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J’y pénètre. Des appareils y ronronnent, pour créer les conditions climatiques nécessaires à l’épanouissement des plantes.

« Voilà, pensé-je, le cœur irriguant le petit univers souterrain. Tout au moins, sa voie d’accès. Cherche, Médor, cherche ! »

Me faut pas longtemps pour trouver. Au centre du jardin d’hiver d’été, il y a une jardinière carrée d’un mètre vingt-trois de côté. J’en examine la base. Constate qu’elle repose sur des roulettes engagées dans des gorges de ciment. Je m’arc-boute pour pousser le récipient de fibrociment amadoué, et manque m’affaler, car la résistance est beaucoup plus faible que ma pression.

L’entrée est là.

Un escalier de fer comportant une dizaine de degrés me conduit à un sas de béton dans lequel prend une porte. Elle n’est pas fermée.

* * *

Lalère !

Ce que vous ne voyez pas à l’étalage, demandez-le à l’intérieur.

Pour tout te révéler ; c’est encore plus beau au sous-sol qu’au reste-chaussée.

Les tapis sont tellement onctueux qu’il est inutile de se déplacer en chaussettes pour amortir le bruit de ses pas. Des chefs-d’œuvre d’ivoire garnissent les vitrines du couloir principal, ainsi que des choses en or ciselé.

Un bruit de conversation m’induit vers une pièce sur la droite. La porte à deux battants en est ouverte (avec moi, cela représente trois battants). J’écoute avant d’inscrire ma personne dans l’encadrement. Dur, de refréner ma pugnacité. Mais plus prudent.

Voici la scène radiophonique dans son intégralité :

VOIX d’HOMME : J’ai l’impression qu’il (ou ils) tarde (nt) beaucoup ! J’ai envie d’aller aux nouvelles.

VOIX DE FEMME : Ne soyez pas inquiet pour Jan, rien de très facheux ne peut lui arriver.

V d’H : Quelle confiance !

V de F : Oui, mais quel homme !

V d’H : Amoureuse ?

V de F : Asservie, serait plus juste.

V d’H : Il a de la chance !

V de F : J’en ai également.

V d’H : Mes compliments. (Un temps.) Vous pensez repartir cette nuit ?

V de F : Le plus vite sera le mieux.

V d’H : Et mon pensionnaire ?

V de F : On va s’arranger pour l’emmener. L’affaire est maintenant trop brûlante pour qu’on puisse prolonger cet état de choses.

(Un temps assez long. Le commissaire San-Antonio s’apprête à intervenir, mais la voix d’homme reprend :)

V d’H : Vous conservez le neutraliseur ?

V de F : Et comment ! Il nous a coûté assez de maux. Vous savez que les Russes ont failli m’expédier à Moscou ! Imaginez alors ce qu’aurait été mon sort. (Rire de femme.) Le plus drôle, c’est qu’ils en ont fait venir un autre à Londres pour me faire dire où se trouvait le premier.

V d’H (curieuse) : Qu’éprouve-t-on ?

V de F : Rien, justement. À peine conserve-t-on la chose en mémoire.

V d’H : Aucune douleur ?

V de F : Pas la moindre. Peut-être un picotement aux yeux, comme lorsqu’on tombe de sommeil. D’ailleurs, vous avez vu fonctionner l’appareil sur votre copain, hein ?

V d’H : Stromberg n’a pas voulu que j’assiste à la séance. (Un temps.) Il n’a confiance en personne, on dirait.

V de F : (Ton amusé, révélateur d’admiration amoureuse.) Il est prudent jusqu’à la maniaquerie, ce qui ne l’empêche pas d’être téméraire au-delà du possible.

(Encore un long temps de silence. Bruit de liquide bu.)

V d’H : Écoutez, vous avez beau dire, moi je commence à trouver son absence alarmante. Ce flic français n’était peut-être pas aussi mal en point que ne l’affirmait la grosse Martha.

V de F : De toute façon, il n’est pas de taille à inquiéter sérieusement Jan ; cela dit, téléphonez à l’hôtel si bon vous semble.

V d’H : Je me méfie du téléphone, je préfère aller voir sur place.

(Bruit de pas.)

Quand le gusman sort de la pièce, je suis prêt à l’accueillir, le canon de mon feu bien assuré dans ma paume, la crosse présentée comme la tête de linotte contondante d’un marteau.

Sitôt qu’il surgit, je le frappe au milieu du front, sans prendre le temps de le saluer près à lavement[24]. Il morfle le coup de buis avec la sidérance d’un bovin et choit de lui comme un cache-pot d’une console à Asnam (ex-Orléansville).

C’est seulement lorsqu’il est croquevillé sur le sol que je l’examine. Il s’agit d’un gars d’une rantaine d’année, mince, chauve précocement, avec une couronne de cheveux blonds, plus une vingtaine soigneusement étalés sur le dessus de la pagode. Son regard chaviré est celui d’un hareng frappé par le saur quand il vient de sortir de saumure.

— Vous êtes tombé, Marcellin ? demande la voix de femme dont j’ai omis de te signaler qu’elle était imprégnée d’accent britannique, mais qu’est-ce que t’en as à foutre, Seigneur !

Je happe ma victime par son col de veste et la traîne dans la pièce, tout en conservant mon revolver en main.

Curieux salon, très bas de plafond, meublé seulement de canapés, d’un bar roulant et d’un électrophone. Arabella Stone, en robe de chambre, comme une pomme de terre dans son papier d’étain, est lovée sur des coussins, belle et paresseuse. Elle a tout à fait récupéré. Elle sursaute en m’apercevant, mettant un lapsus de temps à piger la situasse. L’homme inanimé, et qui n’a même plus d’âme pour captiver son âme et la forcer d’aimer, l’impressionne. Mon feu idem. Et surtout ma frite farouche : le sale air de l’happeur.

Elle récupère un brin de rien pour murmurer :

— Et Jan Stromberg ?

C’est pas de l’amour, ça ?

Louis XVI prenant des nouvelles de Samson !

Elle me voit sur mes patounes, moi que son jules est parti trucider, alors elle me demande comment il va, inquiète comme la femme de Terre-Neuvas qui ne voit pas débarquer son bonhomme de la Marie-Couch’touhala.

— Il fut ! lui dis-je.

Brève oraison funèbre, mais combien éloquente !

Elle fixe sur ma pomme un regard incrédule.

— Vous l’avez ?

— Rendu mort, oui, miss. Et comme il s’apprêtait à me faire le coup du père François, je n’éprouve pas le moindre remords.

Oh ! quelle erreur est la mienne de lui balancer la vérité toute crue ! En pareil cas, une femme amoureuse est capable de tout.

Tu vas en avoir la preuve séance tenante.

Hagarde, elle quitte son canapé en chancelant comme dans un dernier acte de Shakespeare. Je la regarde marcher dans ma direction, vaguement gêné je l’avoue. Veut-elle me sauter au visage, toutes griffes out ? Elle paraît trop abattue pour pouvoir nourrir de belliqueux desseins. Non : elle s’agenouille près de l’homme K.O. et, d’un geste infiniment lent, glisse la main sous le pan de son veston. Quoi ? Bon Dieu, je pige seulement ce qu’elle manigance : le feu du gonzier. Je me jette sur elle. Trop tard : elle a déjà cueilli l’arme. Je passe mon bras sous son menton.

— Lâchez ça, la môme, sinon les malheurs vont continuer de pleuvoir !

Une détonation me répond. Je sens une vache secousse par tout mon être admirable. Ai-je morflé ? Que non point : car c’est sur elle qu’elle a balancé le potage. Dans son pauvre cœur dévasté. Pour le finir. Ce cœur qui n’appartenait qu’à Jan Stromberg the killer. Ploff ! En plein dans la cible ! Bel exemple de HI FI, mes amis. Femme de gangster, certes, mais édifiante à force de fanatique attachement et… Non, ça suffit commak, si je tartine trop je serai trop long et mon nez diteur va faire la gueule.

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24

Expression qu’emploie Béru au lieu de préalablement.