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— Qu’est-ce que vous voulez, monsieur’Gene ? Mazelle do’t enco’.

Gene l’écarta, sombre.

— Je vais la réveiller. Où est la bête ?

La grosse Noire roucoula, excitée. Les excès sexuels de sa patronne étaient son principal sujet de conversation. De temps en temps, elle assistait en spectatrice aux orgies de Jill, très fière de se mêler à des gens riches et puissants.

— Sun est enfermé, monsieur’ Gene, fit-elle. Vous pouvez y aller.

Il claqua si fort la porte de la chambre que les murs en tremblèrent. Mais « Darling » Jill, qui dormait nue à plat ventre dans des draps mauves, ne se réveilla pas. Gene chercha à tâtons l’ouverture électrique des rideaux, ne la trouva pas, jura et, finalement, attrapa la jeune femme par un bras et la jeta à bas de son lit.

L’épaisse moquette amortit le choc. « Darling » Jill grogna, mais ne se réveilla pas complètement, restant sur le dos, une jambe encore dans le lit. Furieux, Gene saisit la jeune femme par les cheveux et la gifla. Cette fois, elle ouvrit les yeux. Bourrée de somnifères et de marijuana. Gene alla à la porte et hurla :

— Du café, apporte-moi du café fort.

Il lui fallut encore un quart d’heure et trois tasses de café avant que Jill ne le reconnaisse. Son petit visage fripé se rétrécit encore quand Gene l’interpella brutalement :

— Tu as lu les journaux, connasse ?

Elle secoua la tête, les yeux pleins de terreur. Elle était rentrée du Mexique dans la nuit de dimanche à lundi, après une soirée agitée dans un motel de Tijuana en compagnie de trois jeunes voyous mexicains qui lui avaient volé sa Bulova en or. Il fallait bien qu’elle se détende les nerfs après ses avatars. Et elle ne connaissait qu’une méthode pour cela.

— Qu’est-ce qu’il y a ? murmura-t-elle.

Gene serra les poings et se pencha sur elle, faussement gentil.

— Tu as prévenu la police, comme je te l’avais dit ?

« Darling » Jill ne répondit pas. Sous le drap tiré, sa chair se hérissait. Elle but une grande gorgée de café brûlant.

— Qu’est-ce que t’ont dit les flics ? insista le producteur.

— Je ne les ai pas prévenus, avoua-t-elle dans un souffle. Je ne voulais pas que l’on fasse du mal à Sun…

Gene Shirak leva les yeux au ciel. Pauvre hystérique ! Alors que tous les mâles de Hollywood couraient après Jill, il fallait qu’elle soit amoureuse de cette bête.

— Eh bien, ma petite, tu te trouves avec un meurtre sur le dos, dit-il. Ils l’ont retrouvé, ton Indien. Je te conseille de prendre un bon avocat…

— Oh non ! gémit « Darling » Jill.

Intérieurement, Gene Shirak n’en menait pas large. Interrogée sérieusement, la jeune femme allait tout raconter. Entre autres, qu’il lui avait demandé d’emmener le Navajo à Tijuana. Il ne fallait surtout pas que la police parvienne à Jill Rickbell. Donc la terroriser assez pour qu’elle obéisse complètement.

Gene attrapa la bouteille de White Label posée près du lit en en but une large gorgée.

— Raconte-moi tes conneries. Qu’au moins je sois au courant.

« Darling » Jill raconta son voyage à Ensenada. Gene Shirak en était malade. Il étala ses mains poilues et soignées sur la couverture.

— Si tu savais ce que j’ai envie de serrer ton joli cou d’idiote, soupira-t-il. Si j’étais sûr de ne ramasser que cinq ans, je me laisserais aller.

Elle le regarda, les yeux agrandis d’horreur.

— Mais enfin, Gene, pourquoi es-tu si en colère ? C’est de moi qu’il s’agit, après tout. Pourquoi voulais-tu que j’emmène cet Indien au Mexique ? Tu ne me l’as jamais expliqué.

Il grommela.

— Ce n’est pas le moment. Tu as assez d’ennuis comme cela. Le FBI s’occupe de l’histoire. Ce n’est pas une plaisanterie.

« Darling » Jill ouvrit des yeux horrifiés.

— Ils vont m’arrêter ?

— Il y a des chances. C’est plus grave qu’un « parking ticket… »

La jeune femme se tordit les mains.

— Oh ! Gene, je ne veux pas aller en prison.

Le producteur contemplait ses ongles. Elle était à point. Les grands yeux marron le fixaient anxieusement.

— Je veux bien t’aider, dit-il, lentement, mais il faudra faire strictement ce que je te dirai.

— Oh ! oui, Gene, aide-moi.

Pauvre idiote, pensa-t-il. Avec n’importe quel bon avocat, elle s’en tirerait avec cent sous d’amende et cinq minutes d’indignité nationale. C’est lui qu’elle tirait d’affaire.

— Je ne vais pas dire à la police que tu as emmené Zuni, annonça-t-il. Si l’on m’interroge, je soutiendrai qu’il était parti se promener sur le Strip. Personne ne t’as vu partir avec lui. Quant à toi, tu ne l’as jamais vu, tu ne le connais même pas… Sans moi, ils ne peuvent pas remonter jusqu’à toi. Les dingues qui ont des animaux sauvages, il y en a plein la Californie.

Spontanément, « Darling » Jill lui prit la main droite et la porta à ses lèvres.

— Oh ! merci, Gene, tu es formidable. Je n’oublierai jamais.

Gene Shirak sourit modestement, tapota la cuisse de « Darling » Jill à travers le drap et se leva.

— À bientôt. Et tâche de tenir ta langue…

En roulant entre les merveilleuses maisons de Bel-Air, Gene Shirak était presque guilleret. Honorablement connu à Hollywood, on ne lui poserait pas trop de questions.

À l’entrée de Bel-Air, un policier salua la Rolls gris métallisé.

Un peu plus loin, une vieille Lincoln décapotable stoppa près de lui au feu rouge de Foothill Drive, conduite par une piquante brune, maquillée à outrance, qui posa sur lui un regard interrogateur. La Rolls était encore « in ». Soudain Gene Shirak eut envie de s’amuser. Il fit descendre la glace électrique, se pencha sur la Lincoln, et cria :

— Pull over[5].

La brune hésita et, lentement, releva sa robe jusqu’au ventre, découvrant ses cuisses et un panty à fleurs.

Gene Shirak démarra brutalement, laissant la Lincoln sur place, et la fille un peu déçue.

* * *

Le 1 340 West 6 th Street, à Los Angeles est un building discret et moderne de douze étages. Le siège du FBI pour la Californie du Sud. Au sixième étage, se trouvait le bureau de Jack Thomas, patron de cette division. Ce dernier était en train de lire le rapport du lieutenant Henderson, après sa seconde visite à Ensenada.

Passionnant.

«… Paco Gimenez et Juan Dominguin n’avaient passé qu’une nuit au Motel Puerta-de-la-Sierra. Celle du samedi au dimanche. À plusieurs reprises, ils avaient demandé s’il n’y avait pas de messages pour eux.

À quatre heures de l’après-midi, en dépit du « Santana » qui soufflait à cinquante miles à l’heure, ils avaient insisté pour décoller avec le Piper Comanche qui les avait amenés, piloté par un Américain. Une heure plus tard, ils s’écrasaient au nord du Mexique, tout près de la frontière texane. Les trois hommes avaient été tués sur le coup.

Le corps de l’Indien avait été découvert à deux miles du motel environ.

Jack Thomas reposa le dossier. Tout cela était bien étrange. On ne pouvait s’empêcher de lier la mort étrange du Navajo et l’expédition de ces deux castristes, connus comme des membres des services de renseignements de Cuba. Mais quel était le lien ?

On frappa à la porte et une secrétaire entra, apportant un câble tout juste décodé pour Jack Thomas.

Il le prit et le lut. Le câble venait de la « National Security Agency ».

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Retrousse-toi !