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Un gros type tenta de ceinturer Chris qui lui envoya aimablement son genou dans le ventre. Deux hommes en imperméable blanc, de l’autre côté de la rue, sortirent précipitamment de leur poche un walkie-talkie. La femme poursuivie était arrivée au feu rouge de Broadway et de la 42e Rue. Le feu était au vert et des centaines de véhicules défilaient devant elle, sur l’artère large de plus de vingt-cinq mètres. Malko parvint à se dégager de la foule pour courir sur la chaussée. Milton et Chris se débattaient, ivres de rage au milieu d’une meute hurlante qui réclamait Police-Secours. La femme se retourna et vit Malko.

Elle n’hésita qu’une fraction de seconde avant de se lancer dans le flot des voitures dévalant Broadway. Horrifié, Malko la vit frôler une voiture, courir deux mètres et s’arrêter au beau milieu de la chaussée, isolée au milieu des voitures.

À trente mètres, de l’autre côté, il y avait la bouche de métro de Times Square, un dédale de couloirs où l’inconnue pourrait disparaître en dix secondes, si elle avait quelques mètres d’avance. Chris avait réussi à se dégager. Essoufflé, il rejoignit Malko au bord du trottoir. La pagaille était à son comble. Des agents du F.B.I. sortaient de tous les coins, indécis. Par gestes, Malko leur désigna la femme. Mais ils étaient trop loin pour être efficaces.

L’inconnue fit un saut et gagna trois mètres. Le feu était interminable, réglé électroniquement.

Chris se jeta sur la chaussée. Un taxi piquait droit sur lui. Le gorille n’hésita pas. Brandissant son Colt, il tira deux fois en l’air. Le taxi freina brutalement, déclenchant des collisions en chaîne dont les froissements de tôles s’entendirent jusqu’à l’hôtel Astor. Courant comme un dératé, un agent du F.B.I. fonça dans le carrefour et se mit en travers de la chaussée, les bras en croix. Mais il en fallait plus à des automobilistes new-yorkais : il ne dut son salut qu’à un immense bond en arrière.

Le feu passait à l’orange. Malko se lança. La femme avait continué à se faufiler et avait presque atteint l’autre trottoir de l’immense avenue. Il lui restait vingt mètres à parcourir avant la bouche de métro. Et soudain, un majestueux policier à cheval, comme on en voit encore à New York, surgit d’un large panneau de bois, au coin de Broadway, pointant son bâton sur la jeune femme. Son visage courroucé était aubergine.

— Vous, la petite dame, venez ici, hurla-t-il d’une voix de stentor.

Il se pourléchait les babines d’avance en pensant aux cinq dollars qu’il allait lui faire verser pour avoir traversé au vert. Aux U.S.A., on ne plaisante pas avec ces choses-là.

D’une dernière enjambée, la femme parvint au trottoir, à quelques mètres du policier à cheval. Ce dernier se trouvait entre elle et le métro. Déjà, il sautait à terre, tournant le dos à la femme. Malko, Chris et deux agents du F.B.I. crièrent en même temps. Elle avait sorti de son sac un pistolet et visait le dos du policier, calmement, comme au stand.

Le bruit des deux détonations fut étouffé par la rumeur de la circulation. Mais le policier, le pied gauche encore pris dans son étrier, bascula sur le trottoir, perdant sa casquette. Bien dressé, le cheval hennit mais ne bougea pas. Le policier tourna des yeux ahuris vers la femme. Il ne comprenait pas. Il avait déjà du sang plein la bouche. Le visage dur, sa meurtrière passa près de lui en courant, sans un regard. Surmontant le feu qui lui brûlait la poitrine, il se tourna un peu sur le côté et parvint à sortir son gros 45 à barillet de sa gaine. Il releva le chien et, à travers les pattes du cheval, visa la silhouette qui disparaissait dans l’entrée du métro.

À demi inconscient, il entendit des cris « don’t shoot, don’t shoot »[7]. Mais c’était un vieux flic, coriace et discipliné. Il incarnait la Loi, on lui avait tiré dessus, il devait répliquer. Où allait-on autrement ? Son index pressa la détente au moment où Chris Jones tirait sur lui avec son propre pistolet. Lui, connaissait l’importance de l’inconnue. La balle frappa le poignet du policier une fraction de seconde trop tard.

Dans l’escalier du métro, la femme parut glisser sur une peau de banane. La balle du gros 45 l’avait frappée juste entre les deux omoplates. Ses bras battirent l’air et elle tomba en arrière. Elle roula un peu sur elle-même, et resta immobile en face du stand des journaux étrangers, sur le ciment gras et sale.

Malko, Chris et un homme du F.B.I. arrivèrent en même temps à côté d’elle.

— Une ambulance, vite, demanda Malko.

L’inconnue était sur le dos, une mousse rosâtre au bord des lèvres, les narines pincées et les yeux fermés. Chris s’agenouilla et écarta doucement la veste du tailleur. Du sang giclait à gros bouillons d’une affreuse blessure grosse comme une soucoupe. Un Beretta 7,65, à canon court, était tombé de son sac.

L’agent du F.B.I. se détourna, très pâle, et Chris murmura :

— Elle est foutue.

Malko se pencha vers la mourante.

— Qui vous a envoyée ? Qui ? Dites-le, vous allez mourir.

La femme entrouvrit des yeux déjà glauques. Ses lèvres bougèrent imperceptiblement. Impossible de dire si elle avait compris. Malko répéta sa question. Elle ne réagit pas. Chris, qui tenait le poignet de la blessée, annonça :

— Il n’y a plus de pouls.

Trois agents du F.B.I. surgirent à leur tour. Malko se redressa et apostropha la foule qui les entourait :

— Un médecin. Y a-t-il un médecin parmi vous ?

Il y en avait un. Un homme grand et maigre qui fendit la foule. Son examen fut rapide.

— Cette femme est en train de mourir, dit-il. Il n’y a rien à faire.

— Faites-lui une piqûre, supplia Malko. N’importe quoi, qu’elle reprenne connaissance un instant. Je dois lui parler.

Le médecin le regarda, indécis. Aussitôt, un des hommes du F.B.I. lui mit sa carte sous le nez et intima :

— Faites ce qu’il vous dit. Vite.

Le cercle des badauds s’agrandissait sans cesse. Ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de voir quelqu’un mourir dans le métro. Le médecin tira de sa trousse une seringue, la remplit avec le contenu d’une ampoule et fit une injection dans le cou de la femme.

— C’est un puissant tonicardiaque, expliqua-t-il.

Il retira l’aiguille et ils attendirent. Une ombre de couleur revint sur les joues de l’agonisante. Malko lui releva la tête et parlant presque de bouche à oreille, dit :

— Qui vous envoie ? Parlez. Vite, vous allez mourir.

Mais cette fois, elle n’ouvrit même pas les yeux. Elle eut encore quelques frémissements et sa tête, soutenue par le bras de Malko, tomba en arrière.

— C’est fini, dit le médecin. Elle est morte.

Malko posa la tête avec précaution sur le sol, et se releva. Un des hommes du F.B.I. retira son imperméable blanc et en couvrit le corps. Chris tendit à Malko un passeport trouvé dans le sac. Il était établi au nom de la Princesse Nouch Riahi, Iranienne, née en 1929 à Tabriz, Iran, et demeurant 32 Adolfstrasse à Zurich. Rien d’autre d’intéressant dans le sac. Sauf la clef d’une chambre au Waldorf-Astoria, G5.

— Quel gâchis, murmura Malko. D’ici quelques heures ceux qui avaient envoyé l’inconnue allaient connaître son sort. Déjà, des grappes de reporters du New York Times, dont le building se trouvait à la 43e Rue, se pressaient dans les escaliers du métro.

Malko entraîna Chris vers la sortie. Cinq voitures de police étaient arrêtées le long du trottoir, avec un car de reportage de la N.B.C. et une ambulance où on chargeait un corps recouvert d’une couverture.

— Le policier ? demanda Malko.

— Oui, Monsieur, répliqua un des hommes du F.B.I. Il vient de mourir.

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7

Ne tirez pas !