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Avec une expression tellement cruelle que l’ambassadeur en eut froid dans le dos. En anglais, elle ordonna aux otages de s’asseoir en ligne, face au mur, les mains sur la tête. Excitée, elle parcourait le bureau son pistolet à la main, tandis que ses deux complices restaient cois, leurs armes braquées vers la porte. Finalement, elle ouvrit toute grande la fenêtre, ce qui fit entrer un flot d’air glacé, puis tira les rideaux.

Le hurlement d’une sirène de police se rapprocha. Puis une seconde et une autre encore. L’ambassadeur, le ventre encore douloureux, ferma les yeux, pensant aux heures qui allaient suivre. Cela risquait de ne pas être drôle.

* * *

Une douzaine de policiers en uniforme firent irruption dans le hall du bâtiment sud de l’Okura et foncèrent vers les ascenseurs, bousculant les clients. Dehors, des cars de police blindés arrivaient les uns après les autres, précédés de grosses Datsun blanc et bleu, un phare clignotant sur le toit, ouvrant leur route à grands coups de sirène.

Les policiers jaillirent de l’ascenseur au douzième étage, celui des penthouses de luxe, et se ruèrent sur l’étroite terrasse d’où l’on dominait largement le toit plat hérissé d’antennes de l’ambassade américaine. Mais la fenêtre du bureau de l’ambassadeur avait les rideaux tirés. Dépités, les tireurs d’élite prirent position sur la terrasse, sans souci du froid, braquant leurs armes sur le bâtiment blanc. L’énorme hôtel Okura grouillait maintenant de policiers, en civil et en uniforme. C’était la première prise d’otages à Tokyo, et ils ne savaient pas très bien comment réagir. En bas, les cars grillagés, les policiers casqués, en gilets pare-balles, cernaient la petite ambassade blanche. La circulation était interrompue à partir du croisement avec la rue en pente. Une ambulance surgit, sirène hurlante, crachant des infirmiers qui s’engouffrèrent en courant dans le hall de l’ambassade.

Une vingtaine de policiers avaient pris position autour de l’escalier, surveillant le premier étage. D’autres essayaient d’interroger les employés et les visiteurs, encore choqués. Mais les témoignages divergeaient… On ne savait même pas combien il y avait de terroristes. Tout s’était passé si vite.

On emporta les corps. Les infirmiers chargèrent sur des civières les cadavres des deux Marines. L’escalier était maculé de sang. Aucun bruit ne filtrait du premier étage.

Une grosse Datsun noire stoppa dans un crissement de freins devant l’ambassade et le préfet de Police de Tokyo en jaillit, emmitouflé dans une pelisse à col de fourrure. Immédiatement, on lui amena le policier japonais qui avait vu les agresseurs. D’une voix hachée, ce dernier raconta le double meurtre des gardes, donna un signalement de la fille. Il ne pouvait rien dire de précis sur les deux autres… Un des policiers qui entouraient le préfet, visage joufflu et lunettes d’écaille, hocha la tête pensivement.

C’était le chef du Kohan, la section anti-Armée Rouge, de la tranche K[4].

— C’est Hiroko Okada.

— Qui est-ce ? interrogea le préfet.

— Une tueuse, dit le policier. Elle dirige une section de l’Armée Rouge depuis deux ans, un groupuscule d’une vingtaine de membres extrêmement actif. Nous n’avons jamais pu mettre la main dessus. Je la reconnais à cause des yeux. Elle souffre d’une maladie de la thyroïde qui lui donne un goitre exophtalmique. Nous la soupçonnons de nombreux attentats, et, entre autres, la bombe chez Mitshubishi…

Dix-sept morts et quatre-vingts blessés… Depuis quelque temps, des bombes explosaient partout à Tokyo. Autour du préfet, d’autres policiers de haut rang écoutaient, atterrés. Le chef du C.R.O.[5] directement sous les ordres du Premier ministre, celui de la tranche K de la National Police Agency, celui du Public Security Investigation Service. Tous se sentaient dramatiquement impuissants.

— Mais qu’est-ce qu’elle veut ? interrogea le préfet.

Le chef du Kohan, Tom Otaku, avoua :

— Je ne sais pas, monsieur le préfet. Nous vous attendions pour commencer les négociations.

* * *

Les télex de la salle des codes de la C.I.A., à Langley, dans l’État de Maryland, crépitaient depuis une heure. Les messages arrivaient de Tokyo, sans arrêt, apportant d’ailleurs peu d’informations supplémentaires… Dans la conference room des « supergrades », le Directeur de la Division des Opérations, celui de la Far East Division et le Deputy Directeur de la C.I.A., sortis tous de leur lit à quatre heures du matin, à cause du décalage horaire – quatorze heures entre Washington et Tokyo – avalaient des litres de café, en liaison constante avec le State Department. Il faisait encore nuit. David Wise, chef de la Direction des Opérations, annonça :

— Roy Henderson vient de téléphoner de son bureau de Tokyo, directement au State Department. Lui et six autres otages exigent le versement de cinq cent mille dollars et qu’on leur remette un Japonais qui a, paraît-il, été arrêté à Los Angeles par le F.B.I., un certain Shunishi Furuki.

— Appelez immédiatement le F.B.I., Internal Security Division.

— Que dit la police japonaise ? demanda le chef de la Far East Division.

— Rien, ils attendent. Ils ne bougeront pas sans notre accord. Si on donne l’assaut, il risque d’y avoir de la casse.

Un ange passa. C’était l’éternel dilemme. L’honneur ou la sécurité.

— La Direction du F.B.I. ne répond pas… annonça le Deputy Director.

David Wise émit un juron peu compatible avec son éducation à Yale.

— Sortez Hoover de sa tombe, s’il le faut, gronda-t-il, mais retrouvez-moi ce Furuki ! Qu’on le colle dans un avion pour Tokyo.

— Avec qui ? osa demander le chef de la Far East Division. L’échange est une opération délicate et dangereuse.

David Wise soupira.

— Ça, c’est une bonne question ! Mais j’ai une idée.

Le téléphone sonna. Un des hommes assis autour de la table décrocha, écouta et raccrocha. Il avait pâli.

— Sir, dit-il, les terroristes viennent d’avertir le State Department que si Furuki n’est pas à Tokyo dimanche soir, ils commencent à exécuter les otages.

* * *

Les projecteurs de la police éclairaient violemment la façade de l’ambassade mais, à cause des rideaux tirés, la lumière ne parvenait que faiblement dans le bureau de l’ambassadeur. Par contre, la température ne dépassait pas 0° dans la pièce, la fenêtre étant toujours ouverte… À part la terroriste tout le monde souffrait du froid.

Les otages étaient toujours alignés, assis par terre, face au mur, les mains posées sur la tête, y compris l’ambassadeur. Surveillés par un des Japonais, assis en tailleur derrière eux, sa mitraillette sur les genoux, plusieurs grenades posées à côté de lui. Le second épiait la porte, retranché derrière le bureau de l’ambassadeur. Pas vraiment inquiet. Ils étaient certains que les policiers n’attaqueraient pas sans provocation, à cause des otages.

— J’ai froid, sanglota tout à coup Michiko, la secrétaire.

Son ventre reposait sur ses cuisses, et elle claquait littéralement des dents.

Hiroko se précipita vers elle, la frappa à la tête, la faisant basculer. Michiko avait déjà le visage tuméfié par les coups de poing de la terroriste. Depuis quatre heures, Hiroko s’acharnait sur elle. Après avoir découvert dans son sac la photo de son mari, un jeune diplomate américain du consulat. Cette fois, Hiroko se jeta sur elle, la bourrant de coups de poing et de coups de pied :

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4

Pour communiste.

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5

Cabinet Research Office.