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— Good morning, Sir ! qu’elle me dit.

— Good morning, mame, j’y rétorque.

— Lovely day ! continue la vieille dame.

— Very lovely, conviens-je.

Elle referme sa lourde. Moi j’ouvre la mienne. Je sucre des cannes (si je puis dire) et n’ai plus un poil de sec.

L’aile arrière de ma chignole est défoncée et la moitié du pare-chocs traîne au sol.

Je vais jusqu’à la street. Plus de camion. Ai-je été imprudent ? S’agit-il d’une agression ? Vous trouverez la réponse à notre jeu concours dans le supplément spécial vacances.

Je tripatouille un peu le pare-chocs. Il est en carton imperméabilisé, comme tous les pare-chocs de toutes les bagnoles actuelles et je le déchire sans peine. Je déposerais bien cette épave dans le cul-de-sac à mémère, mais comme elle me mate derrière ses vitres, je le jette dans le coffre.

Allez, ça repart.

Je redescends jusqu’au carrefour. L’Audi jaune n’est plus là. Par contre, je la retrouve sur le parking du Grand Hôtel. Cette fois-ci, elle est vide.

« San-Antonio, me dis-je, tu files du mauvais coton.

Ce pays est adorable, salubre, dépourvu de pollutions, et cependant tu n’y es pas en sécurité. »

Je décide d’aller donner mon coup de turlu à la poste.

Celle-ci se trouve au fond de la boutique du cordonnier-serrurier[2]. Deux demoiselles dont les visages semblent sculptés dans du pain complet, tant ils comportent de taches de rousseur, s’activent comme deux exquises petites guenons rousses dans leur cage grillagée. La cabine téléphonique est une simple conque isolatrice fixée au mur. Je réclame mon numéro sans cesser de surveiller l’extérieur. Entre l’entrée et moi, le cordonnier usine en compagnie d’un boutonneux qu’on croirait réveillé en sursaut. Des dadames du coin apportent les grolles en péril de leur cher foyer.

« Drrrrring ! » fait le bigophione.

— It’s for you, Sir !

O.K. !

Laissez pousser les asperges ! Drôles de mots de passe.

Il est allé chercher ça où, l’Illustre ?

On me le passe, plus exactement on me passe à lui, rapidement. Je l’entends qui cligne des yeux avant de parler.

— Mes respects, monsieur…

Je stoppe ma phrase, biscotte la gonzesse qui se trouvait dans l’Audi jaune vient d’entrer. Chapeau pour son cul que je n’avais pu voir. De la fesse surchoix ! Si le professeur du Bronx est muté sur la côte Pacifique, je suis partant pour assurer l’intérim ; pas dans son école, mais dans son pucier.

— Vous avez des résultats ? demande François III.

— Si l’on peut dire, mais il m’est difficile de parler, monsieur le…

Une idée me vient.

— Je sais que vous êtes trop doué en français pour parler d’autres langues, du moins devez-vous comprendre l’argot, monsieur le. Un amoureux de la sémantique comme vous, bien qu’il s’exprime mieux que Montaigne ne peut rester indifférent à la prolifération de sa langue originelle et se plaît, j’en suis convaincu, à en étudier la mauvaise herbe ?

— Si fait, me répond l’intéressé.

La dame de l’Audi a ôté sa chaussure et la montre au bouif. Une question de bride qui déconne. Le gars hoche la tête pour dire qu’il s’en occupe tout de suite.

— Eh bien ! parlez ! me lance le président.

— J’ai renouché la vioque, monsieur le. Elle compte se goinfrer. Elle exige une brique de Washington. Et pas des talbins de la sainte farce, mais du bon auber avec pedigree. Son gadget est planqué de première car elle a du chou. Pour l’empailler, Césarine, faut se lever tôt.

A l’autre bout, l’Illustre flumine (et non pas fulmine, comme je vois des cons l’écrire bien souvent).

— Non mais, Santonio, y a du mou dans la corde à nœuds, mon pote ! Carmer un bouquet pareil à votre vieille vachasse, en pleine crise du Trésor ! Vous roulez sur la jante ! Faut vous faire réchapper les méninges si elles sont poreuses ! Ah ! j’en ai les feuilles qui se fissurent ! Les brandillons qui m’en choient ! Une brique de verdâtres ! Vous croyez que je vous ai branché sur ce tapin pour m’entendre débloquer de tels vannes ! Mais, si j’avais voulu douiller, j’aurais expédié un caissier, pas un perdreau. Je vous croyais plus marie. C’est devenu quoi, votre turbin, mec ? Le porte-à-porte ? C’est vous, le terrible ? L’Arsène Lupin de la Rousse ? Ils les font en chocolat les supermen de mon septennat ! Ouvrez vos étiquettes, l’aminche ! Vous vous dépatouillez de cette béchamel et m’apportez le fourbi, compris ? Sinon vous pouvez cavaler directo chez Plumeau voir si j’y suis… Ça commence à bien faire tous ces gugus qui m’entourent. Ciao !

Ainsi parla le grand homme !

Son discours me troubla. Il prétendait ne pas parler l’anglais, et pourtant, oui, pourtant, au plus fort de son ressentiment, il disait « des supermen » et non « des supermans ».

Un mystère de plus chez cet être exceptionnel.

Je me signa en demandant à Dieu de l’inspirer encore pendant trois fois sept ans.

Parce que quand on en tient un comme ça, faut pas faire la bourde de l’échanger contre un paquet d’Ariel.

En cannant ma tournée de déconne aux blondasses, je prends un air mystérieux, mutin, et un tantisoi gaulois.

— Ecoutez, mes poulettes, je leur fais-je, vous apercevez la dame qui est chez le cordonnier ? Eh bien, je vous parie mon pantalon contre la culotte de la reine d’Angleterre qu’elle viendra vous demander le numéro que je viens d’appeler en France. C’est une espèce de névropathe amoureuse de moi, donc jalouse. J’ignore quels arguments elle emploiera, mais je vous fous mon billet de vingt livres ci-joint qu’elle va le faire. Alors, soyez deux amours et, au lieu d’ergoter, donnez-lui celui-ci.

Je rédige le numéro de l’horloge parlante de Paris.

Puis je pousse vers elle, malgré leurs dénégations, un billet bleu que ça représente un mec avec des lunettes et un nœud pap’, derrière y a un archipel (à gâteau) dont je peux pas t’en dire plus car c’est écrit en gaélique et moi, le gaélique, hein, tu m’as compris ?

L’esprit en repos, j’adopte une position de repli. En passant devant la jeune dame, je lui décoche un sourire salingue.

— Hello ! qu’elle fait.

— Elle chauffe, murmuré-je, prenant la phonétique de son salut pour la transformer en une brève interrogation (et l’eau ?).

Que fiche ? La grosse Gleenon est au rade de son pub, occupée à vérifier le principe des vases communicants.

Elle doit transvaser un baril de bibine dans la citerne planquée sous sa robe à pois. J’ai un moment la tentation d’aller chez elle, en douce, pour une petite perquise avant-coureuse ; mais ces maisons-clapiers, bâties en chaîne, ne permettent guère un tel exploit en plein jour. Ça grouille de marmots qui s’empresseraient de porter le pet en me voyant bricoler la serrure de la grande cantatrice. Pour lors ma mission serait terminée et la réputation déjà ébranlée du fameux San-Antonio ressemblerait à la cuvette des chiottes de l’aéroport de Conakry où j’ai eu l’honneur de déféquer un jour que je passais par là.

Je préfère aller claper, les péripéties de la noye ayant creusé dans mon estom’ une caverne en comparaison de laquelle le cratère de l’Etna a l’air d’un trou de golf miniature.

Je musarde un peu et, le nationalisme jouant, je vais m’abattre dans un charmant petit restaurant baptisé La Rochelle. Une photo de ce délicieux port excepté, rien n’est français dans la boutique, même pas le menu qui pourtant fait ce qu’il peut en promettant des « Conelles de poison ». Cela dit, le décor est charmant, la jaffe très exquise et le serveur qui s’active sémillant. Il me déniche un bordeaux Château Dupont d’une honnêteté indiscutable. Je suis donc dans les meilleures conditions pour appréhender la situation.

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2

Authentique.

S.-A.