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Christophe regardait Cécile, dont le visage rustique aux larges yeux rayonnait de la splendeur de l’instinct maternel, – plus mère que la vraie mère. Et il regardait la tendre figure fatiguée de Mme Arnaud. Il lisait sur ces traits, comme en un livre émouvant, les douceurs et les souffrances cachées de cette vie d’épouse, qui, sans que l’on en soupçonne rien, est parfois aussi riche en douleurs et en joies que l’amour de Juliette ou d’Ysolde. Mais avec plus de grandeur religieuse…

Socia rei humanæ atque divinæ

Et il pensait que, pas plus que la foi ou le manque de foi, ce ne sont les enfants ou le manque d’enfants qui font le bonheur ou le malheur de celles qui se marient et de celles qui ne se marient pas. Le bonheur est le parfum de l’âme, l’harmonie du cœur qui chante. Et la plus belle des musiques de l’âme, c’est la bonté.

Olivier entra. Ses mouvements étaient calmes; une sérénité nouvelle éclairait ses yeux bleus. Il sourit à l’enfant, serra la main à Cécile et à Mme Arnaud, et se mit à causer tranquillement. Ils l’observaient avec un étonnement affectueux. Il n’était plus le même. Dans l’isolement où il était enfermé avec son chagrin, comme la chenille dans le nid qu’elle s’est filé, après un dur travail il avait réussi à dépouiller sa peine comme une coque vide. Nous raconterons, plus loin, comment il avait cru trouver une belle cause à laquelle faire le don de sa vie, qui ne l’intéressait plus que pour la sacrifier; et, comme c’est la loi, du jour où il avait fait dans son cœur un acte de renoncement à la vie, elle s’était rallumée. Ses amis le regardaient. Ils ne savaient point ce qui s’était passé, et ils n’osaient le lui demander; mais ils sentaient qu’il s’était délivré, et qu’il n’y avait plus en lui ni regret, ni amertume, pour quoi que ce fût, contre qui que ce fût.

Christophe, se levant, alla au piano, et dit à Olivier:

– Veux-tu que je te chante une mélodie de Brahms?

– De Brahms? dit Olivier. Tu joues maintenant de ton vieil ennemi?

– C’est la Toussaint, dit Christophe. Jour de pardon pour tous.

Il chanta, à mi-voix, pour ne pas réveiller l’enfant, quelques phrases d’un vieux lied populaire de Souabe:

… Für die Zeit, wo du g’liebt mi hast

Da dank’i dir schön,

Und i wünsch’, dass dir’s anderswo

Besser mag geh’n…

(«Pour le temps où tu m’as aimé, je te remercie, et je souhaite qu’ailleurs ce soit mieux pour toi…»)

– Christophe! dit Olivier.

Christophe le serra sur sa poitrine.

– Va, mon petit, lui dit-il, nous avons le bon lot.

Ils étaient assis tous les quatre, près de l’enfant qui dormait. Ils ne parlaient point. Et à qui leur eût demandé quelle était leur pensée, – le visage vêtu d’humilité, ils eussent répondu seulement:

– Amour

(1910)

[1] La Foire sur la Place.

[2] Personnage fictif, dénonçant abus et injustices. (Note du correcteur – ELG.)

[3] Troupeau servile. (Note du correcteur – ELG.)

[4] En musique, personne qui écrit, qui fait profession d'écrire des librettos: textes ou opuscules contenant le texte d'un ouvrage lyrique. (Note du correcteur – ELG.)

[5] Indien d'Amérique du Nord. Par extension: sauvage. (Note du correcteur – ELG.)

[6] L'une des rares magiciennes qui figurent dans la mythologie grecque, et, sans aucun doute, la plus célèbre de toutes. Elle excellait dans la préparation des philtres, des poisons, des breuvages propres à transformer les êtres humains en animaux. (Note du correcteur – ELG.)

[7] La Révolte.

[8] Copie textuelle.

[9] Le Matin.

[10] Clara Van Ende. (Note du correcteur – ELG.)

[11] La Foire sur la Place.