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— Vous êtes prudent… À votre avis, pourquoi a-t-on détruit ce village ?

— Une expérience, une horrible et inhumaine expérience. On a voulu voir si le CX 3 était aussi meurtrier que prévu. Le prochain stade risque d’être une attaque massive contre notre pays.

— Mais, dites-moi, la côte du Pacifique est assez loin de Cuba. Pourquoi ceux qui vous ont volé ce CX 3 sont-ils allés si loin ? Il était plus simple de rester dans une des Caraïbes, ou même de l’autre côté du Mexique, dans le Yucatan.

— Je sais. C’est un point que nous n’avons pas éclairci. Mais nous avons une idée. D’abord, cette région du Mexique est plus près de la frontière des U.S.A.  ; ensuite, la seule piste que nous possédons aboutit justement dans cette région.

— Dites.

— Vous allez vous moquer de nous. Il y a dix ans, lorsque nous avons commencé nos recherches sur les armes bactériologiques, pour gagner du temps nous avons fait appel à un spécialiste : le professeur japonais Yoshico Tacata. Il avait dirigé, pendant toute la guerre, en Mandchourie, un laboratoire de ce genre, pour le compte de l’armée japonaise. Nous avons accepté de le soustraire aux Russes et à Tchang Kaï-Chek, qui voulaient le fusiller, et il a travaillé pour nous.

» Seulement, au bout de deux ans, nous nous sommes aperçus qu’il nous haïssait, nous, les Blancs, et qu’il refilait gratuitement tous nos renseignements à un réseau qui travaille à la fois pour les Japonais, pour la Chine communiste et pour Formose.

— Nous étions dans de sales draps, parce qu’il en savait beaucoup trop long pour qu’on puisse le relâcher dans la nature. Il ne nous restait qu’une solution, que nous avons trop tardé à appliquer.

— Le liquider physiquement, je suppose.

Le Général fit un signe affirmatif.

— J’avais du mal à m’y résoudre. Mais il a senti le vent et un beau matin il a disparu.

— Nous avons passé tout le pays au peigne fin et lancé nos meilleurs gens derrière lui. En vain. Comme il n’avait rien emporté de précieux – le CX 3 n’existait pas à ce moment – la C.I.A. a classé l’affaire.

— Puis, il y a un an, des informateurs mexicains nous ont appris que l’on croyait avoir retrouvé la trace de Tacata dans la région de Guadalajar, où il se cacherait chez des coreligionnaires. Ça n’a rien d’étonnant : toute la côte du Pacifique grouille de Japonais et de Chinois. À Tijuana, la ville frontière entre la Californie et le Mexique, il y a plus de putains chinoises que de mexicaines.

» Donc on a laissé tomber, car c’est une région sauvage, sans routes, sans téléphones, et les autorités mexicaines sont très chatouilleuses. Elles ont le complexe d’El Alamo. Ceux qui sont contre les « Gringos »[2] ont toujours les autorités pour eux.

— Seulement, voilà : le village en question se trouve au beau milieu de la région où se cacherait Tacata. Avouez que c’est une coïncidence !

— Pourquoi n’avez-vous pas envoyé quelqu’un aux nouvelles. On donne assez de dollars aux Mexicains pour qu’ils nous aident dans un cas pareil.

— On peut difficilement leur expliquer que, par notre imprudence, il y a, sur leur territoire, un fou qui détient l’arme la plus dangereuse du monde.

D’ailleurs nous avons fait ce qu’il fallait, j’ai envoyé moi-même notre correspondant de Mexico, un certain Serge Lentz, à ce village. C’est lui qui, par ses informateurs, avait découvert cette étrange épidémie.

— Et alors, il n’a rien trouvé ?

— Nous n’en savons rien. Il n’est jamais revenu.

— Mais alors qu’attendez-vous de moi ? Je ne suis ni biologiste, ni chimiste, ni médecin.

— Non, mais vous avez l’habitude des affaires délicates et dangereuses. C’en est une. Il faut coûte que coûte remettre la main sur ce flacon de CX 3, avant que ceux qui le détiennent ne s’en soient servis. Nous n’avons qu’une piste : Serge Lentz.

— Il a disparu…

— Nous ne savons pas comment il a eu cette information. C’est là que la piste démarre. Sa femme habite Mexico-City. Elle est peut-être au courant. Sinon, il faudra vous débrouiller seul. Retrouver ses informateurs…

— Charmant !… Et, bien entendu, je serais tout seul, pour cette agréable promenade touristico-médicale ?

— Pas tout à fait. Nous avons à Mexico un précieux auxiliaire. Il s’appelle Felipe Chano. Il est mi-américain et mi-mexicain et travaille à la Securitad. On peut compter sur lui et il connaît tout le monde. Nous l’avons prévenu. Il viendra vous chercher à l’aéroport. Il y a aussi Mme Lentz.

— Si je comprends bien, vous ne me demandez pas mon avis ?

Le Général fit comme s’il n’avait pas entendu :

— A propos, pour plus de sûreté, le professeur Alsop va vous immuniser contre le plus de germes possibles. Ce n’est pas une protection contre le CX 3, bien sûr, mais les autres peuvent avoir d’autres cordes à leur arc.

La conversation était terminée. Le Général serra la main de Malko, qui dut se résigner à suivre le professeur Alsop. Pour une fois, la C.I.A. n’avait même pas discuté le prix demandé par Malko : 50 000 dollars en cas de réussite. On ne convenait jamais d’un prix en cas d’échec. SAS n’avait pas d’enfants. Il avait même obtenu cette fois que l’argent lui soit versé directement en Autriche. Ainsi il ne paierait pas d’impôts dessus, et son entrepreneur autrichien pourrait se couvrir directement. Il y avait tous les parquets à refaire et la plomberie à installer. Des kilomètres de tuyaux… Mais, quand ce serait terminé, le château de Son Altesse Sérénissime le prince Malko Linge n’aurait rien à envier à Schœnbrunn. Ce sont des choses qui comptent, quand on a des traditions. Cette douce pensée calma Malko, quand une infirmière revêche lui enfonça dans le bras une aiguille grosse comme une pompe à bicyclette : le premier des cadeaux du professeur Alsop.

Chapitre IV

Malade comme un chien, Malko ne regarda même pas l’extraordinaire spectacle de l’île de Manhattan qui défilait au-dessous de lui comme un énorme jeu de constructions. Il avait l’impression d’être tout gonflé. Les piqûres du professeur Alsop avaient déclenché une crise d’urticaire géant. Le malheureux était couvert de plaques rouges qui le démangeaient. Plus une fièvre de cheval et un léger tremblement des mains. Evidemment, après cela, il pourrait se baigner dans le Gange sans aucun risque.

Mais il n’allait pas aux Indes. Normalement, son vol devait arriver à Mexico vers 10 heures du soir. Il avait une chambre réservée au Maria-Isabel, le meilleur hôtel de Mexico. Et le numéro de téléphone de Serge Lentz. Felipe Chano devait venir le chercher. Tout cela était bien maigre.

Pour se distraire, il prit la fiche qu’on lui avait remise sur Serge Lentz. Il n’y avait pas grand-chose :

« Serge Lentz, né à Leipzig, (Allemagne). Ingénieur en plastique. Installé aux U.S.A. depuis 1936. Emigré au Mexique en 1951. Admire beaucoup les Etats-Unis et a déjà collaboré avec la C.I.A. pendant la guerre, lors de la fondation de l’O. S. S. »

« Pas d’enfant. Marié pour la seconde fois au Mexique, en 1955. Peu de renseignements sur la femme, métis indienne. Jolie et beaucoup plus jeune que son mari. »

« Lentz mène une vie tranquille à Mexico où il s’occupe des ventes de la succursale d’une importante usine allemande de plastique. Voyage beaucoup à l’intérieur du Mexique. Besoins d’argent. A rempli avec conscience plusieurs missions pour le compte de la C.I.A., surtout du renseignement. Considéré comme un bon correspondant, sans plus. »

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2

Les blancs, en argot mexicain