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— Regardez ! s’exclama Mehdi Chimran tendant le bras vers plusieurs gyrophares bleus qui arrivaient des quatre coins de l’horizon.

Pavel Sakharov se précipita vers le coffre de la Mercedes iranienne. Il y prit le « diplomat » contenant le plutonium 239 et s’apprêta à foncer vers l’hélicoptère.

— Venez, cria-t-il à Chimran, nous avons le temps de filer.

Mehdi Chimran ne bougea pas, adressant un sourire triste et vaguement ironique au Russe.

— Où allez-vous ?

— Nous avons le temps de décoller ! Mehdi Chimran secoua la tête :

— Et ensuite ? Vous savez ce qui vient d’arriver ? Nous avons tous été irradiés. Une dose de 1000 rads environ.

— Qu’est-ce que cela veut dire ?

— Que nous sommes déjà morts, laissa tomber l’Iranien. La dose mortelle est de 500 rads. Dans une heure vous commencerez à avoir des vomissements, puis des saignements de nez. Ensuite, vous vous sentirez de plus en plus mal… Si vous êtes vraiment très résistant, vous tiendrez quarante-huit heures. Sinon vingt-quatre…

Les pales de l’hélico tournaient toujours. D’un signe, Pavel Sakharov fit signe au pilote de décoller. Les gyrophares se rapprochaient. Le chuintement se transforma en sifflement strident, un vent furieux balaya les quatre hommes qui restaient au sol et le Ml 26 s’éleva lourdement, prenant la direction du nord.

Mehdi Chimran regarda l’appareil s’élever, paralysé. C’est à peine s’il vit Pavel Sakharov tirer un gros pistolet noir de sa poche, en poser le canon sous son menton et appuyer sur la détente.

Son corps était encore agité de soubresauts quand la première voiture de police arriva. Mehdi Chimran n’opposa aucune résistance. L’éclair bleu dansait encore devant ses prunelles. Les policiers surgissaient de tous les coins, accompagnés par une voiture portant une plaque diplomatique et un fanion américain.

Les yeux de Zakra semblaient s’être enfoncés dans leurs orbites, son teint était gris et ses beaux cheveux roux tombaient par poignées. Son visage structuré semblait s’être ratatiné. Des cotons enfoncés dans ses narines et changés régulièrement réduisaient ses constantes hémorragies nasales. Une perfusion était enfoncée dans son bras gauche, la forçant à demeurer sur le dos. L’hôpital Robert Karoly lui avait donné une chemise de nuit trop serrée qui comprimait sa magnifique poitrine.

Deux gardes veillaient à sa porte, interdisant toute visite. Quand la porte s’ouvrit, elle tourna la tête et esquissa un sourire. Ses gencives semblaient avoir remonté, ce qui donnait à sa bouche un aspect vaguement chevalin.

— Comment ça va ? demanda Malko d’un ton enjoué en s’asseyant sur le bord de son lit.

— Mal, répondit la jeune femme, je n’arrête pas de vomir.

Cela faisait trente-six heures qu’elle avait été transportée dans cet hôpital. Ses nausées avaient un peu diminué mais elle se sentait horriblement faible. Malko remarqua que ses mains avaient perdu un peu de leur chair.

— J’ai une bonne surprise pour toi, annonça-t-il en sortant de sa poche un passeport à la couverture verte. Ton passeport américain.

Il le posa sur le lit et Zakra s’en empara aussitôt, feuilletant avidement les premières pages. C’était bien sa photo, son identité et la date de naturalisation était celle de la veille. Elle le reposa, les larmes aux yeux.

— Das isi wunderbar ![28] dit-elle la voix cassée.

— Je te l’avais promis, dit Malko. Tu l’as bien mérité.

La CIA avait récupéré les douze kilos de plutonium 239. L’hélico intercepté par les Mig s’était posé en Hongrie et le pilote avait parlé. Il était parti d’une base du KGB, non loin de Beregovo. Prévenues les autorités ukrainiennes avaient immédiatement collaboré. Les soixante-huit kilos de plutonium 239 restants avaient immédiatement été récupérés. On les avait trouvés enterrés dans différents endroits de cette base par paquets de six kilos entourés d’une couche épaisse de talc. Celui-ci, dérivé du bore, ayant la propriété de stopper les neutrons. L’enquête ne faisait que commencer.

La controverse entre les autorités hongroises et la CIA battait son plein. Les Hongrois reprochant bien sûr aux Américains d’avoir provoqué une réaction nucléaire sur leur territoire, alors qu’il eut été si simple d’arrêter tous les protagonistes du trafic.

L’ambassadeur américain leur avait affirmé que l’incident de criticité de Harmashatar n’aurait aucune conséquence fâcheuse. Les radiations mortelles n’avaient pas dépassé un cercle de cinquante mètres, et la radio-activité du site était nulle, comme ils avaient pu le constater à l’aide des compteurs Geiger.

Bien entendu, il ne leur avait pas dit la vérité. L’idée de Malko de provoquer volontairement cet incident en dépassant la masse critique de plutonium 239 avait été soumise à la Maison Blanche et chaudement approuvée. En effet, il restait cent tonnes de plutonium 239 en Russie. D’autres Pavel Sakharov se sentiraient des vocations de contrebandiers nucléaires. L’hydre de la prolifération allait renaître très vite.

Il s’agissait de décourager les candidats. Désormais, ils savaient risquer leur vie et non quelques années de prison. C’est cette méthode que les Syriens avaient utilisé au Liban en assassinant la famille Chamoun. Faire peur.

Hélas, il y avait Zakra dans le périmètre mortel.

— Je me sens mal, soupira la jeune Kirghize. Quand est-ce que je vais pouvoir sortir d’ici ?

— Bientôt, assura Malko. Ce que tu as n’est pas bien grave.

Il avait expliqué à la jeune femme, demeurée dans la Mercedes de Pavel Sakharov, que la carrosserie l’avait protégée de l’irradiation. Dans des chambres, au même étage, les deux Tchétchènes luttaient contre la mort. Mehdi Chimran avait cessé de vivre une heure plus tôt.

Une infirmière entra et changea la bouteille du goutte à goutte, qui se mit à couler plus vite.

— Ça va te faire dormir, expliqua Malko. Il faut que tu te reposes.

Zakra eut encore plusieurs violents hoquets qui secouaient tout son corps. Puis, peu à peu ses muscles se détendirent, ses spasmes se calmèrent, sa main tenait toujours celle de Malko. Elle n’avait plus touché à son passeport posé sur le lit. Elle esquissa un sourire heureux à l’intention de Malko et murmura :

— Je crois que je vais dormir. Je suis contente pour le passeport.

— Dors bien, dit Malko.

Le goutte à goutte était à moitié vide. La dose massive de morphine qu’il injectait dans les veines de Zakra était en train de l’endormir définitivement, sans souffrance et sans heurts.

Malko, penché sur elle, vit la lueur dans ses yeux noirs s’éteindre peu à peu, comme une bougie qui s’épuise. Il ne lâcha la main de Zakra que lorsque son regard fut devenu froid et vide.

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28

C’est merveilleux !