2.2. Les décrets rhodiens concernant Naucratis sont au nombre de deux. Nous les reproduisons ici en suivant, sauf indication du contraire, l’édition de Chr. Blinkenberg, en ajoutant accentuation et ponctuation.
A. Stèle de basalte, achetée au Caire, provenant sans doute de Naucratis. Dimensions (en cm) : (pierre) h = 50 ; (inscription) h = 32,5 ; l = 23,6.Stoichedon 15 carrés, 1, 6 x 1,6 deux lettres dans un même carré, 1. 4 et 9.
Éd. Μ. E. Pridik, “Inscriptions grecques de la Collection de V. S. Golenistchev”, Journal du Ministère de l'Instruction Publique (en russe), n. s. 13, 1908, p. 19, nº 12, avec phot. (Syll3, 110, n. 4) ; S. Accame, ClRh, 9, 1938, p. 221, avec phot. ; Chr. Blinkenberg, Lindos, app. au nº 16, avec phot. d’estampage (SEG, 32, 1982, 1586, sans changement).
ἔδοξε τᾶι βωλᾶι κα-
ὶ τῶι δάμωι · Δέσπων
ἐγραμμάτευε, Ἀρχε-
[4] άναξς εἶπε · Δαμόξεν-
ον Ἕρμωνος ἐν Αἰγύ-
πτωι οἰκέοντα ἀγγ-
ράψαι πρόξενον Λι-
[8] νδίων καὶ εὐεργέτ-
αν Ἐν τΩι ἸαρΩι τΑς Ἀ-
θαναίας καὶ ἀτέλε-
ιαν ἤμεν καὶ αὐτῶι
[12] καὶ ἐκγόνοις καὶ ἐ-
σαγωγὰν καὶ ἐξαγω-
γὰν καὶ ἐμ πολέμωι
καὶ ἐν ἰρήναι· ἀγγρ-
[16] άψαι δὲ καὶ ἐν Αἰγύ-
πτωι ἐν τῶ[ι] Ἑλλανί-
ωι Π[ο]λυ[κλ]έα Ἁλιπό-
λιọς· τὸ [δ]ὲ ψάφισμα
[20] ἀγγρά[ψ]αι ἐστάλαι
λιθίναν. vac.
L. 20-21, ἐστάλαι λιθίναν. confusion entre ἐστάλαι λιθίναι et ἐστάλαν λιθίναν.
Traduction : “Il a plu au conseil et au peuple ; Despôn était secrétaire, Archéanax a fait la proposition : qu'on inscrive Damoxénos, fils d'Hermôn, résident en Égypte, comme proxène et bienfaiteur des Lindiens dans le sanctuaire d’Athanaia et qu’il soit exempt de taxe, lui et ses descendants, à l’importation et à l’exportation, en temps de guerre et en temps de paix ; que Polyklès, fils d'Halipolis, le fasse inscrire aussi en Égypte, dans l’Hellénion ; qu'on inscrive ce décret sur une stèle de pierre.”
B, Lindos, fouilles de l’acropole. Stèle de marbre blanc, en deux fragments, brisée en haut et en bas à gauche. Dimensions : 33,5 x 30 x 8,5 ; h. lettres. 0,6 à 1,2. Stoichedon 18 carrés.
Éd. IG, XII.l, 760 (petit fragment de gauche) et K. F. Kinch, Exploration archéologique de Rhodes, IIIe Rapport, p. 34-48, avec phot., les deux fragments réunis (Nachmanson, Hist. griech. Inschr., 1913, I, 25 ; Syll.3, 110) ; S. Accame, CIRh, 9, 1938, p. 219 sq., phot. ; Chr. Blinkenberg, Lindos, 16, avec phot. Cf. C. Roebuck, CPh, 46, 1951, p. 216 et n. 26 et M. Austin (1970), p. 26, 29, 31 et n. 3.
[ἔδοξε τᾶι β]ολᾶι· ἐπὶ π[ρ]-
[υτανίων τ]ῶν ἀμφί Δει[ν]-
[ίαν]αν Πυθέω Αἰγ-
[4] [ύπτιον τ]ὸν ἐγ Ναυκράτ-
[ιος], ἑρμ[α]νέα, πρόξενον
[ἤμ]εν Ῥο[δ]ίων πάντων κα-
ὶ αὐτὸν καὶ ἐκγόνους, κ-
[8] αὶ ἤμεν αὐτῶι καὶ ἔσπλ-
[ο]ṿ καὶ ἔκπλον καὶ αὐτῶ-
[ι κα]ὶ ἐκγόνοις ἀσυλὶ κ-
[αὶ ἀσ]πονδὶ καὶ πολέμο
[12] [καὶ εἰρ]ήνης. vac.
L. 3-4, Αἰγǀ[ινάταν], Kinch, Syll3, 110 (texte), Blinkenberg, Austin ; Αἰγǀ[ύπτιον] Syll.3, 110 (index s.v., avec ?), Roebuck, Bresson.
Traduction : “Il a plu au conseil ; était en fonction le collège des prytanes de Deinias : que (—)as, fils de Pythéas, Égyptien de Naucratis, interprète, soit proxène de tous les Rhodiens, lui et ses descendants, et qu'il ait le droit d'entrée et de sortie du port, lui et ses descendants, avec privilège d'inviolabilité et de neutralité, en temps de guerre et en temps de paix”[68].
Le premier de ces décrets émane de la cité de Lindos. Il est donc nécessairement antérieur au synœcisme. De plus, à l’époque du décret, comme suffit à le montrer le formulaire du décret, Lindos avait un régime démocratique. Il est donc antérieur à 411, date de l'intervention lacédémonienne dans l''île et du changement de régime[69]. D'après l'écriture, il semblerait que ce décret date des années 440-420[70]. Le second, selon K. F. Kinch et Chr. Blinkenberg, serait à situer dans la période de transition 411-407, pendant laquelle l’État rhodien unifié serait en voie de formation[71]. Quoi qu’il en soit de cette datation et de cette analyse, sur laquelle nous nous réservons de revenir ailleurs, ce décret est révélateur des rapports entre Rhodes et Naucratis à la fin du ve s. ou au début du ive s. En tout cas, ces deux textes n’ont guère retenu l’attention des auteurs qui ont traité des problèmes relatifs à Naucratis. Ce n'est que chez C. Roebuck et M. Austin qu'on trouve un effort d’analyse à ce sujet, mais là encore de manière très succincte[72]. L’interprétation de M. Austin est la suivante : s’agissant du proxène des Lindiens, on a affaire à un résident non citoyen ; dans le second décret, le proxène est un Éginète (la restitution Αἰγ[ινάταν τ]ὸν..., 1. 3-4, est effectivement possible, cf. supra), non citoyen, mais résident lui aussi à Naucratis et y exerçant un métier. Comme la proxénie s’entend comme aide aux étrangers de passage, M. Austin admet implicitement l’existence de trois catégories juridiques à Naucratis : les citoyens, les étrangers résidents et les étrangers de passage, schéma conforme à celui d’une cité grecque ordinaire. Il reconnaît cependant qu’il s'agit là d’un “cas difficile”[73] et critique C. Roebuck lorsque ce dernier considère que ces textes prouvent l’existence d’une catégorie de citoyens à Naucratis[74] : on a le sentiment que M. Austin a lui-même bien senti la difficulté de son interprétation.
68
Nous traduisons ἀσυλὶ καὶ ἀσπovδί par “privilège d'inviolabilité et de neutralité”, ce qui diffère du sens proposé précédemment pour cette formule. Gauthier 1972, 221, a souligné le parallèle existant dans les décrets entre ἀσυλεί et ειρήνη d'une part, ἀσπονδεί et πόλεμος d’autre part : ἀσυλεί vaut pour les périodes de paix, comme
70
Pour tous les problèmes relatifs à l'édition de ce texte, voir Blinkenberg,