Выбрать главу

— Chienne impérialiste ! Je t’interdis d’élever la voix ! hurla-t-elle.

Michiko avait roulé sur le dos.

Méchamment, elle posa le pied sur le ventre saillant et appuya. La secrétaire poussa un cri atroce, bredouilla :

— Onega ishimasu ![6]

Pour toute réponse, Hiroko ôta son pied, balança la jambe et lui envoya une ruade dans le bas-ventre, déchirant la robe sur les cuisses. Michiko hurla. Blême, Roy Henderson se retourna et jeta en japonais.

— Laissez cette fille et fermez la fenêtre ! Il fait glacial ici !

Les yeux de Hiroko semblèrent jaillir encore plus de leurs orbites.

— Silence, glapit-elle, ou je vous tue tous…

Elle se mit à frapper sauvagement la secrétaire étendue, visant la poitrine, le ventre, le visage. Michiko criait d’une voix aiguë, appelait au secours, suppliait qu’on épargne son enfant. Les dents serrées, Hiroko continuait à frapper. Chaque fois que la pointe de sa chaussure heurtait la secrétaire, cela faisait un bruit mou, écoeurant, horrible.

Sa victime cessa soudain de crier. Le péritoine éclaté, elle agonisait. Du sang et des excréments suintaient entre ses jambes. Hiroko s’arrêta de frapper, en sueur malgré le froid.

— Retournez-vous, cria-t-elle aux otages.

Ils obéirent. Le spectacle était abominable. Michiko respirait péniblement. La terroriste jeta dans son anglais guttural :

— Ceci est un avertissement ! Tous ceux qui résisteront seront traités de la même façon… Maintenant, retournez-vous.

Les cinq hommes obéirent. Honteusement soulagés d’échapper au spectacle du corps martyrisé. Michiko râlait doucement. Hiroko ne s’en préoccupait plus. Elle s’assit dans un fauteuil, jouant avec son Beretta. Son coeur cognait dans sa poitrine. L’excitation, et sa maladie aussi.

Une odeur pestilentielle commençait à envahir le bureau, en dépit de la fenêtre ouverte. Hiroko n’y prêta pas garde. Ivre de sa toute-puissance. Le brouhaha des policiers, tout autour de l’ambassade, la grisait tout autant qu’une jarre de saké. Elle était sûre de ses deux complices Ko et Jinzo. Et de la prudence de ses adversaires. Elle fixa le corps de la secrétaire, un peu calmée. C’était une excellente façon de prouver sa détermination, de se faire respecter… Tout à coup, elle eut faim :

— Ouvre la porte, cria-t-elle à Ko, et dis-leur que nous voulons à manger et à boire.

Le jeune homme hésita une seconde avant d’obéir. C’était quand même risqué. Mais il y avait les otages…

Le couloir était désert. Un casque noir apparut fugitivement à l’entrée de l’escalier. Tenant un miroir, au bout d’une perche.

Automatiquement, il lâcha une rafale avec l’Uzi. Le miroir vola en éclats et le casque disparut. Mais pas un coup de feu ne fut tiré… De toute la force de ses poumons, le Japonais relaya la demande de Hiroko. Une voix répondit venant de l’escalier.

— Je suis le préfet de Police de Tokyo, que…

Hiroko le coupa, furieuse :

— Taisez-vous, exécrable impérialiste ! Si nos conditions ne sont pas remplies, nous tuons tous les otages.

Puis elle claqua violemment la porte du bureau.

* * *

Les officiels s’étaient prudemment mis à l’abri dans un coin du hall. De nombreux Américains avaient rejoint les hauts fonctionnaires japonais. Le chargé d’affaires, le consul, plusieurs officiers traitants de la C.I.A. Dans la rue, le Press Officer tenait tête à une meute de journalistes. En raison du danger, le parking leur était interdit.

Le quartier était en état de siège avec des centaines de policiers, la télévision, des tireurs d’élite. On avait même pensé interrompre la circulation sur le Shuto Expressway qui passait à cinq cents mètres, en surélévation, et se trouvait dans l’angle de tir des terroristes. Des spécialistes grimpés au second étage par l’extérieur étaient en train de mettre en place des micros ultra-sensibles pour écouter les conversations des terroristes. La nuit était tombée, mais dehors, on y voyait comme en plein jour. Les caméras de la N.H.K. braquées sur la façade étaient prêtes à enregistrer le moindre mouvement.

Le préfet de Police redescendit, blême, rejoignit le groupe des officiels. Tous avaient entendu les cris horribles de la fille torturée et les coups de feu. Ils se regardèrent gênés.

— Bon sang, il n’y a rien à faire, gronda le chargé d’affaires.

Tom Otaku s’approcha et dit dans son anglais zézayant :

— Je ne pense pas que nous puissions donner l’assaut sans mettre en danger la vie des otages, sir.

L’Américain le savait très bien. Il regarda sa Seiko. 9 h 10. L’attente risquait d’être longue.

— Je suis en contact constant avec mon gouvernement, dit-il, l’impossible sera fait pour remplir les conditions des terroristes.

Il s’arrêta. Ivre de rage. Parce qu’il savait que les terroristes partiraient libres de l’ambassade. C’était la règle du jeu. Il y eut un mouvement de policiers près de la porte. On apportait le plateau de sandwiches et de boissons réclamé par Hiroko et ses deux hommes. Un policier monta l’escalier et le fit glisser sur le palier avant de redescendre.

Dehors, le Press Officer répétait pour la vingtième fois qu’il ignorait combien de Japonais se trouvaient parmi les otages.

* * *

— L’Internal Security Division du F.B.I. prétend que c’est une catastrophe de relâcher ce Furuki, annonça le Deputy Director. Ils l’ont arrêté il y a trois jours à Los Angeles avec, en sa possession, une liste d’objectifs industriels à faire sauter, cinq faux passeports, un code et deux cent vingt-cinq sticks de dynamite.

David Wise secoua la tête, excédé. Il avait les traits tirés, le visage gris de fatigue. La table de la conference room disparaissait sous les tasses de café.

— Que l’Internal Security Division aille se faire foutre ! dit-il. Je veux que ce Japonais soit dans un avion pour Tokyo avant ce soir. C’est un ordre personnel du Président.

Le Deputy Director reprit son téléphone. Résigné ! Même le F.B.I. ne pouvait tenir tête à la C.I.A. et au State Department réunis.

— Qui l’accompagnera ? demanda-t-il.

David Wise regarda sa montre.

— Je vous le dirai dans une heure.

Le numéro 1 de la C.I.A. ne pouvait s’empêcher de penser aux hommes enfermés dans le bureau de l’ambassadeur à Tokyo. N’importe quoi pouvait arriver avec des fous pareils… Il connaissait depuis dix ans Albert Borzoï, le chef de station.

— A-t-on prévenu officiellement les familles ? demanda-t-il.

— Oui, Sir, répondit un adjoint de la Far East Division.

— Bien. Mettez-les aussi dans un avion, pour Tokyo.

* * *

Michiko râlait sans interruption, les yeux révulsés, secouée de spasmes vifs.

Le Premier conseiller avait goûté les sandwiches et le thé, mais les terroristes n’y avaient pas encore touché. Les otages n’avaient même pas faim, d’ailleurs. L’agonie de la secrétaire occupait toutes leurs pensées. Ils auraient voulu pouvoir se boucher les oreilles. Oser faire quelque chose. Et ce froid qui s’ajoutait à la tension les engourdissait encore un peu plus !

À bout de nerfs, l’ambassadeur se retourna et jeta à Hiroko :

— C’est monstrueux ! Cette femme est en train de mourir. Remettez-la à la police. Nous sommes assez nombreux pour vous protéger.

вернуться

6

Je vous en prie…