[127] Le premier est l'esprit de Lano, de Sienne, qui mourut en 1287, dans la bataille de Toppo, où les Siennois furent battus par les Arétins. Boccace prétend que Lano y avait cherché la mort, pour échapper à la misère; mais le texte de Dante ne donne pas à entendre qu'il s'y était conduit en héros. Le second, Giacomo da Sant'Andréa, de Padoue, mis à mort par Ezzelin da Romano en 1239, fut célèbre par sa folle prodigalité. Selon Gelli, II, 42, «il fit beaucoup de choses qui semblent plutôt d'un fou que d'un prodigue; ainsi, allant une fois de Padoue à Venise, il jeta à la mer un grand nombre de pièces de monnaie de dix écus, poules voir danser sur l'eau».
[128] La ville est Florence, dont l'ancien patron était Mars remplacé depuis par saint Jean-Baptiste. Les guerres qui firent tant souffrir Florence, dit Dante, ne sont qu'une vengeance de son ancien patron.
[129] Lors de la transformation du sanctuaire de Mars en église de Saint-Jean-Baptiste, la statue du dieu païen avait été dressée au bord de l'Arno, sur un haut pilier. Lorsque Florence fut détruite par Attila, la statue tomba dans le fleuve. Au temps de Charlemagne, la ville fut reconstruite; on voulut remettre en place le monument détruit, mais on n'en put retrouver qu'un fragment presque informe, qui fut néanmoins remis sur un piédestal. C'est à ce débris que fait allusion Dante; il disparut lors d'une inondation de l'Arno, en 1333. L'opinion des Florentins, à l'époque de Dante, est qu'il s'agissait d'un fragment authentique de la statue du dieu; selon certains historiens modernes, il faudrait penser plutôt à quelque statue de l'époque barbare.
[130] Ce suicide a été identifié à Lotto degli Agli, un juge qui s'était pendu pour avoir rendu un mauvais jugement (Benvenuto d'Imola), ou à Rocco de' Mozzi, qui s'était suicidé parce qu'il venait d'être ruiné. Selon Boccace, Dante avait tu le nom du suicidé, pour ménager sa famille, ou parce que les suicides étaient très nombreux à l'époque de notre poète.
[131] C'est le troisième et dernier giron du septième cercle, qui contient les violents contre Dieu. Les blasphémateurs sont punis par la pluie de feu qui s'abat sur eux, pendant qu'ils restent assis ou couchés sur le sable ardent. Ceux qui ont violé la loi de nature, les sodomites, circulent sous cette même pluie de feu.
[132] L'histoire légendaire d'Alexandre le Grand, telle que la connut le Moyen Age, parle en effet de cette pluie de feu. Il semble cependant que le détail de l'ordre donné par Alexandre à ses soldats a été pris par Dante dans Albert le Grand, De Meteoris, I, 4.
[133] Le combat des dieux contre les géants, qui prétendaient entasser Pélion sur Ossa, pour escalader le ciel.
[134] L'un des sept rois de Grèce confédérés contre Thèbes. Après avoir escaladé la muraille de la ville, il défia Jupiter, qui le punit en le frappant de sa foudre. Cet épisode est raconté par Stace dans sa Thébaïde, chant X, où la bataille de Phlégra est aussi mentionnée.
[135] Le Bulicame est une source d'eau minérale chaude qui forme un petit lac de couleur rougeâtre, à proximité de Viterbe. Les courtisanes de la région tenaient maison ouverte sous le prétexte de bains publics; et c'est pour leurs bains qu'elles mettaient à profit l'eau chaude de cette source. Le fleuve que l'on compare au Bulicame est le Phlégéton, dont il a déjà été question.
[136] Le premier roi de Crète fut Saturne, qui régna pendant l'âge d'or de l'humanité.
[137] Rhéa, femme de Saturne, avait caché là son fils Jupiter, dont elle faisait couvrir les vagissements par le bruit et les cris des Curetés: Saturne, en effet, prévenu que son fils allait lui prendre son trône, mangeait tous ses enfants.
[138] Note absente dans l’édition.
[139] La légende du Vieillard de Crète est la vision de Nabuchodonosor, racontée par Daniel, II, 31. Le sens qu'entend lui donner Dante n'est pas tout à fait clair. H semble qu'il veut dire que l'humanité, corrompue par le péché, garde intacte sa tête d'or, c'est-à-dire la raison; les fissures de son corps, qui suintent des larmes, source des fleuves de l'Enfer, semblent être les péchés qui alimentent les cercles infernaux (Busnelli; Vandelli). On a voulu voir dans le pied de terre cuite la corruption de l'Église (Ottimo Commente), ou bien l'Empire d'Occident mal assuré (S. Santangelo, II Veglio di Creta, dans Studi letterari, Miscellanea in onore di Emilio Santini, Palerme 1956, pp. 113-123). Son dos tourné vers Damiette, c'est-à-dire vers l'Orient, semble indiquer que c'est de là que vient l'humanité, ou peut-être l'Empire; et s'il regarde vers Rome, c'est parce que c'est là qu'ont placé leur espoir tous les hommes.
[140] Cf. la note 85
[141] L'Enfer contient cinq fleuves: l'Achéron, le Styx. le Phlégéton, le Cocyte et le Léthé. Dante avait déjà traversé les deux premiers; et Virgile vient de lui dire que le Cocyte se trouve plus bas. Il demande donc où se trouvent les deux autres, qu'il pense pas avoir vus; et Virgile lui répond que le Phlégéton se trouve devant lui. Le bouillonnement fournit lui-même la réponse, parce que le nom de Phlégéton vient du grec qλέγειv, qui signifie «brûler». Quant au Léthé, Dante l'a situé en bordure du Paradis terrestre.
[142] Nom ancien de la Carinthie, région de l'Autriche méridionale, en allemand Kärnten. Dante appelle ainsi une région plus étendue, puisque ce n'est pas en Carinthie, mais dans le Tyrol, que prend sa source la Brenta.
[143] Brunetto Latini (12207-1294), Florentin, notaire et écrivain, homme politique. Comme Guelfe, il vécut de 1260 à 1266 en France: c'est vers cette époque qu'il a dû composer en français son Trésor, importante encyclopédie du savoir médiéval. De retour à Florence, il fut notaire du Conseil (1269) et prieur (1287). La critique moderne considère qu'il ne fut pas un vrai professeur, mais simplement un conseiller et un ami plus âgé, pour Dante jeune; mais il est évident que le poète le regarde et le traite comme son vrai maître. Le vice que lui attribue Dante n'est connu que par cette seule source. Selon A. Pézard, Dante sous la Pluie de Feu, le péché de sire Brunet n'est pas la sodomie, mais une violence contre l'esprit, puisqu'il a préféré le français au toscan, dans son œuvre. Les rapprochements fournis par l'auteur sont particulièrement séduisants, mais n'emportent pas la conviction: si Brunet Latini n'était pas coupable de sodomie, on s'attendrait à ce que Dante ne laisse pas ce doute et cette possibilité de se tromper planer sur la mémoire de celui que, par ailleurs, il aime d'un amour vraiment filial. Cf. aussi E. Parodi, Il canto di Brunetto Latini, dans Poesia e storia nella Divina Commedia, Naples 1920, pp. 253-312.