Quand iront vers l'aube nouvelle
Le loup avec l'angneau, alors
Nous briserons le sceau qui cèle
Jalousement notre trésor.
Traduit par Katia Granoff
Приложение/Appendice [29]
Камыши/Les roseaux
À l'heure de minuit, en la touffeur des marais,
À peine perceptibles, sans bruit frôlent-lent les roseaux.
De quoi chuchottent-ils? De quoi parlent-ils?
Pourquoi, parmi eux, de petits feux s'allument-ils?
Ils étincellent, clignotent, — et ne sont plus…
Et de nouveau scintille la lueur errante.
À l'heure de minuit frôlent-lent les roseaux:
Les crapeaux y nichent, les serpents y sifflent.
Une Face moribonde frissonne dans le marais:
Et c'est la Lune meurtrie, qui, tristement, s'affaissa.
L'odeur de vase s'exhale, l'humidité rampe…
La vase mouvante attirera, pressera, enlisera.
— «Qui? Pourquoi?» — disent les roseaux.
Pourquoi, parmi nous, s'allument les feux petits?
Mais la Lune triste s'affaissa dans son silence.
Elle ne sait pas. Elle descend, plus bas encore, sa face.
Et répétant le soupir de l'être qui périt, —
Avec angoisse, sans bruit, frôlent-lent les roseaux.
Traduit par Alexandra de Holstein et René Ghil
Камыши/Les roseaux
Lorsqu'arrive minuit dans les marais déserts
Les roseaux doucement soupirent dans les airs.
Que disent les roseaux, pourquoi donc ces murmures?
Pourquoi des feux follets brûlent dans leur verdure?
Ces errantes clartés sur le miroir des eaux
Se rallument ou bien s'éteignent de nouveau.
Les roseaux de minuit s'inclinent et bruissent,
Ils cachent des crapauds, de longs serpents y glissent.
Le visage penché d'un livide croissant
Se mire dans les eaux, tremblant, évanescent.
Oh! l'odeur de la vase, étrangement sauvage,
Il aspire, il étreint, l'attirant marécage…
«Qui donc est-ce… Pourquoi? Demandent les roseaux,
Pourquoi brûlent ainsi des flammes sur nos eaux?»
Mais le croissant se tait tristement qui l'ignore,
Et penche son profil plus bas, plus bas encore…
Les roseaux chuchotant dans la nuit de saphir,
D'une âme disparue évoquent les soupirs.
Traduit par Katia Granoff
Тишина/Le calme
Les ambres d'un jaune clair tendre
Luisent à peine au couchant.
On sent un doux calme descendre;
Les saules dorment se penchant.
La silencieuse rivière
Reflète les nuages blancs
Et des cieux la douce lumière.
Le sombre bois est sommeillant.
Dans ce doux règne du silence
Volent des rêves languissants;
Et la nuit lentement avance,
Les ombres fuient en pâlissant.
Les étoiles brillantes jettent
Dans l'onde leur douce lueur,
Les yeux des anges s'y reflètent,
Et du croissant l'éclat rêveur.
Traduit par Olga Lanceray
Тишина/Le calme
A peine pâlissent du crepuscule tendre
Les jaunes perles d'ambre.
Partout, un calme caressant, —
Les nénuphars dorment, et dorment les roseaux.
La rivière assoupie
Reflète les nuages,
La tranquille, la pâle couleur des cieux, —
La tranquille, la sombre, la dormeuse forêt.
Dans ce royaume de calme
Flottent de doux songes,
La nuit respire, remplaçant le jour, —
Et tarde l'ombre, qui s'allège et s'atténue.
En ces eaux d'en-haut
Se voit le pâle croissant de lune.
Les étoiles versent la paisible lumière, —
Les yeux des anges regardent.
Traduit par Alexandra de Holstein et René Ghil
«Будем как солнце! забудем о том…»/Soyons comme le soleil
Soyons comme le Soleil! Oublions
Qui nous mène sur la voie d'or.
Souvenons-nous, avant tout, qu'éternellement vers autre chose,
Vers le nouveau, le Fort, le Bien, le Mal,
De geste éclatant nous nous emportons en un songe somptueux!
Sans oubli! implorons le non-Terrestre
En notre vouloir terrestre…
Comme le Soleil, jeune toujours,
Caressons les fleurs, les fleurs qui flamboient,
L'air transparent, et tout ce qui est d'or!
Es-tu heureux?… Sois deux fois plus heureux,
Et sois l'incarnation du rêve soudain!
Ah! ne pas t'attarder dans l'immobile!
Plus loin, et loin! jusqu'à la limite sacrée,
Plus loin nous attire le Terme fatidique:
Dans l'Éternité, où de nouvelles corolles s'allumeront…
Soyons comme le Soleil, il est jeune!
Et en cela s'atteste l'ordre de la Beauté.
Traduit par Alexandra de Holstein et René Ghil