Выбрать главу

— Vous avez bien vu les cartes où étaient marquées les emplacements des secs ?

L’Australienne secoua la tête avec décision.

— Non. Brownie me donnait des caps, en criant d’en bas. Je ne savais pas où c’était.

L’Israélien se tut, à bout de questions. Visiblement, il avait espéré désarçonner la jeune femme. Celle-ci attendait, impassible, transpercée par le regard intense du Derviche. Ce dernier émit une sorte de soupir agacé, et dit quelque chose en hébreu à Zamir. La jeune femme lui répondit d’un seul mot.

— Très bien, dit le Derviche, d’un ton menaçant. J’espère que vous ne m’avez pas menti. Vous le regretteriez.

— Je ne vous ai pas menti, affirma Rhonda d’une voix calme.

— Nous allons nous séparer ici, annonça l’Israélien. Il vaut mieux que nous ne rentrions pas ensemble à Mahé.

— Qu’avez vous l’intention de faire ? demanda Malko.

— Retrouver ce Brownie Cassan, dit le Derviche. Et le faire parler. Nous vous reverrons là-bas.

Déjà Zamir l’aidait à enjamber le bastingage. Malko le regarda tituber sur le trimaran jusqu’à la cabine. Les deux Noirs défirent les amarres et la coque verdâtre s’éloigna du Koala. Rhonda n’avait pas dit un mot. Malko lui sourit.

— Je vais ramener le bateau. Va te reposer dans la cabine.

La jeune femme secoua la tête, et sourit en dépit des ecchymoses de son visage.

— Je me sens mieux, dit-elle. Je voulais te dire quelque chose. Cette carte, c’est moi qui ai porté les annotations dessus. Je la connais par cœur.

Malko la regarda, ébloui et incrédule.

— Pourquoi as-tu menti ?

Elle vint s’appuyer contre lui.

— Je crois que je suis tombée amoureuse…

Chapitre XIII

Malko regarda le trimaran verdâtre qui s’éloignait sur la mer turquoise. Le Koala se balançait doucement dans la houle qui clapotait contre sa coque. Sur la plage arrière, le matériel de plongée abandonné par l’Israélienne s’entrechoquait au gré du roulis. Grâce à la brise, on ne sentait pas trop la chaleur.

Rhonda lui sourit et s’écarta de lui.

— Il faut remettre les moteurs en route. Sinon, nous risquons de dériver et de heurter une tête de corail.

— Tu peux vraiment reconstituer cette carte ? Avec précision ? demanda-t-il encore ahuri de sa chance.

La jeune femme inclina la tête affirmativement.

— Oui. Bien sûr. Je te l’ai dit, c’est moi qui ai reporté toutes les indications relevées à la sonde par Brownie. D’ailleurs, même sans carte, je pourrais te mener à tous les secs.

— Pourquoi se sont-ils arrêtés ici ? interrogea Malko.

Rhonda esquissa une grimace de ses lèvres enflées.

— Je connais Brownie, il est très malin. Il y a bien un petit sec ici, mais il n’affleure pas. Il n’a pas voulu les mener tout de suite au véritable endroit. Pour se donner plus d’importance. Que ça n’ait pas l’air trop facile. D’ailleurs, ce ne sera pas facile, tu sais. Le sec auquel je pense, celui où il y a une grosse tête de corail qui remonte presque à la surface est très grand. Il faut de la patience pour arriver juste sur l’endroit qui t’intéresse.

— Nous avons assez d’autonomie ?

— Oh oui, fit l’Australienne. Nous pouvons faire 900 miles avec les réservoirs supplémentaires. Brownie les a fait mettre au cas où les choses tourneraient mal à Mahé. Afin de pouvoir gagner les Comores. Il n’y a pas de ravitaillement avant… Seulement, il n’y a plus qu’une bouteille de plongée pleine. Il faut recharger les trois autres. Chacune donne une heure. Ce sont des bouteilles jumelles de « corailleur ». Plus de 4 m3. Nous en aurons besoin si nous trouvons l’endroit.

— Il faut retourner à Mahé ?

Ce n’était pas la solution idéale. En ce moment, il se trouvait dans la peau d’un pirate. Même si on ne les pendait plus haut et court, il risquait quand même d’être arrêté. Il n’y avait pas assez de bateaux à Victoria pour que le Koala passe inaperçu… Heureusement, Rhonda rassura Malko tout de suite.

— Non, dit-elle. À Denis, ils ont un compresseur. Il faut une heure pour chaque bouteille. Nous pouvons y être dans une heure. Je préférerais y arriver de jour, parce que le mouillage est très difficile d’accès. C’est plein de têtes de coraux. Le propriétaire de l’île dit toujours qu’il va les faire sauter, mais il oublie.

— Il y a beaucoup de monde là-bas ?

Rhonda secoua la tête.

— Non, non. Juste un Français un peu fou qui construit des bungalows et des Noirs qui ramassent des noix de coco pour un sou pièce.

— Alors, va pour Denis, dit Malko.

Il avait hâte d’être à la chasse au Laconia B. Les Irakiens n’allaient sûrement pas rester sur leur défaite. Les deux Cummings rugirent en même temps et le Koala mit le cap sur la bande de terre plate qui émergeait à sept miles au sud : Denis Island.

* * *

— Voilà, nous ne bougerons pas.

Rhonda se redressa, le dernier nœud bouclé, et essuya son front couvert de sueur. L’arrivée en zig-zag à toute petite vitesse au milieu des têtes de coraux jaunâtres prêtes à éventrer la coque ou à fausser une hélice n’avait pas été une sinécure. D’autant qu’une petite brise sournoise du sud-est avait tendance à les dévier de leur route. Heureusement, Rhonda manœuvrait le Koala avec une précision d’horloger… et le cabin-cruiser n’avait qu’un mètre de tirant d’eau. Malko regarda la plage qui s’étalait à une centaine de mètres d’eux, bordée de grands falaos aux branches tombantes, avec la petite structure métallique du phare, ne s’élevant pas à plus de dix mètres du sol.

Le plus beau phare des Seychelles…

Derrière, on apercevait quelques bâtiments perdus dans les cocotiers. Le sable était blanc, la mer turquoise et le ciel légèrement nuageux. Déjà, une pirogue avec deux Noirs se dirigeait vers eux, à la pagaie. Malko avait l’impression d’être revenu un siècle en arrière…

— Nous allons leur donner les bouteilles, dit Rhonda, pour qu’ils commencent tout de suite à les charger. Ensuite, nous ferons le plan des recherches, avant d’aller à terre.

Malko alla les récupérer dans la cabine avant. Trois minutes plus tard, la pirogue était là avec deux Seychellois hilares et ravis d’avoir de la visite. Le plus grand agita la main en direction de Malko.

— Ti va, bougeois[16] ?

— Piti peu, pas trop, répondit Rhonda en créole[17]. Elle engagea la conversation en créole sur les bouteilles et un des Noirs monta à bord pour les passer à son copain.

— Je leur ai promis une caisse de bière, expliqua la jeune femme. Ils nous les remettront sur le bateau.

Une caisse de bière pour un Seychellois, c’était comme un lingot d’or pour un banquier… Les Noirs aidèrent Malko et Rhonda à descendre le youyou du Koala, qu’ils accrochèrent derrière et repartirent avec leurs bouteilles d’oxygène vides. Il n’y avait plus de vent et dans une heure, la nuit tomberait.

— Au travail, dit Malko.

Il prit dans la pile des cartes, celle du nord de l’archipel et l’étala sur la table basse.

* * *

— Il faut prendre le cap 040 plein est – en panant d’ici, expliqua Rhonda. D’après la carte, on devrait trouver le sec au bout de huit miles. Mais c’est faux. En réalité, il se trouve à quinze miles, dans la même direction. Il a un peu la forme d’un trapèze de trois miles sur deux. Tu vois que c’est grand. Pour arriver au milieu, après les quinze miles, il faut remonter deux miles plein nord.

вернуться

16

Ça va, patron ?

вернуться

17

Comme ci, comme ça.