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À côté de la table, se trouvait un homme seul, vêtu d’un polo rouge. Brownie Cassan.

* * *

L’Australien, les yeux dissimulés derrière des lunettes noires, esquissa un sourire ironique, devant les deux hommes qui le contemplaient avec un mélange de dégoût et de haine.

— Asseyez-vous, dit-il de sa voix traînante. Je crois que nous avons à parler.

Pour une fois, il était bien peigné, avec un T-shirt trop petit et un pantalon presque propre. Le premier, le Derviche s’assit sans un mot en face de lui. Impénétrable, les prunelles comme deux pierres bleuâtres. Suant la haine. L’Australien but une gorgée de son scotch avec nervosité.

Malko s’assit à son tour. Voilà donc pourquoi les Irakiens n’avaient pas bougé.

— Que voulez-vous ? dit-il.

— J’ai un message pour vous, annonça l’Australien. Vous savez de la part de qui, n’est-ce pas ? Cette personne a besoin d’une certaine information, il vous fait dire que faute d’avoir cette information ce soir à minuit, il exécutera une des deux otages.

Il y eut un long silence. Brownie Cassan passa rapidement sa langue sur ses lèvres. Soudain le Derviche allongea son bras valide et prit entre ses doigts ceux de l’Australien. Sans que ses traits bougent, il commença à serrer. Très vite les traits de Cassan se convulsèrent de douleur. Il tenta de se lever, de s’arracher à l’étreinte de l’Israélien, mais celui-ci semblait avoir des pinces. Attiré en avant, Cassan glissa de son fauteuil à terre, les genoux pliés.

— Bon Dieu, lâchez-moi, grommela-t-il. Sinon…

— S’il arrive quelque chose à Zamir, dit lentement le Derviche, je vous briserai tous les os du corps. Rien ne vous protégera. Nulle part et jamais…

Il lâcha la main de l’Australien et se rejeta en arrière.

Une grosse veine battait sur son cou. Brownie Cassan massa ses doigts et protesta d’un ton larmoyant.

— Je ne suis qu’un intermédiaire. Ce n’est pas moi qui…

Le Derviche le fixait, les mains à plat sur la table.

— Où sont-elles ?

— Je ne sais pas.

L’Israélien se pencha tout à coup vers l’Australien et demanda d’une voix calme :

— Aimeriez-vous encaisser un million de dollars en or ?

La pomme d’Adam de Cassan monta et descendit.

— Que voulez-vous dire ?

— C’est le prix que nous mettons pour sauver les gens de chez nous, dit le Derviche. La rançon que vous toucherez si vous me ramenez Zamir.

Brownie Cassan ne répondit pas.

Un ange passa. Les ailes en or massif.

Malko pouvait voir les circonvolutions de son cerveau en mouvement. L’Australien appartenait à la famille des traîtres nés. En plus, il avait besoin d’argent. Pourtant, il secoua la tête.

— Même si je voulais vous aider, je ne le pourrais pas. Ils sont dans un endroit que je ne connais même pas. Isolé et bien gardé. Cédez-leur, sinon, ils mettront leur menace à exécution.

— Rhonda est votre girl-friend, objecta Malko.

Cassan eut une grimace de mépris :

— Cette salope ! Elle peut crever. C’est à cause d’elle que je suis dans la merde.

Il se leva.

— Faut que j’y aille. Je reviens ce soir à minuit.

Le Derviche regarda l’Australien disparaître dans l’escalier du bar, blanc de rage.

— Le salaud, dit-il.

Malko essayait de mettre de l’ordre dans ses idées. Il y avait deux otages, ce qui rendait la situation encore plus délicate.

— Pourquoi avez-vous proposé un million de dollars ? demanda-t-il.

— C’est le prix de nos agents, au Mossad, dit le Derviche. Pour Elie Cohen, nous avions offert la même somme aux Syriens. Ils avaient refusé.

La CIA n’offrirait pas 100 000 dollars pour Rhonda. Le Derviche se leva.

— Je vais rendre compte. Je serai de retour dans deux heures.

Malko se leva également et partit vers son bungalow. Sans Rhonda, il lui parut soudain sinistre. Il fallait absolument trouver une solution, permettant de sauver les deux femmes et de ne pas livrer le chargement du Laconia B aux Irakiens.

Il s’assit, réfléchissant à se faire péter les méninges, repassant dans sa tête tout ce qui s’était passé depuis son arrivée. Plus d’une heure s’écoula avant que quelque chose accroche. Un petit lambeau d’idée informe… Une graine qui pouvait germer. Mais pour la concrétiser il lui fallait les plans du Laconia B. Seulement, il ne les aurait que le lendemain. Il fallait faire l’impasse. Se fier à la logique. À ses vagues souvenirs techniques. Il était si absorbé par ses pensées qu’il entendit à peine frapper à sa porte.

Il consulta sa montre. Dix heures. Ce devait être le Derviche.

— Je viens, cria-t-il.

Une dernière fois, il repensa l’idée qu’il était en train de mettre au point. S’il ne se trompait pas, c’était la solution qui permettait de résoudre la quadrature du cercle. Mais tout reposait sur lui.

Il ouvrit la porte.

Le Derviche avait les traits tirés.

— Jérusalem refuse de négocier, dit-il.

Chapitre XVIII

Claire, moulée de son éternelle robe de tissu éponge rouge, ses cheveux crêpés cachés par un foulard, enveloppa les deux femmes allongées à même le sol d’un regard hostile. Les hommes de Bill leur avait lié les poignets derrière le dos et entravé les chevilles avec du fil de nylon qui entrait dans leur chair. Ensuite, on les avait jetées comme des paquets dans un coin de la case. Zamir, qui s’était débattue violemment, portait une ecchymose jaunâtre sur le côté gauche du visage et avait l’œil presque fermé.

D’un coup de poing en plein visage, un des Seychellois avait fait taire Rhonda qui se débattait.

Là où ils se trouvaient, personne ne risquait de venir les déranger. La case se trouvait sur une colline, en pleine jungle, au-dessus de la maison du Président René. On y accédait seulement par un sentier gardé par des policiers, amis de Bill. Ceux-ci n’avaient d’ailleurs pas vu les deux otages, couchées au fond d’une Land Rover. Ils étaient persuadés que la case servait de cache d’armes pour la police secrète du nouveau régime.

Rachid Mounir n’était pas encore arrivé, mais on l’attendait d’une minute à l’autre. Claire grillait de lui prouver son dévouement. Et en même temps de se venger. Elle détestait ces deux blanches. Elle avait passé sa vie à servir de jouet aux hommes. D’abord, l’ex-président déchu. Puis, tous ses amis arabes. On la forçait à danser nue sur la table présidentielle, les soirs où il recevait de riches Saoudiens. On la « prêtait » pour une nuit. Parce qu’elle était grande, bien faite, d’une beauté très typée appréciée par les Européens et les gens du Golfe. Rachid Mounir la traitait, lui, avec beaucoup plus d’égards, et lui avait même fait miroiter un travail intéressant à Bagdad.

Elle ne connaissait pas Bagdad et se disait que ce devait être une grande ville fantastique.

Pendant qu’elle contemplait Rhonda, l’Australienne se retourna et l’interpella :

— Vous n’avez pas honte de les aider…

Les gros yeux marrons de Claire foncèrent de colère. Elle prit son élan pour donner un coup de pied, puis aperçut un objet brillant sur le sol, au milieu d’un fatras d’armes et de matériel divers. Un fer à repasser.

Elle se pencha, le ramassa et le brancha dans une prise. Les mains sur les hanches, elle regarda Rhonda.

— I am going to iron your ass, fit-elle[23].

Elle s’approcha et retourna Rhonda sur le ventre. Comme l’Australienne tentait de se redresser, Claire, lui empoigna les cheveux et lui cogna plusieurs fois le visage contre le parquet. Rhonda cessa de résister.

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23

Je vais te repasser les fesses.