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— Voici les cercueils, annonça celui-ci.

Il paraissait sans méfiance. En effet, les gens de la Pacific Interline Corporation devaient venir chercher les cercueils. Sur la demande de Malko, Richard Hood leur avait gentiment demandé de n’en rien faire. Dans l’intérêt supérieur du pays. Ils avaient simplement prêté leurs véhicules.

Ils étaient empilés les uns sur les autres. Les trois hommes n’arrivaient pas à croire que devant eux se trouvaient les hommes d’élite du 5e Tsou[13] qui se croyaient encore certains de leur impunité.

— Eh bien, au travail ! dit Chris Jones.

Malko et Brabeck s’avancèrent sans enthousiasme et saisirent un cercueil par les poignées d’argent. C’était affreusement lourd et ils disparurent en titubant sous le poids de leur macabre charge. Cinq minutes plus tard, ils étaient de retour, essoufflés et furieux.

Il fallut près d’une demi-heure pour effectuer le chargement. Le Chinois n’avait pas dit un mot. Impossible de savoir s’il y avait d’autres personnes dans le bâtiment. Enfin, Brabeck et Malko emmenèrent le dernier cercueil.

— Suivez-moi dans le bureau, demanda le Chinois à Jones.

« Donnez-vous la peine d’entrer, dit-il en s’effaçant devant Chris Jones.

Le bureau était décoré de photos de monuments funéraires, en noir et en couleur. Le Chinois ouvrit un tiroir et tendit à Chris une liasse de papiers :

— Voici les documents qui doivent accompagner les corps et permettre leur identification à Hong-Kong, dit-il. Transmettez-les au capitaine.

Il s’inclina, signifiant la fin de l’entretien. Chris sortit, ses papiers sous le bras.

Milton Brabeck et Malko attendaient, près de leur véhicule, en grillant une cigarette. Chris leur fit signe qu’ils partaient. Avec componction, ils remontèrent dans leurs véhicules et démarrèrent lentement. Le Chinois regardait le spectacle, sur le pas de la porte.

L’immense cimetière respirait le calme et la joie de vivre et de mourir sous le soleil de Californie. Le Grand Bouddha de pierre de l’entrée semblait veiller sur le dernier sommeil de ses hôtes.

Ils roulèrent dix minutes puis Chris doubla les deux corbillards et s’arrêta sur le bord du freeway. Sagement les deux Cadillac aux phares allumés s’arrêtèrent derrière la Ford. Malko et Brabeck en sortirent, et ôtèrent leurs casquettes.

— Alors, fit Brabeck, on va se louer un petit cimetière de campagne. Ils nous feront un prix, avec ce qu’on leur apporte…

Malko regarda sa montre : 1 h 10, donc 6 h 10 à Washington à cause du décalage horaire. L’amiral Mills était déjà à son bureau depuis plus d’une heure. Ou il était mort. Il fallait lui rendre compte du succès de la première partie de l’opération.

— Allons jusqu’à une station d’essence, proposa Malko. Je dois téléphoner.

Un peu plus loin, ils stoppèrent à une grande station Mobil. En quelques secondes, Malko eut sa communication en P.C.V.

Il fut peu loquace. Cet appareil-là ne codait pas.

— Tout marche bien, annonça-t-il dès qu’il entendit la voix de Mills. Nos amis sont avec nous.

— Parfait, dit l’amiral. Allez immédiatement à la base Edwards. Présentez-vous à l’entrée C. On vous attend. Bonne chance pour la suite.

Il raccrocha. La base Edwards jouxtait l’aéroport civil. Ils y furent en dix minutes. À l’entrée C, à côté de la guérite du factionnaire, il y avait un colonel de l’Air Force. Sans se présenter, il monta à côté de Malko.

— J’ai ordre de prendre votre cargaison en charge, dit-il. Mon C156 est prêt à décoller.

Ils roulèrent cinq bonnes minutes sur la base et arrivèrent à un énorme hangar métallique fermé. Tout autour, des sentinelles armées étaient placées tous les vingt mètres.

— Ordre de Washington, remarqua le colonel. Il paraît que votre cargaison est précieuse…

Malko l’espérait de tout son cœur.

Le colonel descendit de la Ford et se dirigea vers un lieutenant, responsable de la garde du hangar. Après s’être identifié, il obtint l’ouverture de la porte. Les trois véhicules s’engouffrèrent dans le hangar. À l’intérieur il n’y avait qu’un énorme quadrimoteur C156 aux couleurs de l’Army. Tout l’équipage était en combinaison blanche. Cela sentait la C.I.A. à plein nez.

Indifférents à l’étrange convoi, plusieurs hommes s’approchèrent pour aider au déchargement. Malko eut un scrupule. Et si le Chinois leur avait menti ? Il aurait bonne mine si l’amiral recevait de vrais cadavres !

— Ouvrez-en un, dit-il à Jones.

Le gorille sortit deux longs tournevis et se mit au travail avec Brabeck sous le regard indifférent des hommes en blanc. Drôles d’aviateurs, vraiment… En cinq minutes le couvercle fut ouvert.

Malko s’approcha au moment où les deux gorilles changeaient de couleur. Il se pencha.

Lili Hua, entièrement nue, le visage calme et les yeux fermés, était allongée, maintenue par des sangles. Visiblement elle avait été embaumée, car son visage avait des couleurs presque naturelles. Sa peau avait conservé une belle teinte dorée. On aurait pu croire qu’elle allait se réveiller.

Des larmes vinrent aux yeux de Malko. Il allongea la main et caressa les cheveux noirs. Il s’attendait presque à ce qu’elle ouvre les yeux.

Jamais il n’aurait cru qu’il éprouverait ce chagrin. Il demeura immobile, contemplant le cadavre nu et ravissant, ses yeux d’or obscurcis par la douleur.

Intrigué par son silence, le colonel s’approcha et jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Il eut un haut-le-corps et s’éloigna horrifié. Il ne comprenait pas en quoi des cadavres de femme nue pouvaient être précieux pour la C.I.A.

Il n’y avait plus rien à faire pour la pauvre Lili. D’un signe Malko demanda à Jones de refermer le cercueil.

— Ouvrez-en un autre, demanda-t-il.

Les gorilles revissèrent celui de Lili Hua et le replacèrent avec les autres. Puis ils en prirent un second et le posèrent par terre. De nouveau, ils s’attaquèrent au couvercle.

Jones et Brabeck le soulevèrent et le posèrent par terre. Le Chinois qui se trouvait à l’intérieur avait les bras croisés sur sa poitrine et les yeux fermés. Pour que le corps ne ballotte pas, il était attaché avec des courroies fixées au fond du cercueil et deux petits oreillers en caoutchouc mousse encadraient son visage. C’était un inconnu pour Malko.

Jones défit les courroies et hissa le corps hors de la boîte en bois.

— Vous croyez qu’il est vivant ? interrogea le gorille.

— Auscultez-le.

Le gorille écarta la robe safran et colla longuement son oreille contre la poitrine du « mort ». Il se redressa, perplexe.

— Ça bouge un peu. Il est pas mort…

La drogue du Chinois embaumeur faisait bien son effet. Tous les douaniers du monde auraient pu ouvrir les cercueils sans rien découvrir. Malko les examina et découvrit qu’une portion du couvercle avait été rabotée. Même quand toutes les vis étaient bloquées, l’intervalle laissait passer un filet d’air. En dépit de leur état cataleptique les Chinois avaient besoin de respirer.

— Bien, refermez-le, ordonna Malko.

Il aurait donné cher pour savoir si les jumelles étaient dans un des cercueils. Il allait le savoir très vite. Dès que le C156 se serait posé sur une des bases discrètes de la C.LA. et que les spécialistes auraient réceptionné les corps, l’amiral le ferait prévenir.

Ici, il fallait faire vite. Bien sûr, l’armée voulait bien donner un coup de main à la C.I.A. mais elle n’aimait pas être mêlée de trop près à ces histoires bizarres.

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13

Le 5e Tsou est le service « Action » de Lien-Lio-Pou communiste. Le 2e Tsou est le service action de Formose.