Выбрать главу

Nous nous mettons à courir. Une porte fermée à clé… On prend de l’élan, ensemble. C’est un réflexe qui nous est commun. Vrraoûm ! La lourde vole en éclats…

Le silence s’établit.

Si j’osais, je me paierais un nouveau haut-le-corps, mes gamins.

Je peux pas moins faire, tellement que c’est peu vrai, ce que nous apercevons…

Le commandant Hiscope, son second, son équipage et les deux mecs de la Défense sont là, assis en rond par terre autour de bouteilles de saké plus au moins vides.

Beurrés comme des tartines !

Si je voulais chiquer les auteurs à sensation, je devrais changer de chapitre, j’sais bien, manière de ménager mes effets, comme disait un gars de la S.N.C.F. qui était très économe, et par conséquent pas riche du tout. À cinquante ans il voulut acheter une maison à tempérament, ce qui l’obligea d’engager sa progéniture jusqu’à la seizième génération, de donner par testament son alliance ainsi que sa pendule Westminster, et de léguer ses carreaux à la banque des yeux. Mais je m’égare, comme disait son chef.

Donc, l’équipage et les passagers de l’Impitoyable se trouvent réunis, presque au complet, si l’on excepte le professeur Lavoisier-Mélanie-Canot, le steward et un matelot.

Bérurier éclate en sanglots et réfugie son désarroi contre ma poitrine.

— Et moi que je croyais avoir échappé au rayon de la mort ; sanglote-t-il. J’sus donc clamsé tout de même ? Je rêve dans l’autre vie ? Je me berlure ? T’es une illusion de San-A., dis, San-A.

Trop commotionné personnellement pour lui faire un cours, je me sépare de lui et m’approche des autres.

— Salut, fait le commandant. Alors ils vous ont récupérés aussi ? J’sais pas ce qu’il y a dans ce saké sacré, je veux dire dans ce sacré saké, mais on se sent tout chose, mes gars et moi… Quel bon vent, commissaire ?

— Vous… vous… vous…, commencé-je.

— Quoi, nous, nous, nous ? rigole l’officier.

J’ai cette question digne de votre vieille concierge, celle qui a des boutons à poils et des maux d’estomac.

— Vous n’êtes donc pas morts, tous ?

— Foutre non ! rétorque le commandant. Nous avons seulement passé une douzaine d’heures en état léthargique. Tous les symptômes de la mort… Mais… heug… pas morts ! Nous avons eu le fin mot, ici… Le petit toubib jap, comment se nomme-t-il ?… Bref, il nous a expliqué… on a inoculé je ne sais quelle vacherie à votre copain… C’est lui qui file la pistouille aux gens… Mais l’effet ne dure que douze heures… Vous vous rendez compte, si on avait su : nous qui avons immergé le prof et les deux autres !

Ça le fait marrer ! Il se claque les jambons… L’hilarité gagne ses hommes (servilité peut-être ?). En moins de trente secondes, on est tous pliés en quatre à l’idée des trois gus dans les sacs, et qu’on a balancés à la sauce depuis le pont de l’Impitoyable.

Voyez comme l’être humain est stupide : sur le moment, alors qu’on croyait immerger des cadavres, on était lugubre comme des policemen ; et maintenant qu’on sait que les trois personnages se trouvaient seulement en état d’anesthésie, on se fend le pébroque à s’en nouer l’œsophage !

Ça nous paraît être une bonne blague ! On rit ! On se boyaute ! On se trémousse ! On s’étrangle. Bérurier surtout !

Il nous aboie des exclamations. Il pleure littéralement.

— Tu te rends compte, gars : on a failli enterrer le barbu australien, alors qu’en ce moment il pêche à la ligne ! Et l’ours Jimmy, que je lui ai cisaillé une autre paluche pour pouvoir briffer ! Oh ! ce que c’est drôle !

On se calme un peu. On se congratule. On se révèle des choses. Nous on leur dit qu’ils ne sont plus prisonniers maintenant, vu que tout le camp est contaminé. Eux, nous apprennent comment ils se sont réveillés à bord de l’Impitoyable… De l’eau sourdait par la porte du poste d’équipage… Ils ont pigé qu’on avait ouvert le sas… Alors ils sont descendus au magasin chercher les équipements de plongeurs… Une fois sur la terre ferme, au lieu de prendre à gauche, comme nous, ils ont obliqué à droite. C’était les traces de leur passage que nous trouvions : la montre, les os de manchots… Un hélicoptère les a aperçus. Il s’est posé… Ces pommes ont couru vers l’appareil avec des cris de joie, mais on les a accueillis fraîchement, en les braquant !

De parler, ça les dessoûle un brin. On tient un conseil de guerre. Figurez-vous que le second (celui que Béru accusait et molestait), a servi dans l’hélicoption avant de s’engager dans la sous-marine. Il sait piloter n’importe quel coucou. Tantait scie bien qu’on va pouvoir dénoter pendant le sommeil de ces messieurs.

Ça nous galvanise de nous sentir les maîtres absolus de cette œuvre d’art. On rassemble un maximum de documents. On fait l’archi-plein du plus grand des appareils. On détériore les moteurs des autres pour que les gus ne puissent déserter la base. On charge le Dr Chundalmaki ainsi que Herr Hetick, l’ennemi intime du Gros, dans le zinc… Et, un couple d’heures plus tard, dopés, ivres de succès, nous sortons de la clairière radieuse pour nous élever dans le ciel lumineux…

Hip hip hip hourra !

Hap happy hand[31] !

EPILOGUE

Il est un peu plus pâle que nous, le Tondu. À son âge, une mauvaise grippe cause plus de méfaits qu’une expédition sud-polaire.

— Merveilleux, vous fûtes absolument merveilleux, nous dit-il.

— On a fait ce qu’on a pouvu, assure modestement Bérurier.

— Quant à vous, mademoiselle, déclare le Vieux, en se tournant vers Dominique, permettez-moi, au nom du gouvernement français, de vous donner l’accolade !

— Et des boutons par la même occasion, plaisante intempestivement l’Incorrigible.

Le Boss prend le parti de rigoler. Un peu jaune peut-être, mais ne vient-ils pas d’être malade ?

Il a questionné nos deux prisonniers, il sait tout… Leur organisation (qui s’appelle l’Œuvre, en toute modestie), est née après la dernière guerre. Des savants nazis, des banquiers nazis, auxquels des utopistes et autres fascistes de tous les pays sont venus se joindre, l’ont réalisée pour faire la conquête du monde. Seulement ils l’ont dans l’œuf, vu qu’on les tient désormais en majeure partie.

Quand leurs services d’espionnage ont appris qu’une commission d’enquête partait pour le pôle Sud, ils ont décidé de l’enrayer. Pour cela, ils sont entrés en contact avec feu Wolfgang Hourrou, notre agent de Tasmanie. Ils lui ont proposé une somme fabuleuse (que je vous laisse le soin de chiffrer selon votre standing) afin qu’il passe dans leur rang. Mais Hourrou a refusé et ils l’ont abattu. La suite, nous la connaissons : Béru, la piqûre tragique, Béru porteur de germes, semeur de léthargie… Béru, l’épidémie ambulante ! Paraît que l’injection en question serait un concentré de broutnuche-félicianoche à effets retardés, ce qui vous explique que…

Le plus moral c’est que nous avons pu nous échapper de l’oasis grâce à ça. L’Australie n’est-elle pas le pays du boomerang ?

— Mais alors, monsieur le directeur, l’interromps-je, comment se fait-il que Mlle Lancin et moi-même avons échappé à ce maléfice ?

— Depuis hier j’ai questionné des chefs de clinique spécialisés dans les épidémies et les ravages du broutnuche-félicianoche. Il paraît que seuls échappent aux radiations d’un contaminé les gens amoureux. Ça paraît surprenant, mais c’est ainsi. L’être amoureux sécrète des microsonasses bleues qui immunisent l’intéressé.

вернуться

31

Ou End, si vous préférez.