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— Capito ! fait Sa Pomme. Enfin de l’action ! Je peux vous causer d’une chose, c’est que les mecs qui me tomberont sous la pogne auront plus mal aux dents après !

— Commencez illico. D’abord, armez-vous en douce. Et ensuite partez en exploration !

— Bien, patron ! ironise Gloria.

Okapis murmure.

— Si vous voyez mon épouse, dites-lui de garder son calme !

— Je le lui dirai ! promet ma pseudo-fiancée en me filant un regard long comme une revue de 14 juillet.

CHAPITRE XVIII

Moi, vous me connaissez…

Je suis comme le poète, je trouve que l’imminence du danger constitue pour l’homme une espèce de libération. Lorsqu’il est au seuil de l’inévitable, le voilà qui franchit ses mesquines limites quotidiennes[20].

Je me suis mis à l’eau en slip. J’ai noué la boîte étanche contenant le flingue dans ma chemise, et j’ai attaché celle-ci à ma taille au moyen d’une longue corde. La môme Antigone m’a ramené trois ventouses-déboucheuses que je porte, passées dans ma ceinture improvisée, comme des grenades à manche.

Nous avons choisi intentionnellement une grande barque afin que je puisse plus aisément me dissimuler sous sa coque. Okapis et sa gosse rament en cadence. Je suis agrippé à la poupe, par une poignée de portage. J’ai l’impression de descendre des fleuves impassibles. Quand je ne me sens plus guidé par mes haleurs, je pige que nous sommes arrivés à destination et je me coule sous la quille. Pourquoi, à cet instant, ce chant altier me revient-il en mémoire :

« Tiens, voilà la quille… »

Ma tête effleure à peine dans l’ombre épaisse.

Une voix crie :

— Attrapez l’échelle de corde !

Un floc, suivi d’un flac.

— Arrimez votre canot après l’échelle ! Maintenant, la jeune fille d’abord, donnez-moi la main, mademoiselle.

Antigone et son dabe quittent la barque qui, brusquement allégée, me donne un coup de goumi sur la nuque.

J’entends des piétinements sur du métal. La mer, alentour, est illuminée. Ces tantes ont braqué des projos tout autour de leur sous-marin pour éviter des abordages-surprises. Heureusement, les faisceaux ne commencent à éclairer le flot qu’à une dizaine de mètres du bâtiment, les flancs de celui-ci restant dans une ombre qui m’est propice. Je me dis carrément ceci : « Mon petit San-A., quand on a une réputation comme la tienne, il s’agit non seulement de la justifier, mais en outre de s’en montrer digne. Alors va, cours, vole et nous venge !

Ayant pensé, je plonge au plus profond des eaux afin de ne pas faire de bruit et je gagne la poupe (c’est l’heure de la poupe) du sous-marin.

En somme, un sous-marin c’est quoi ? Une gigantesque citerne à mazout avec un petit bastingage qui délimite le pont. Je me trouve donc au bas d’une masse de fer arrondie dont l’escalade est presque impossible, à moins qu’on n’ait été escargot de père en père dans sa famille.

Mais San-Antonio, qui sait tout, prévoit tout, solutionne tout, et qui est abonné à Système D, a pris la précaution de se munir de ventouses. J’attends un instant. Un bruit de voix me parvient de tribord. Je décide donc de me placer à bâbord pour entreprendre ma petite ascension. Je n’ai que trois mètres de tôle à escalader, mais ils sont en tôle, justement ! Y a pas de prise.

Je sors du flot et, arrachant un débouche-évier de ma ceinture, j’applique vigoureusement sa ventouse contre le flanc du submersible. Je tire dessus, ça résiste. Je tire plus fort, ça me reste dans la main. Inscrivez pas de chance ! Ne jamais s’affoler. Les chats désespérés sont les chats du pied-bot, a dit le poète[21].

Puisqu’une ventouse ne suffit pas, je vais placer les trois le plus haut possible. Heureusement le bruit du flot contre le bâtiment couvre ceux que je fais en m’activant. Je m’élance droit hors de l’eau et j’écrase ma ventouse à un mètre soixante-deux de la ligne de flottaison. J’en prends une seconde et je parviens à l’aplatir tout contre la précédente. Kifkif pour la troisième, mes petits lapins. Voilà les trois manches (avec vous ça en ferait beaucoup plus) groupés. Le plus duraille reste à faire. Je dénoue la corde qui me ceint les reins en prenant garde que ma chemise ne tombe pas à l’eau.

Tant bien que mal, d’une main (et en m’aidant avec la bouche), j’exécute un nœud extrêmement coulant tandis que de mon autre main je cramponne la boîte au pétard. Je lance mon lasso sur les manches, une fois, deux fois. C’est adjugé à la troisième, comme à la salle Drouot. Les trois manches sont prisonniers. Je tire sur la corde, le nœud se resserre. Je finis par bien bloquer le total. Maintenant, quand je me suspends après la corde, les ventouses ne cèdent pas. Je noue ma chemise autour de mon cou afin d’avoir la boîte sur le dos, et j’entreprends la brève ascension (justement, on est jeudi). Lorsque mes mains atteignent le niveau des manches, je me dis que ça ne m’avance à rien étant donné que j’ai encore plus d’un mètre à gravir.

Réfléchis, San-A. Réfléchis, mon gamin.

Je m’obéis et je trouve la solution. Ne doutez jamais de votre San-A., mes poulettes. Comme Zorro, il s’en sortira toujours. D’une patte, je me maintiens, de l’autre j’arrache la plus grosse des trois ventouses. Si les deux autres suffisent à me soutenir c’est O.K. Je me plaque tout contre la coque du sous-marin. Ma viande tout entière devient mollusque. Chaque tête de rivet est une aspérité qu’elle utilise. J’agis avec lenteur. Je sais que la moindre secousse peut m’être fatale.

Ça résiste. Ce qui suit alors, mes fils, faudra attendre douze mille deux cent trois ans, selon le calcul des probabilités, pour qu’un autre le fasse, ce qui me laisse le temps de jouir de mon exploit. De la main gauche, je me maintiens au niveau des manches. De la droite, je pique la ventouse libérée cinquante centimètres au-dessus des premières, vous mordez la démonstration ? Ayant fait, je ramène mes deux mains sur la corde et, doucement, trrrrès doucement, j’exécute un arc de cercle contre la coque afin de me placer la tête en bas, vu ?

Prenez les sapeurs pompelards les mieux entraînés et demandez-leur de faire ça, vous verrez ce qu’ils vous répondront ! Et pourtant, les pompiers sont des gars qui ont toujours le feu quelque part, hein ? Ce qui paralyse mon exercice gymnique, c’est cette boîte à caméra qui maintenant pend au-dessus du vide et me tire sur les cervicales. J’accomplis enfin ma rotation. Je crispe mes deux pieds après le manche de la ventouse supérieure… Ne tiquez pas, je vous jure que c’est vrai, s’il y a des sceptiques dans l’assistance je les passe à l’antiseptique avant de continuer, compris ?

Bon. Donc, me v’là avec les nougats crispés sur le manche. D’une main je ne me tiens plus qu’à l’une des deux ventouses inférieures. De l’autre, j’arrache sa camarade.

Une limace, je suis ! Mes membres sont devenus adhérents. Puisque deux ventouses suffisent à me maintenir, je dispose donc de la troisième, you see ?

Ça blablate ferme sur le pont, mais je ne cherche pas à esgourder ce qui se bonnit. Même mon sens auditif est agrippé à la coque du sous-marin, parole !

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20

Je charabiaise pour vous montrer ce que ça donnerait si j’allais Lecturepourtousser avec les pommes qui rédigent en branlorama. Ils ont une façon de s’extirper le moi second du subconscient qui vous donne envie de courir acheter Ici-Pantruche et Gaule-Dimanche. Vrai ou faux ?

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21

Pour une fois, je vais vous dire son nom : c’est Jacques Prévert.