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— Te fatigue pas : elle a mis les bouts dans le courant de la soirée, en sortant du réfectoire. Quelqu'un est venu la chercher, je me rappelle plus très bien, mais je sais qu'elle s'est taillée, et crois-moi, elle n'y retournera plus…

— Que penses-tu des Chinois qui dirigent cette boîte ?

— Rien, c'est des tordus qui affurent le blé des utopistes et les font marner ; des requins en provenance du Pacifique, quoi. Mais je ne pense pas qu'ils trempent dans ta béchamelle à toi.

— Pourquoi ?

Elle hausse les épaules :

— J'sus incapable de t'expliquer : je les sens pas mouillés dans cette affaire.

Curieux ce qu'elle déclare, ma mignonne collaboratrice, car moi non plus je n'ai pas le sentiment que les Chinetoques soient dans le cirque sanglant où je joue pour l'instant les Monsieur Loyal, Pinaud les clowns blancs et Bérurier les gugus.

Néanmoins j'objecte :

— Pourtant, les quatre évadés de Nîmes sont ailes s y réfugier, non ?

Elle soupire :

— Qui te le prouve ? Tu tiens ça d'un prisonnier. Penses-tu que les quatre brigands allaient lui révéler leur planque ? Et même, peut-être leur avait-on bourré la caisse, à eux. Tu sais ce que je crois, Tonio ?

— Non, ma puce…

Elle ricane :

— Ah, tiens, tu renouvelles ta ménagerie : me v'là changé de poule en puce. Bon, ce que je flaire, c'est que pour une raison « X », des gens ont essayé de faire porter le bitos aux New Sun Brothers. Le coup du souterrain avec le vieux Pinuche dedans, c'est pour les confondre. Et l'explosion, tout ça…

— Et la môme à la sucette ?

— Elle assurait le topo de l'intérieur. Fallait bien un complice depuis dedans, non ?

— Possible…

On reste un moment silencieux, à regarder un clébard qui passe en ayant l'air de savoir où il va, et même pourquoi il y va. Il a dû aller limer dans les faubourgs, ce salingue. Et maintenant, fourbu, il rentre à la niniche pour se refaire une santé.

— Dans l'immédiat, fais-je, nous n'avons qu'un seul élément positif : M. Robert et sa panthère. Ces gens habitent le quartier, fatalement, puisque lui a connu le père Moïse à la brasserie Verdevase et que la dame fréquentait la pharmacie de ce pauvre Gracieux Moulalard.

— En effet, approuve Marie-Marie, mais ce qui me surprend, Tonio, au plan professionnel, c'est que t'aies pas interrogé mieux le père Gracieux à propos de cette bonne femme.

— Je sais, mais il était l'heure de notre communication, ma jolie, et quand une voix d'homme a prétendu que tu t'étais brûlé les ailes, je n'ai eu plus qu'une idée : foncer au monastère des Sun !

— C'est donc que tu m'aimes, Tonio ?

— Ben' évidemment que je t'aime. Mais il n'y a pas besoin d'aimer quelqu'un en danger pour lui porter secours.

Elle rouscaille :

— Évidemment : tout ce qui pourrait me faire du bien à croire, tu t'hâtes de le démolir…

Et puis elle réagit sec :

— Comment t'espères les retrouver en quatrième vitesse, les Robert ?

— Faut voir.

— Moi, j'ai trouvé.

— Pas possible !

— T'estimes qu'y s'habitent le quartier, n'est-ce pas ?

— Ça paraît probable.

— Et ils roulent en Mercédès ?

— Tu sais, des Mercédès, y'en a des fagots et des fagots.

— Va à l'Agence Mercédès du coin, il est p'têtre client, ton Robert. A notre époque, les bagnoles, c'est sacré : on les soigne.

Alors là, oui, là, je l'embrasse.

Y'a que le gardien de noye, mais comme les clilles lui ont foutu la paix cette nuit, il est frais et vibrant comme un paf neuf. Un peu bossu sur les bords, la tête coiffée de cheveux blancs, ainsi que l'écrivait une dame du Fémina, jadis, le nez en forme de tubercule primé, la vinasse à fleur de paupière, ce cher monsieur achève de se secouer zézette contre des pneus usagés entreposés dans la cour et qu'il vient de compisser.

Je l'aborde d'un joyeux : « Après vous, s'il en reste », qui le met de bonne humeur et il s'enfourne Coquette à l'intérieur d'un vieux calbar dont un putois frileux ne voudrait pas comme tanière.

Je lui invente n'importe quoi, n'importe comment, j'enveloppe le tout dans un billet de cinquante francs, et il accepte le lot sans frémir ; d'autant que cette friponne de Marie-Marie l'enjôle de sourires qui doivent lui râper la prostate.

Ma description de M. Robert est parfaite (bien que j'ignore ce personnage) de même que celle de sa dame orgueilleuse, puisque le pisseur de nuit s'écrie :

— Oh, sûr, c'est M. Nébrasko ! En effet, sa dame a eu un accident avec sa petite triomphe, y'a quelque temps ; même que la voiture est encore au fond du garage.

Une intense jubilation me met les doigts en paquet de nœuds. Je gambade à côté de mes pataugas pour frivoliser à ma guise sur la pelouse des triomphes. La musaraigne me file un léger coup de tatane sur la rotule. Elle n'est pas peu fière de son succès.

— Et vous savez où il crèche, ce M. Nébrasko ?

— Non.

— Vous avez accès au bureau ? demandé-je en montrant une porte vitrée sur laquelle ce mot a été pocheté.

— Oui, mais je n'y fourre jamais les pieds.

Un nouveau billet de la banque de France passe en un vol gracieux de mouette de ma fouille à la sienne.

— Dans des classeurs, se trouvent des dossiers, dis-je. Vous allez chercher ceux marqués « factures ». Ils sont répertoriés de À à Z. Prenez celui qui contient la lettre « N ». Vous passez les Na, les Nb, les Nc, les Nd et vous ralentissez aux Ne. Les travaux effectués sur les bagnoles de M. Nébrasko lui sont facturés et le double des factures, comme dans toutes les grandes maisons qui se respectent, sont conservés. L'adresse de Nébrasko se trouve sur ces documents. Vous me la recopiez sur un morceau de papier et moi je vous remets un troisième morceau de papier en échange, ce qui vous permettra de jouer tout le champ de course dans le tiercé de dimanche.

Là, le bonhomme se gratte le bol.

Il pleut des choses sur ses épaules, sa poitrine, le sol…

— Écoutez, fait-il, bon, causer, bon c't'entendu, ça, je vois pas de mal à ça ; mais aller farfouiller au bureau c'est une autre paire de manches…

— Je comprends que vous avez pas l'habitude, s'écrie Marie-Marie, aussi j'vais vous aider.

Elle lui biche une aile et l'entraîne.

Pendant quelques mètres il semble ne marcher qu'avec un pied, ce brave bougre. Et puis la coquine lui babille des choses et le voici qui avance avec ses deux jambes en direction du bureau…

* * *

« C'est trop tard…

« C'est trop tard…

Ainsi que tinte l'ambulance. Sa sirène c'est la musique des paroles ci-dessus. Elle débouche, en trombe (d'Eustache) du bout de l'avenue. Dans les premiers feux de l'aube, elle est d'une blancheur particulièrement clinique, cette D.S. transformée comme un essai transformé par Albaladéjo[11].

Et voici qu'en parvenant à notre hauteur, elle freine à bloc. La porte du conduc s'ouvre et Mister Béru, de l'Académie Française, en jaillit.

— Ça alors ! L'hasard est un plat qui s'mange qu'à froid, c'est l'cas d'y dire ! esclame-t-il.

Beurré sec, le mahousse. Il en titube.

Avant que j'aie eu le temps de dire ouf (mais pourquoi dire ouf à cinq heures du matin dans une avenue niçoise ?) un pète-sec a jailli à son tour de l'ambulance.

— Bérurier, fait-il, remontez immédiatement en voiture, vous n'avez pas le droit de…

Bourré mais précis, le Gravos. La pêche qu'il téléphone au pète-sec possède toutes les qualités pour transformer celui qui la cultive en champion du monde des lourds. Le pète-sec est soulevé du sol et s'écroule sur le capot de la guindé. Béru l'y recueille et va le fourrer dans l'ambulance :

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11

Si tu t'embrouilles dans mes phrases, fais-les traduire en anglais, ces cons.