) ; puis je lui fais la réanimation express ; ensuite le parapluie retroussé ; je lui joue alors : « Recoiffe-moi avec ta langue » ; « Poupée de messire, poupée de comte », « Si tu oublies ta pilule, va voir Jivago », « Permettez-moi de vous embraser », « La tome de l’Oncle Lacaze », « T’as beau t’appeler Vendredi, c’est pas pour ça que je vais faire maigre, et si tu as cru Robinson, t’as pas cru Zoé » ; pour finir, naturellement, et vous vous en doutiez, je lui entonne le « Chant des partis sans laisser d’adresse ». Quand je l’abandonne, elle est pâle d’épuisement : un vrai radis noir !

En flageolant, Katy se barre dans la salle de bains de sa maîtresse où la maison Porcher a disposé avec art et précision tout ce dont une jeune fille a besoin pour réparer des gens l’irréparable outrage.

Moi, San-A., aussi sec, j’en profite pour bomber dans la chambre à dormir et pour inventorier rapidos les penderies. Celles-ci contiennent pas mal de robes et de manteaux de fourrure, certes, mais, en farfouillant bien à fond, je finis par découvrir un costume de velours qui pourrait très bien être masculin. Sur ma lancée, et tandis que la femme de chambre (tu parles !) donne le la aux robinets, j’explore les autres meubles.

Dans le tiroir de la table de chevet, que découvré-je ? Un revolver, mesdames-messieurs. Et pas de l’objet mutin, style bâton de rouge à lèvres, non : un colt à barillet, mes camarades. Avec tout son magasin rempli de valdas grosses comme mon petit doigt. Le zig qui dégusterait quelques-unes de ces pralines dans le réservoir à muscadet, il aurait de la difficulté à rigoler pendant un certain temps, moi je vous le dis.

Me voilà enfin la conscience en repos. Dans notre job, pour usiner, faut que la conscience règne, sinon on cochonne. Maintenant je suis sur la même longueur d’onde que le Vieux et je pige qu’il n’y a plus aucun doute : miss Patricia Sam-Hart est bien l’Hyène. Je récupère les balles, les glisse dans ma fouille et remets l’arme à l’endroit où je l’ai trouvée. Ensuite de quoi, l’âme en paix et le cervelet bourré de projets, je retourne au salon. Mon regard sagace se porte droit sur un bar roulant aux flacons intéressants.

Je pose deux verres à l’endroit sur le plateau de verre et, dans chacun d’eux, je laisse tomber quatre gouttes incolores d’un menu flacon qui ne me quitte pratiquement jamais. Il ne me reste plus qu’à attendre le retour de la môme « Faites, monsieur ». La revoilà ! Je lui virgule un magistral clin d’œil.

— Si on poussait l’outrecuidance jusqu’à siffler un petit quelque chose pour se redoper, darling, est-ce que votre patronne s’en apercevrait ?

— Elle s’en moque, assure Katy, mais je ne bois jamais d’alcool.

— Prenez ce que vous voudrez, mon petit bijou, pour moi ce sera un bourbon.

Elle va servir les drinks, tandis que je repère déjà le vaste pot de fleurs dans lequel je verserai le mien.

— À nos amours, mon petit corbeau ! lui fais-je en levant mon verre.

J’ai usé du mot corbeau en français, et la môme de demander :

— Qu’est-ce que c’est un caorbô ?

Je lui décris :

— Un tout petit oiseau avec des plumes de toutes les couleurs, chérie, il a un mignon petit bec rose, pointu comme des ciseaux de brodeuse, et il ne mange que des pétales de myosotis.

— Ravissant, bée-t-elle. Vous êtes aussi merveilleux poète que merveilleux amoureux.

J’ai droit à une bibise ventousarde, avec aspiration des muqueuses.

Elle boit son sirop de perlimpinpin. Je fais semblant de déguster une gorgée de bourbon, puis j’enlace la soubrette et, tandis que je lui roucoule des trucs dans l’astrakan, d’un geste prompt, je vide mon godet dans le seau à fleurs. Maintenant la question n’est plus que de savoir qui s’endormira le plus rapidement, de Katy ou des baccarats. Notez bien que je ne leur ai filé aux unes et à l’autre qu’une dose de père de famille. Katy, c’est pas une anesthésie pour ablation de la vésicule que je lui ai mijotée, simplement un coup de ronflette.

J’y dépose quelques mimis bavouilleurs, après quoi elle se met à dodeliner (n’ayant plus la force de branler le chef).

— On dirait que le marchand de sable est passé, ma petite merveille ? lui fais-je remarquer.

— Vous m’avez coupé les jambes, darling, répond-elle.

— Ce serait dommage, elles vous vont si bien ! Bon, il faut que je vous laisse car on m’attend. À demain soir, même heure, O.K. ?