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Я всё забывал вас спросить, как быть с врачом, так часто навещавшим меня, надо ему заплатить или нет, и сколько. Дать много я не могу, поскольку, пока болел, мне очень дорого встали лекарства.
Сегодня я встретил Серже[87] и Ленского, они поручают мне передать вам наилучшие пожелания, а ещё Серже просит напомнить, что пригласил вас на обед в Роше де Канкаль в феврале.
XII
Pétersbourg, le 18 Octobre 1835
Mon très cher ami, vous pouvez penser si je compte, et si j'attends avec impatience les jours de poste, depuis le 23 septembre vous ne m'avez pas donné signe de vie, ce n'est pas par paresse, je le sais, car ce n'est pas là votre faible, et c'est ce qui fait précisement que je suis inquiet puisque je ne sais à quoi attribuer votre silence. Comme je vous l'ai déjà dit une fois dans mes lettres, vous avez commencé par me gâter et à présent, vous êtes obligé d'en subir toutes les conséquences et à votre retour vous me trouverez excessivement exigeant sur ce point. Cependant j'espère bientôt une de vos lettres pour me tirer d'embarras, car je le sais, vous devez avoir besoin de m'écrire pour me raconter tout ce que vous avez vu et fait depuis longtemps, et mon ami Jean-vert ne me fera plus l'insipide réponse à toutes mes demandes: Il n'y a rien pour vous aujourd'hui. Le pauvre diable, vous l'avez rendu bien heureux par votre dernière. Dieu sait ce que vous lui avez écrit. Il est venu me réveiller de grand matin, et certainement s'il ne m'avait parlé de vous, je l'aurais envoyé promener; mais il était si content qu'il y avait plaisir à l'écouter faire votre éloge, combien vous étiez bon et aimable et combien vous aviez cherché à lui faire du bien à la Haye. Enfin une litanie de toutes vos qualités que je connais pour le moins aussi bien que lui. Avant de vous mettre au courant des cancans et des nouvelles de Pétersbourg, je commencerai par vous parler de moi et de ma santé qui n'est pas à mon avis ce qu'elle devrait être. J'ai tellement maigri depuis le froid que j'ai pris aux Eaux que je commençais à m'en inquiéter, aussi j'ai fait venir le médecin qui m'assure que je ne me suis jamais si bien porté et que cet état de faiblesse est tout à fait naturel après ma pleurésie, que l'on m'avait tellement tiré de sang que cela en était le résultat; cependant il m'a ordonné de me couvrir de flanelle, car il prétend que je suis excessivement enclin à prendre froid et que c'est le seul moyen de m'en préserver. Je vous avoue franchement que ce dernier remède est au-dessus de mes forces pécuniaires, et que je ne vois comment faire pour me procurer ces gilets qui sont excessivement chers, d'autant plus qu'il m'a déclaré qu'il faudrait que je les portasse sans plus les quitter. J'en aurais donc besoin de plusieurs.
Vous avez dû remarquer dans ma correspondance que je ne me suis jamais occupé que de vous et de moi, comme de ce qu'il y a de plus intéressant pour nous deux; cependant cette fois je ne puis résister au désir de vous donner quelques nouvelles sur l'Empereur et sur son dernier séjour à Varsovie, d'autant plus que les journaux n'en parleront pas pour la raison qu'ils ne le sauront pas, ainsi que Gevers, qui vous en gardera le silence pour la même raison.
L'Empereur après son retour de Kaliche s'arrêta quelques jours à Varsovie, la noblesse y avait envoyé des députés pour le complimenter. Il les reçut et à la première parole des députés, il l'arrêta tout court en leur disant qu'il ne voulait pas entendre des vœux que le cœur ne pensait pas, qu'on lui avait fait quelques mois avant la révolution les mêmes protestations d'amour et de dévouement et que cependant on lui avait manqué comme homme et comme souverain, que rêver une Pologne indépendante était une utopie à laquelle il fallait renoncer; qu'il ferait leur bonheur malgré eux, mais que du reste au premier mouvement qui se manifesterait dans la capitale, qu'il la ferait foudroyer, que toutes les précautions étaient prises (en effet l'on vient d'achever la forteresse qui domine la ville), que l'on devait considérer le Maréchal comme un second lui-même, que tout ce qu'il faisait et ferait avait son approbation d'avance. C'est bien ceci, et si tous les Empereurs et Rois avaient toujours parlé comme Nicolas, et toujours agi, il n'y aurait jamais eu de révolutions et nous en serions tous plus heureux. Mais malheureusement les hommes comme lui sont rares. Comme toute chose a toujours son côté plaisant, la charmante Elisa s'est chargé de la partie plaisante. Elle raconte maintenant qu'elle connaissait les intentions hostiles des Polonais contre l'Empereur et que son pèlerinage chez le Saint Métrophane n'avait d'autre but que celui de sauver l'Empereur du poignard Polonais; à cette histoire, elle en ajoute une autre qu'elle prétend lui être arrivée dans l'intérieur de la Russie avec un paysan, et qu'elle a fait beaucoup de bien au gouvernement. C'est elle qui parle:
"Me trouvant dans une petite ville et m'ennuyant très fort — 10 heures du soir étaient arrivées, heure à laquelle j'ai pris l'habitude de causer — ne sachant où donner de la tête et ayant déjà épuisé toute l'érudition de Daniouchka (c'est sa femme de chambre), cette dernière me sauva heureusement en se rappelant que le propriétaire de la maison avait à plusieurs reprises manifesté le désir de voir de plus près et de pouvoir causer avec la fille du grand Coutousoff; aussitôt je le fis chercher. Quel fut mon étonnement et en même temps mon plaisir de voir que le paysan se présentait fort bien, et qu'il avait une charmante figure. Je le fis asseoir aussitôt à côté de moi sur le sofa et l'engageais à prendre du thé. Après lui avoir beaucoup causé et lui avoir dit combien nous étions heureux à Pétersbourg d'avoir et de voir tous les jours un si grand Souverain, qui était tellement beau qu'il était impossible de l'apercevoir sans l'adorer, et aussi que par lui dans tout Pétersbourg il n'y avait pas un seul malheureux, figurez-vous de ma stupeur quand cet homme, après m'avoir regardé quelques instants, m'a dit avec un air de finesse: Dites-moi Madame, est-il vrai que les Français vivent sous un gouvernement si heureux, et qu'il n'y a de bonheur véritable qu'avec de pareilles lois? Vous pouvez penser si j'ai employé toute mon éloquence pour lui ouvrir les yeux et lui faire voir dans quelle route vicieuse l'on voulait engager ses sentiments, et comme il est impossible de ne pas bien rendre ce que l'on éprouve vivement, je n'ai pas eu de peine à lui prouver et à le convaincre qu'il n'y avait que l'Empereur Nicolas qui était capable de faire le bonheur du peuple Russe"