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L’uchronie n’a pas de sens moral. L’univers de Rêve de fer n’est ni pire, ni meilleur que le nôtre. Il est différent, voilà tout, et tel est le sens de la postface apocryphe. Tel était également le message de Philip K. Dick à la fin du Maître du Haut Château. Si deux des plus grands auteurs de science-fiction ont pris la peine d’écrire chacun un roman pour exprimer cette idée, il doit bien y avoir une raison.

Rêve de fer a été rédigé au début des années 1970, à une époque où le souvenir de la Deuxième Guerre mondiale et des camps d’extermination était encore assez présent pour que nul n’éprouve le besoin de rappeler le « devoir de mémoire ». Ce livre procède de la même logique que celle qui, quelques années plus tard, a poussé les punks à porter des insignes nazis – par dérision[3]. Un processus de démythification du nazisme avait alors commencé, avec une volonté de le réduire à néant, en le privant notamment de sa symbolique, soit en la détournant – tout comme les nazis ont détourné le svastika – soit en la pulvérisant par le biais de l’analyse psychanalytique. Les punks ont choisi la première voie, mais leur démarche, mal comprise, a débouché sur l’interdiction des emblèmes nazis – interdiction qui en a bien évidemment renforcé le sens et la valeur aux yeux des nostalgiques de la Shoah.

En choisissant de recourir à l’analyse dans le cadre d’une farce dont la noirceur n’est plus à démontrer, Norman Spinrad s’est prémuni contre toute réinterprétation abusive de son œuvre, contre toute récupération du Seigneur du Svastika par les « fans » de son « auteur ». Alors que le port d’insignes nazis était lourdement chargé d’ambiguïté, il n’y en a aucune dans Rêve de fer. La signification du livre est claire.

D’ailleurs, je ne vois pas comment un individu sain d’esprit pourrait lire Le Seigneur du Svastika au premier degré, et encore moins adhérer aux convictions nauséabondes de ses protagonistes. Non seulement le lecteur ne s’amuse pas et ne rigole pas, mais un sourd malaise ne tarde pas à s’emparer de lui à mesure que l’intrigue progresse et que les intentions de l’auteur supposé (Hitler) se font plus claires. Je n’ai jamais rencontré personne qui ait refermé ce livre avec une image positive du nazisme.

Dans mon cas, il aurait même agi comme un vaccin – ou du moins un rappel – à son encontre lorsque je l’ai lu, vers l’âge de quatorze ans. Par son interprétation psychanalytique exacerbée, il m’a permis de prendre conscience, peut-être pour la première fois, du terrifiant lavage de cerveau, de cette épouvantable implantation de mèmes de haine dont mon père, né en 1922 en Allemagne, a été victime pendant son adolescence.

Merci, Norman.

ROLAND C. WAGNER

Adolf Hitler

Le Seigneur du Svastika

Laissez-vous emporter par Adolf Hitler dans un lointain futur, sur une Terre où Feric Jaggar et son arme invincible, le Commandeur d’Acier, se dressent seuls face à la menace d’anéantissement que font peser sur les derniers humains purs les abominables Dominateurs et les hordes de mutants sans cervelle qu’ils contrôlent totalement.

Les amateurs de science-fiction du monde entier considèrent Le Seigneur du Svastika comme le plus percutant et le mieux réussi des romans de Hitler ; en 1954, un Hugo l’a consacré Meilleur Roman de SF de l’année. Longtemps épuisé, le voici à nouveau disponible dans cette nouvelle édition, augmentée d’une postface de Homer Whipple, de l’université de New York.

Lisez et vous comprendrez pourquoi cette œuvre de fiction brille aux yeux d’innombrables lecteurs tel un flambeau d’espérance en ces temps de ténèbres et de terreur.

À propos de l’auteur

Adolf hitler est né en Autriche le 20 avril 1889. Émigré de fraîche date en Allemagne, il servit dans l’armée allemande pendant la Grande Guerre. La paix venue, il fit une brève incursion dans les milieux radicaux munichois avant d’émigrer à New York en 1919. Il y mena de pair, apprenant entre-temps l’anglais, une existence précaire d’artiste de trottoir et de traducteur occasionnel à Greenwich Village, refuge de la bohème new-yorkaise. Après quelques années de cette vie sans contrainte, il commença à décrocher de petits travaux d’illustration dans des magazines et des revues de bandes dessinées. Sa première œuvre d’illustrateur dans les pages du magazine de science-fiction Amazing date de 1930. Dès 1932, des dessins parurent régulièrement dans les magazines de SF et, en 1935, il jugea son anglais suffisant pour faire ses débuts d’auteur. Le restant de sa vie fut consacré à la science-fiction, comme écrivain, illustrateur et éditeur de fanzines. Connu des amateurs d’aujourd’hui surtout pour ses nouvelles et ses romans, Hitler n’en fut pas moins un illustrateur réputé durant l’âge d’or des années trente ; il édita en outre nombre d’anthologies, écrivit de savoureuses critiques, et publia pendant près de dix ans un fanzine populaire, Storm. La Convention mondiale de Science-fiction lui décerna en 1955 un Hugo posthume pour Le Seigneur du Svastika, terminé juste avant sa mort, en 1953. Pendant de nombreuses années, il avait été une des figures de proue des Conventions, et sa réputation de conteur intarissable et spirituel avait fait le tour du petit monde de la SF. Depuis la parution du Seigneur du Svastika, les costumes chatoyants nés de son imagination sont les thèmes favoris des bals masqués. Hitler est mort en laissant à tous les passionnés de la science-fiction l’héritage de ses nouvelles et de ses romans.

I

Dans un grand gémissement de métal torturé et un chuintement de vapeur sous pression, le paquebus de Gormond fit halte sur le terre-plein crasseux de la gare de Pormi, avec à peine trois heures de retard, ce qui, selon les critères borgraviens, constituait une remarquable performance. Une théorie de créatures approximativement humanoïdes en descendit cahin-caha, exhibant tout ce que la Borgravie comptait de pigmentations, d’anatomies et de dégaines diverses. Des bribes de nourriture, témoins du pique-nique auquel ces mutants s’étaient livrés tout au long ou presque des douze heures du voyage, collaient à leurs vêtements, informes et élimés pour la plupart. Des remugles aigres montaient de la troupe disparate et jacassante, qui traversa à toutes jambes l’esplanade boueuse en direction du hangar de béton nu faisant office de hall d’arrivée.

De la cabine du vapeur émergea alors un personnage d’une noblesse inattendue et saisissante : un humain pur, grand et puissamment bâti, dans la fleur de sa virilité. Il avait les cheveux dorés, la peau claire, les yeux bleus et brillants. Sa musculature, son ossature et son port étaient la perfection même, et son élégante tunique bleue était impeccable.

Feric apparaissait, de la tête aux pieds, comme l’humain génétiquement pur qu’il était en fait. Cela, et cela seul, lui rendait supportable son interminable exil dans la promiscuité de la racaille borgravienne : les quasi humains étaient obligés de reconnaître sa pureté génétique. La vue de Feric remettait mutants et métis à leur place et, en général, ils s’y tenaient.

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3

Le mouvement punk, qui se caractérisait par une absence d’idéologie, à l’exception du fameux « Nu Future ! », de même que les Redskins, de gauche comme leur nom l’indique, ne doivent pas être confondus avec les skinheads racistes et fascistes mis en avant par les médias.