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Hiroko sauta de son fauteuil comme si une araignée l’avait piquée et glapit :

— Taisez-vous. Je n’ai pas d’ordres à recevoir de vous.

— Faites quelque chose pour cette femme, insista l’Américain.

Le rictus haineux de la Japonaise fit soudain place à un mauvais sourire.

— Vous avez raison, fit-elle, d’une voix normale. Cette chienne pue. Il faut nous en débarrasser.

L’ambassadeur préféra ne pas répondre. Pour ne pas compromettre le bon mouvement de la Japonaise. Plein de rage impuissante, il pensa aux centaines de policiers qui cernaient l’ambassade, à quelques mètres d’eux.

Sans aucune chance de pouvoir intervenir.

Les terroristes n’hésiteraient pas une seconde à les abattre. Lâchement, il se dit que le gouvernement américain avait accepté toutes les exigences de Hiroko, que dans quelques heures ce ne serait plus qu’un mauvais souvenir. Puis, l’ordre que Hiroko venait de lancer à un de ses complices, en japonais, parvint à son cerveau et il se retourna, horrifié : le terroriste moustachu était en train de traîner Michiko vers la fenêtre ouverte… Voilà comment Hiroko voulait s’en débarrasser. Il se retourna :

— Shimasen ! cria-t-il.

Hiroko braqua son Beretta sur lui, les gros yeux brûlants de haine.

— Taisez-vous.

* * *

— Abounaï ![7]

Ce cri du policier japonais déclencha le branle-bas de combat. Immédiatement, une dizaine de projecteurs se braquèrent sur la façade blanche de l’ambassade américaine. Le rideau de la fenêtre du bureau de l’ambassadeur venait de s’écarter. Les terroristes avaient éteint, et on ne voyait rien de l’intérieur.

Précipitamment, les policiers se mirent à couvert. Aux fenêtres de l’Okura, les centaines de badauds retinrent leur souffle. Les caméras de la télévision commencèrent à ronronner. Une voix de femme cria quelque chose par la fenêtre ouverte.

— Qu’est-ce qu’elle a dit ? demanda un des américains de la C.I.A.

— Que si un seul coup de feu était tiré, ils tuaient un otage… traduisit Tom Otaku.

Mains dans les poches de son manteau, le chef du Kohan surveillait le rectangle sombre. Inquiet et tendu.

Des dizaines de policiers attendaient, le doigt sur la détente de leurs armes. Quelque chose qui ressemblait à un gros paquet apparut dans l’encadrement. Poussé par des mains invisibles, il resta en équilibre une seconde, puis bascula dans le vide, suivi par des projecteurs.

Il s’écrasa au milieu du parking. Le rideau s’était refermé. La lumière blanche des projecteurs éclaira le corps disloqué et inerte d’une femme. Poussant devant eux un épais écran blindé, les spécialistes du déminage se mirent à ramper lentement vers elle. Ils la tâtèrent avec de longues tiges métalliques, la retournèrent et, s’étant assuré enfin qu’elle n’était pas piégée, se ruèrent à son secours, suivis d’infirmiers, de médecins, d’autres policiers. Une rumeur montait de la rue. Les journalistes se battaient pour apercevoir ce qui était tombé.

Un médecin japonais se pencha sur le corps au milieu d’un cercle horrifié. Les narines pincées, les traits déformés par les coups, elle semblait morte. Une feuille de papier était épinglée à son corsage maculé de sang. Un des policiers la détacha et la tendit au préfet de Police de Tokyo.

Celui-ci lut à la lumière d’une torche électrique les caractères japonais, traduisant au fur et à mesure :

« Nous attendons jusqu’à demain soir 20 h 30. Si notre camarade Furiki n’est pas là, à ce moment nous exécuterons un otage toutes les heures.

— Elle respire encore ! annonça le médecin.

Avec d’infinies précautions, des infirmiers installèrent le corps disloqué sur une civière. On lui faisait déjà du goutte à goutte. Un autre plaça un masque à oxygène sur son visage.

Dans un brouhaha indescriptible, on chargea le corps dans une ambulance qui sortit de la cour, mitraillée par les flashes.

Tom Otaku se rapprocha d’un des membres de la C.I.A. :

— Ils ont un transistor, annonça-t-il.

La radio avait donné l’horaire de l’avion qui amenait le terroriste Furuki au Japon. Un autre haut fonctionnaire japonais s’approcha du chargé d’affaires U.S. et se gratta la gorge avant d’annoncer d’une voix polie :

— Excellence, ce soir l’aéroport de Haneda est fermé à cause du brouillard…

L’Américain eut l’impression qu’une chaîne lui bloquait la poitrine. Si le même contretemps se produisait le lendemain » c’était le drame.

— Il n’y a vraiment aucun moyen de tenter quelque chose ? interrogea-t-il d’un ton suppliant.

Le préfet de Police de Tokyo sembla se ratatiner.

— Nous pouvons donner l’assaut, concéda-t-il, si vous m’en donnez l’ordre écrit, mais les risques sont très élevés. En dépit de l’entraînement de nos hommes, ils auront le temps de tuer un ou plusieurs otages.

— Et les gaz ?

— Ils s’en apercevront. Le problème sera le même. Cette Hiroko est extrêmement dangereuse et décidée à tout.

Sa photo jaunissait sur tous les panneaux d’affichage des commissariats japonais. Recherchée depuis deux ans.

Les projecteurs étaient de nouveau braqués sur la façade blanche. Dehors, un porte-parole de la police lisait d’une voix altérée un communiqué officiel plein d’omissions et d’erreurs, face aux caméras de la télévision, dans un cercle de journalistes silencieux. Personne ne savait encore que Michiko était morte avant d’arriver à l’hôpital.

— Prions pour que le brouillard se lève, sinon, il faudra donner l’assaut, soupira le chargé d’affaires.

Le préfet de Police de Tokyo priait encore plus fort que lui. Donner l’assaut, cela équivalait à un massacre. Il se souvenait de Munich… Lui aussi avait hâte que l’avion se pose à Haneda, avec Furuki, le terroriste réclamé par Hiroko.

Chapitre II

Malko observa le petit Japonais qui dormait la bouche ouverte dans le fauteuil voisin. Il ne paraissait pas ses vingt-trois ans, avec son visage plat, ses dents gâtées et ses cheveux en brosse, il ressemblait à un étudiant sage. Et pourtant Shunishi Furuki avait candidement avoué au F.B.I. qu’il se préparait à faire sauter tout le complexe pétrolier de Long Beach…

La drogue qu’on lui avait administrée avant son départ de Los Angeles était en tout cas puissante. Il n’avait même pas ouvert l’oeil lorsque le « 747 » s’était posé à Hawaii. Maintenant, ils venaient de passer l’île de Guam et le Pacifique scintillait trente mille pieds plus bas.

Un véritable convoi militaire l’avait amené du pénitencier « Cal State » à l’aéroport international de Los Angeles.

Des « gardes nationaux » armés jusqu’aux dents, des agents du F.B.I., des motards encadraient l’ambulance qui transportait le petit Japonais. Il avait paru étrangement chétif à Malko lorsqu’on l’avait installé sur le siège de la première rangée du compartiment des « First » du « 747 » en partance pour Tokyo. Incroyable de penser qu’à des milliers de kilomètres de là ses camarades avaient monté une opération audacieuse pour le libérer. Malko avait appris qu’il avait d’abord refusé totalement de parler pendant vingt-quatre heures. Puis, il avait craqué brusquement, deux jours plus tôt, révélant les « objectifs » que le groupuscule de l’Armée Rouge s’apprêtait à détruire. Comme si le fait d’être coupé de ses camarades et de la responsable du groupe, Hiroko, l’avait brisé psychologiquement.

Le F.B.I. n’avait pas eu le temps d’en apprendre plus… les interrogatoires se déroulaient en japonais, car Furuki semblait ne pas parler anglais.

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