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Une rafale de balles de 50 claqua aussitôt contre le ciment devant la Mercedes. Il stoppa. La jeep arriva à toute vitesse, s’arrêta près d’eux, hérissée de soldats en kouffieh, armes braquées. Le sheikh Shaijah se dressa, hurlant comme un moulin à prières. Malko aperçut un civil blond au milieu des soldats, brandit son épingle mauve :

— Nous faisons partie du dispositif de sécurité. Laissez-nous passer.

C’était un des agents du « Secret Service » qui l’avait vu deux heures plus tôt dans le bureau de Richard Green.

Ils repartirent à tombeau ouvert. À l’autre extrémité de la piste, le « 707 » fit demi-tour, revenant dans leur direction pour gagner son aire de stationnement. Malko était un peu rassuré : la sécurité semblait bien assurée. Il vit le gros appareil arriver à la hauteur de la bretelle menant au hangar où attendait le vrai comité d’accueil. Malko crut d’abord être victime d’une illusion d’optique. Le Boeing ne tournait pas !

Il continuait tout droit, vers la seconde bretelle, un kilomètre plus loin, menant au bâtiment de l’aérogare. Contrairement au plan établi par Richard Green et le sheikh Sharjah.

Malko jura entre ses dents. Les Palestiniens avaient réussi à déjouer les mesures de sécurité du sheikh Sharjah ! Roulant à près de 160 dans un vacarme de fin du monde, il ne quittait pas des yeux le « 707 ». Le gros appareil se rapprochait de la seconde bretelle, laissant loin derrière lui l’esplanade où attendaient les officiels, Richard Green et le gros des barbouzes. Qui ne pouvaient voir ce qui se passait à cause de la masse du hangar devant lequel ils attendaient.

* * *

— Mohbakah [16] cria la voix derrière la porte. L’employé de la tour de contrôle entrouvrit, aperçut deux uniformes noirs et des mitraillettes. Il ouvrit tout grand le battant. Les deux hommes en noir entrèrent aussitôt, refermèrent la porte à clef. L’un d’eux braqua sa mitraillette sur les trois contrôleurs.

— Continuez votre travail. N’appelez pas au secours ou vous mourrez !

Les contrôleurs tournèrent la tête, médusés. Celui qui avait parlé – jeune, avec une grosse moustache qui retombait des deux côtés de sa bouche – sourit :

— Frères ! dit-il, n’ayez pas peur, nous ne vous ferons aucun mal. Nous appartenons au commando « Jérusalem » qui va frapper les Sionistes dans quelques minutes.

Cela ne semblait pas évident. Les contrôleurs avalèrent difficilement leur salive. À travers les glaces bleutées de la tour, ils apercevaient des dizaines de policiers et de soldats quadrillant le terrain, des jeeps et même des chars. L’aérogare fourmillait d’agents du Mahabet et du Mohbakah. Sans parler des Américains. Il avait fallu beaucoup d’audace à ces terroristes déguisés en policiers militaires pour parvenir jusqu’à la tour de contrôle.

Le contrôleur principal était Égyptien et n’aimait pas particulièrement les Palestiniens…

— Que voulez-vous ? demanda-t-il.

Le Palestinien se rapprocha de l’écran de radar.

— Dans combien de temps arrive l’avion de Henry Kissinger ? demanda-t-il.

Le contrôleur se sentit soudain les jambes en plomb.

— Pourquoi ? réussit-il à dire.

Désespérément, il cherchait un moyen de prévenir l’extérieur. Justement, une jeep bourrée de soldats, avec une mitrailleuse, passait vingt mètres au-dessous de lui. Il maudit les organisateurs de la sécurité.

— N’aie pas peur, dit le Palestinien. Et réponds.

— Il est en approche finale.

L’autre contrôleur leur tournait le dos, un micro devant lui. Une voix éclata dans le haut-parleur :

— Koweit-Tower, Ici, November 720 Fox-Trott. Passons outer marker.

Le contrôleur répondit aussitôt.

— November 720 Fox-Trott, ici Koweit-Tower. Numéro un à l’atterrissage. Autorisé à prendre en finale la piste N° 1. Dernier vent 080 Din.

Le Palestinien écoutait attentivement. Il mit la main devant le micro et demanda :

— Il se pose dans combien de temps ?

Des grésillements sortaient du haut-parleur. Les secondes s’écoulaient, puis les minutes. Les cinq hommes demeuraient silencieux. Enfin, dans le lointain, on entendit le grondement des inverseurs de jet. Le Boeing « 707 » de Henry Kissinger roulait sur la piste. Presque aussitôt la voix du pilote annonça dans le haut-parleur :

— Koweit-Tower, ici November 720 Fox-Trott, vitesse contrôlée.

Le Palestinien eut un sourire de triomphe. Il se pencha à l’oreille du contrôleur.

— Dites-lui de rouler jusqu’au bâtiment de l’aérogare et de s’arrêter au point T.3.

Le contrôleur sursauta :

— Mais j’ai des instructions contraires ! Il doit aller devant le hangar des Koweit Airways. Je ne peux pas désobéir aux ordres du Mohbakah.

— Dépêche-toi, répéta le Palestinien. Si tu n’obéis pas, je te tue. Tu mourras pour le sionisme et les impérialistes américains.

Il avait appuyé le canon de son pistolet-mitrailleur sur le cou du contrôleur. Ce dernier sentit une sueur froide imbiber sa chemise. Il savait que son agresseur n’hésiterait pas à tirer. Il cherchait désespérément dans sa tête un moyen d’avertir le commandant de bord du « 707 » qu’il était sous le contrôle des Palestiniens… Mais il n’y avait pas de signal « hijack » pour les tours de contrôle.

Le canon du pistolet-mitrailleur s’enfonça encore plus dans son cou. Le contrôleur avala sa salive. Il n’avait pas envie de mourir pour Henry Kissinger.

— November 720 Fox-Trott, dit-il d’une voix étranglée, ici Koweit-Tower, votre stand Tango 3 via taxiway 2. Rappelez quand « parkers » en vue.

Il espérait de tout son cœur que le commandant de bord sentirait la tension de sa voix, mais celle de l’Américain éclata aussitôt, claire et disciplinée :

— Koweit-Tower. Ici November 720 Fox-Trott, bien reçu, piste claire.

Le contrôleur se retourna, bouleversé, vers le Palestinien :

— Qu’est-ce que vous voulez faire ? On va s’en apercevoir. Tout le monde l’attend là-bas.

Le Palestinien eut un sourire féroce :

— Pas tout le monde. Nous, nous l’attendons ici.

Chapitre XX

Chino-Bu observait entre ses paupières mi-closes les passagers de la salle de transit. Rien que des hommes, à quelques exceptions près. Etendue sur une des banquettes en plastique vert, elle pouvait admirer les fissures du plafond lézardé. On ne se serait pas cru dans l’aéroport du pays le plus riche du monde. Une centaine de personnes attendaient. Surtout de pauvres hères allant travailler à Dubai ou à Abou-Dhabi, enroulés dans des dichdachas douteuses.

Personne ne prêtait attention à la Japonaise, banale, avec ses cheveux courts, son pantalon de toile et sa veste sans forme.

À Bombay, les Indiens n’avaient pas vérifié les bagages de soute. À son arrivée au Koweit, deux heures plus tôt, sa valise avait été débarquée, et mise dans un coin avec les bagages des autres voyageurs en transit pour Beyrouth. Sans passer la douane bien entendu. L’appareil pour Beyrouth ne partant qu’à 16 h 30, on chargerait les bagages une heure avant. En attendant, ils étaient rangés dans un coin de la salle d’arrivée des bagages, entre la salle de transit où se trouvait Chino-Bu et le hall de l’aérogare.

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Sécurité militaire.