Voilà pour l'homme qui me sert, je vais maintenant te parler de mes chevaux dont je suis aussi très content quoiqu'ils me donnent beaucoup de tracas. Au commencement de notre rentrée en ville il m'a été impossible de trouver une seule écurie dans toute la Perspective, si ce n'est une excessivement loin de chez moi et pour laquelle on demandait 30 roubles par mois et 6 mois d'avance, et le cocher devait coucher à l'écurie. Tu penses bien que je n'ai pas accepté le marché, sur ces entrefaites, heureusement pour moi, il crève deux chevaux à Engelgart, qui demeure maintenant dans la maison Démidoff: il m'a offert les places qu'il avait vidées, ce qui m'a beaucoup arrangé; mais maintenant je suis de nouveau sur le pavé avec mon équipage, comment trouves-tu le calembour?, car il a fait venir des chevaux de l'intérieur. Cependant mon Antoine m'a annoncé ce matin qu'il était en négociation avec un tailleur, pour avoir son écurie, qui me la cédera, je crois, à un prix très raisonnable.
L'orage a éclaté, Troubeskoy, Gervet, et Zerkovski ont été passés à l'armée; on leur a donné 48 heures pour se préparer, puis trois feldjagerds sont venus les prendre, Gervet a été conduit au Caucase, Troubeskoy en Besse Arabie, et Zerkovsky à 300 verstes de Moskou. Nous avions espéré que cela fait, l'Empereur s'apaiserait contre notre régiment, mais nous avons eu un guignon incroyable; après avoir fait les répétitions de la parade, les unes meilleures que les autres, le grand jour arrive; nous avons tellement peur tous de mal aller devant Sa Majesté que la frayeur nous paralyse et que décidément nous avons été comme un tas de conscrits, aussi le lendemain 4 officiers au Corps de Garde, dont heureusement je n'étais pas. [Et] puis ce qu'il y a de pire c'est que le pauvre Coutoussoff, sans lui dire un mot, a été passé à l'infanterie. J'oubliais de te dire que le prince Troubeskoy avait été de suite à Zarske Selo pour remercier l'Empereur de ce qu'il avait fait un officier d'armée de son fils; 'histoire ne dit pas encore si le père de Coutousoff en fera autant, tu vois qu'il faut se tenir serré si l'on veut se promener à la Perspective pour prendre l'air et qu'il ne faut pas faire grande chose pour aller en cage, car décidément le temps est gros, et même très gros, et il faut beaucoup de précautions et de prudence si l'on est décidé à mener sa barque sans se heurter.
Mon cher ami, j'ai usé de ta permission pour aller chercher 500 roubles chez Klein et je t'avoue franchement que j'en ai été bien heureux car je ne savais plus où donner de la tête. Il a été excessivement aimable et m'a donné l'argent tout de suite sur un billet semblable à celui que je fais tous les premiers du mois quand je touche les 500 roubles. Quant à ton argent il l'avait déjà expédié. Il m'a dit qu'il l'avait fait comme tu peux bien le penser avec la plus grande économie.
Mes chemises ne sont pas arrivées et n'arriveront pas de si tôt, Creptovitch m'a annoncé qu'elles avaient été oubliées à Dresde, et qu'on me les expédierait par le premier courrier qui passerait par là, et ceci peut durer pas mal de temps. Malgré cela je n'achèterai pas de chemises au magasin comme tu me l'avais conseillé car voilà ce que j'ai fait: Alexandre a laissé ici 7 de ses vieilles chemises que j'ai fait m'arranger et j'espère qu'elles m'aideront à attendre les autres.
J'ai écrit une lettre à mon père. Il y en avait une pour toi. Si tu savais combien toutes les lettres de Soulz m'amusent et combien je vois que tu as attrapé juste sur le caractère de toutes les personnes que tu vois, surtout Nanine tu l'as parfaitement bien jugée, ce n'est pas une jolie personne, mais c'est véritablement une fille de mérite, qui est un trésor pour la famille et sans elle je suis sûr qu'Alphonse ne pourrait rien faire car depuis le temps que tu es à Soulz tu as pu voir par toi-même que mon père ne se laisse pas volontiers conseiller, et qu'il n'a de confiance pour ses propres intérêts que dans les étrangers, à l'exception de Nanine qu'il est accoutumé à voir au moins déjà depuis 8 ans mener la maison, car dans les dernières années de la vie de maman, elle se trouvait déjà à la tête de tout, tandis qu'Alphonse n'était qu'un enfant, de sorte que Nanine a pour elle l'habitude qu'a eue papa de la voir tout diriger, ce qui est mieux pour elle.
J'oubliais presque de te dire que j'ai reçu une grande lettre de Nanine dans laquelle je vois qu'elle se torture l'âme ainsi qu'Alphonse pour savoir comment ils feront pour te faire accepter du vin de paille qu'ils prétendent que tu trouves si bon et m'envoient une liste de ruses de comédie pour te le donner d'une manière détournée, et pour cela on me demande conseil. Mais comme nous ne sommes pas sur un pied à nous faire des petites surprises, je te prie de l'accepter tout simplement, ou bien je m'en ferai envoyer à Pétersbourg, ce qui sera la même chose et plus commode pour toi, seulement je les prierai de faire savoir à Monsieur Morty à Lubek qu'il viendra une caisse de vin à ton adresse pour qu'il la soigne bien.
Embrasse pour moi toute ma famille, dis-leur que je les aime de cœur, et toi je t'embrasse comme je t'aime, fort et longtemps.
d'Anthés
Петербург, 19 декабря 1835
Уверен, мой дорогой друг, что, получив это письмо, ты скажешь: «Лучше поздно, чем никогда», и замечание это будет, в общем-то, заслуженным, ведь я давно уж не писал тебе длинных писем, которые, впрочем (что бы ты ни говорил мне в ободрение), плохо написаны, да к тому же дурным слогом, но они обладают хотя бы тем достоинством, что верно передают всё, что я чувствую, думая о тебе. У нас было множество учений и репетиций парадов для шайки австрийцев, которым мало было манёвров в Калише, и они приехали в Петербург, чтобы любоваться на нас, точно на диковинных зверей, да ловить орденские ленты; вдобавок признаюсь, что и увеселения в какой-то мере были причиной моей лености: днём на ученье, ночью на балу, вот так и провёл я эти две недели, а спал только когда не был занят ни тем, ни другим. Не брани меня в следующем письме за то, что я сверх меры развлекался; теперь, когда всё позади, скажу, что мне пришлось навёрстывать упущенное время, поскольку два смертельно долгих месяца я просидел дома, лечась и глотая лекарства, — занятие отнюдь не весёлое. Теперь же, слава Богу, я совершенно здоров, правда, кутаюсь во фланель, словно женщина после родов, но в этом двойная польза — она меня не только греет, но и заполняет пустоты в моих мундирах, которые висят на мне, как мешки, так неимоверно я исхудал. Надеюсь, ты доволен, я не скуплюсь на подробности. Вот краткое описание моего образа жизни: ежедневно я обедаю дома, слуга договорился с поваром Паниных[111], который снабжает меня обедом и ужином, очень вкусными и сытными, за 6 рублей в день, и я убеждён, что такое отсутствие разнообразия моего стола идёт мне на пользу, поскольку боли в желудке почти совсем прошли. Я был чрезвычайно доволен своим слугой во время болезни. Он прекрасно за мною ухаживал и, кажется, сильно ко мне привязан, но порою бывает возмутительно глуп и упрям; однако эти его недостатки восполняются абсолютной честностью, а такие люди в Петербурге редки.