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— La tête me tourne ! dit-elle. J’ai trop bu.

— Mais non, dit Malko, tout va très bien.

Dès qu’il eut fait demi-tour, il posa une main sur le genou de Rhonda et l’y laissa. Le vent tiède lui fouettait délicieusement le visage. À cette heure-là, les routes de Mahé étaient pratiquement désertes.

* * *

Entre la musique pop assourdissante distillée par un orchestre local et les projections lumineuses sur le mur de la piste de danse, on arrivait très vite au bord de l’hystérie. Le Bubble Club n’était ni meilleur ni pire que les autres discothèques du monde. Trois serveuses outrageusement décolletées officiaient dans un bar légèrement en contrebas, décoré des rubans de différents navires de guerre, vestiges de bagarres locales.

Malko et Rhonda s’étaient installés dans un des petits boxes séparés par des cloisons d’énormes bambous, avec vue sur la brochette de putes locales installées à côté du bar au cas où un navire relâcherait inopinément. C’était la période creuse. La serveuse callipyge au visage d’enfant avait jeté un regard noir à Rhonda. Concurrence déloyale. Appuyée contre Malko, l’Australienne commençait à ressentir les effets du mélange de faux bordeaux et de vrai Martini-Bianco.

— Dansons ! demanda-t-elle brusquement.

L’orchestre s’était évanoui, laissant la place à des disques langoureux. Quelques couples blancs évoluaient avec une grâce pachydermique. Rhonda se serra de tout son corps contre Malko, leva vers lui des yeux noyés de plaisir et murmura :

— Je suis si bien. Il y avait si longtemps que je n’avais pas été comme ça. Mais il faut que je rentre, il doit être très tard.

Le Bubble Club se trouvait en bord de mer, au nord de Victoria. Hôtel-cabaret avec une étrange piscine en surélévation dans le jardin, donnant directement sur la rade. Si loin du centre que Malko avait craint s’être perdu. Il se pencha à l’oreille de Rhonda.

— Je vous donnerai de l’argent pour que Cassan croie que…

— Non, je ne veux pas ! Tant pis s’il me bat. J’en ai assez.

Elle se détacha violemment de lui, les prunelles assombries par la colère.

— Il y a peut-être une autre solution que de vous faire battre, avança Malko.

Ce n’était pas le moment qu’elle rompe avec l’Australien… Elle renicha sa tête contre l’épaule de Malko.

— Tant pis, je suis bien.

— Je vais quand même vous raccompagner, proposa ce dernier avec diplomatie. Sinon, nous ne pourrions pas nous revoir.

Les putes caressèrent au passage Malko d’un regard plein de regret. Des dollars qui s’en allaient. Le parking était désert. Enlacés, Malko et Rhonda regagnèrent la Cooper, garée au bord de l’eau. Une petite plage courait le long du ciment.

— J’ai envie de me promener, dit Rhonda.

Elle entraîna Malko. Dès qu’elle fut sur le sable, elle se baissa et ôta ses chaussures.

— Je ne veux pas les abîmer, dit-elle d’une voix de petite fille.

Ils firent quelques pas, arrivèrent à un muret de ciment qui bloquait le passage, firent demi-tour et revinrent à la Cooper. Rhonda s’accota au capot et leva son visage vers les étoiles. Visiblement, elle n’avait pas envie de regagner le Koala. Malko l’observait, attendri. Elle paraissait si sincèrement heureuse. Sans un mot, elle avança la bouche vers lui et l’embrassa. Avec furie, comme si elle s’était contenue pendant longtemps. Leurs dents s’entrechoquèrent, le corps de Rhonda s’écrasa contre celui de Malko, ses doigts lui broyaient la nuque. Il ne fut pas en reste. L’épisode avec la Finlandaise lui avait laissé un goût amer. Enfin, il se retrouvait avec une femme consentante. Lorsque ses mains effleurèrent la poitrine de Rhonda, à travers la fine toile de la robe, l’Australienne se cabra comme un cheval. Ils restèrent enlacés, de plus en plus excités, oubliant complètement où ils se trouvaient. Rhonda embrassait Malko comme si sa vie en avait dépendu, à demi-renversée sur le capot de la Cooper. Il aurait peut-être repris son sang-froid si ses doigts n’avaient pas découvert la chair nue sous la robe neuve. Rhonda avait laissé son slip dans sa salle de bains.

Sans un mot, il la renversa en arrière, la clouant sur le capot de la petite voiture. D’elle-même, elle ouvrit les jambes, offerte, un pied bloqué contre un phare.

Il repoussa le tissu de la robe, découvrant ses jambes, le buisson sombre de son ventre. L’effleura. De la lave brûlante. L’Australienne attendait, allongée sur le capot, sans sentir l’arête d’acier qui lui sciait les reins. Un groupe sortit du Bubble et les aperçut. Aussitôt, une des filles cria quelque chose en créole et les autres éclatèrent de rire. Rhonda se redressa, échevelée, rabattit la robe sur ses genoux. Elle s’assit sur le capot et appuya sa tête sur l’épaule de Malko.

— Pardon, dit-elle. Mais j’ai honte. Je n’ai pas envie de rentrer, ajouta-t-elle. Je voudrais rester avec toi. Dormir dans tes bras. J’ai tellement besoin d’affection, tu sais.

Elle lui tendait une perche grosse comme le mât du Titanic.

Malko passa un bras autour de ses épaules. Le ventre encore brûlant de désir, au bord de l’orgasme, maudissant les noctambules qui s’éloignaient. Il fallait replonger dans le travail.

— Rhonda, dit-il, j’ai peut-être une proposition à te faire. Qui pourrait te rapporter beaucoup d’argent et te permettre de quitter Cassan.

La jeune femme sursauta, se méprenant sur la proposition.

— Mais je ne veux pas. Ce n’est pas parce que… Je ne suis pas à vendre.

— Mais non, dit Malko, il ne s’agit pas de te prostituer ! Tu sais que je travaille pour une compagnie d’assurances. Je recherche l’épave du Laconia B. Si je la trouve j’aurai droit à une très grosse prime ! Ce cargo s’est échoué sur un sec, au nord de Denis. La position de ce sec se trouve sur la carte que Cassan m’a montrée l’autre jour. Depuis, il a changé d’avis, il ne veut plus m’y mener. Parce que d’autres personnes cherchent aussi le Laconia B. Des amis de Bill. Pour d’autres raisons. Alors, si tu pouvais recopier ou m’apporter cette carte, cela pourrait te faire gagner beaucoup d’argent…

Rhonda l’écoutait, les sourcils froncés.

— Je ne comprends pas bien, dit-elle. Pourquoi Bill veut-il retrouver cette épave ? Qu’est-ce que cela peut lui faire ?

— Parce qu’il croit qu’il y a des objets de valeur à bord.

— Ah !

L’Australienne le regardait d’un drôle d’air. Comme si elle ne le croyait pas complètement.

— Je pourrais avoir 3 ou 4 000 livres ? demanda-t-elle timidement.

Malko sourit et l’embrassa à la commissure des lèvres.

— Beaucoup plus. Je te garantis 50 000 livres, si je retrouve le Laconia B, grâce à toi.

— 50 000 livres[14] !

Rhonda resta plusieurs secondes à méditer ce chiffre, énorme à ses yeux. Malko pouvait presque voir les rouages de son cerveau en marche. Elle s’ébroua tout à coup et demanda d’une voix plus ferme.

— Tu me protégeras ? Tu resteras avec moi, tant que je serai à Mahé ?

— Bien sûr, dit Malko. Mais j’aurai besoin d’un bateau.

— J’en connais un, dit Rhonda. Le trimaran des Kenyans. Il est vieux et moche, mais il flotte. Ils ne demanderont pas mieux. Ils ont besoin d’argent.

— Va pour le trimaran, dit Malko. Qu’as-tu l’intention de faire ?

Rhonda le regarda bien en face, et annonça d’une voix calme :

— Je vais retourner sur le Koala maintenant. Je suis sûre que Brownie est saoul. Il a dû boire de la bière au yacht-club toute la soirée. Je vais prendre cette carte, je sais où il l’a mise. Je te la ramène et je reste avec toi.

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