Выбрать главу

Ces filles du Nord, leur principale qualité, c’est de ne pas être bégueules. Elles ont la baise spontanée, sans chichis prélavables (Béru). Tu les chopes dans tes brandillons que déjà, en te suçant la menteuse, elles ôtent leur slip. La vie bien comprise. Elles se laissent embroquer aussi simplement qu’elles t’offrent l’apéritif.

Dommage que les horaires de Finair nous tarabustent les glandes. Ce qu’on aimerait s’épanouir du calbute, pas bâcler, mais se laisser glisser sur l’air du Beau Danube Bleu. Emballer mollo, perpétrer dans le suave.

Là, je suis obligé de lui prodiguer un digest. Des morceaux choisis (bien choisis) : la broutoche enchantée ; les trois fingers qui se rejoignent, kif les trois suisses pour former l’Helvétie ; la languette mutine ; la visite au cyclope ; le bénitier de Satan. Dans les grandes lignes et sans avoir à payer de taxe de séjour. Rapido, comme dirait mon Antoine de Caunes. Moi, j’aime quand on forcène[3]. Cris et suçotements !

En fille intelligente, elle a compris qu’on jouait la montre et qu’il eût été ridicule de maniérer. Pas le temps des gnagnas, des gouzigouzis, des « plus lentement, darlinge ». En force, en trombe, en trompe ! Tout vêtus, ça corse. Troussée ! La merveille ! C’est ça qui donne du sel à la promptitude. Ce côté soudard (s’écrit également : sous Dard). Y a une connotation de viol.

Ce qu’on est dégueulasses, nous autres gens. Pouah ! Je comprends que ça dégoûte ceux qui ne peuvent plus forniquer. Dans la mémoire, ne subsiste que le poisseux de la chose ; le merveilleux, c’est au présent seulement. Rien qu’au présent ! C’est pourquoi il ne faut jamais le négliger, jamais lui passer outre en l’utilisant à faire des projets ou à évoquer des souvenirs. Il est comme l’eau ou le sang : il coule et c’est cela sa seule justification.

Bon, je lui exécute donc un tirage de luxe sur vergé impérial et un autre sur papier couché. Elle apprécie, gambade à l’équerre, ce qui est très plaisant.

La jolie pâmade de printemps ! Intense mais discrète. Pas le genre de vachasse qui brait, brame ou beugle. Non, non : le Pont des Soupirs. Point c’est tout, à la ligne. La jolie plainte finale mélodieuse. Freins pneumatiques. Tchaouffff ! Terminé.

Ensuite, toujours troussée, la course du petit cul vers des faïences salutaires. Le chevauchage attendrissant. Les plus nobles dames, j’ai remarqué, ne montent jamais un bidet en amazone. Statue équestre de Jeanne d’Arc, toujours ! Le bain de siège d’Orléans !

Galamment, je vais lui tendre sa petite culotte qui honorait la moquette de sa présence, non sans y avoir déposé un baiser chaleureux, ce qui l’émeut. Elle y voit une preuve de cette galanterie française dont la perdurance béquillante devient l’affaire des nostalgiques.

Elle la passe, me privant de son triangle d’or qui n’a pas fini de chanter dans ma rétine.

Elle contemple mon studio avant de le quitter.

— C’est merveilleux, murmure Karola. Ah ! la France ! Je reviendrai.

Nous descendons. L’heure commande. Il s’agit de se remuer. Si nous sommes trop à la bourre, je mettrai mon gyrophare sur le hard-top de ma tire, mais un drauper en 500 SL, ça risque de faire bizarre.

A l’instant où j’ouvre la portière à ma compagne, je biche un éclair dans la rétine. Là, pas de doute : on vient de me flasher. Je cherche et vois apparaître une Renault 25 du côté de la place Charles-de-Gaulle (la troisième étoile du Grand, décernée post mortem).

Tu me verrais bomber sauvage à travers la circulance. En moins de jouge, j’ai rattrapé la guinde en question. Deux hommes à bord. Un blond qui conduit et un grand pas tubulaire (Béru) à son côté. Karola qui a tout pigé, me dit à propos de ce dernier :

— C’est le Russe qui est venu m’interroger à l’hôtel.

Mon instinct est tel que je le pensais déjà. Le conducteur a compris que c’est à lui que j’en ai. Il cherche à me semer en serrant l’Arc de Triomphe de manière à me laisser centrifuger vers les avenues.

Mais ma pomme, quand il s’agit de manœuvrer dans Paname, y a pas un chauffeur de bahut qui pourrait me faire la pige. Le mec comprend vite qu’il comporte comme un con car, en quatre queues-de-poisson à des perclus de l’accélérateur, je le coince contre le rond-point de l’Arc.

Je descends en voltige, ouvre la portière du photographe, lequel a encore son Nikkon sur ses genoux.

— Qu’est-ce que c’est ? il fait avec une méchante voix. Que nous voulez-vous ?

En guise de réponse, je biche délicatement son appareil et l’ouvre. Puis je fourre son bifton de cent points dans la poche supérieure de son veston, en guise de pochette.

— Vous achèterez une autre pellicule, fais-je. Concernant ma photo, les droits sont réservés.

Je réintègre mon bolide et m’arrache au flot malaxeur.

— Vous êtes un homme tout à fait exceptionnel ! déclare calmement Karola.

— Vu de Finlande, je produis un certain effet, mais dans Paris, je me perds dans la masse ! réponds-je modestement.

DEUXIÈME PARTIE

LE CHANT DU DÉPART

ARGUMENTS DE CHOC

Le plus duraille ç’a été de convaincre Berthe. Elle a opposé un non aussi catégorique qu’un niet à ma demande, pourtant plaisamment présentée.

— Antoine, vous vous foutez-t-il de ma gueule ? Moi, au cap Nord ! Sujette comme je suis aux engelures ! Moi qu’aime que la chaleur dont au point qu’ je me fais rôtir nue au soleil ! N’autre part, Alfred m’invite à une croisière en Méditerranée ; il a déjà retenu les billets, vous voiliez bien que c’est impossible qu’ j’vous accompagnasse. Mais qu’est-ce c’est, cette lubie, Antoine ? Un caprice ?

Alors là, j’ai déjà pigé qu’il va me falloir sortir le grand jeu, abattre des cartes maîtresses, foisonner de l’atout.

Baissant la voix pour en forcer la nostalgie, je susurre :

— Pas exactement un caprice, Berthe, disons un rêve.

J’ai dû doser impec la trémolance car elle reste figée, la bouche ouverte sur une langue mousseuse, des molaires mal plombées et un bridge en acier véritable qui voudrait passer pour de l’or blanc. Son regard gros comme des boules de pétanque ruisselle d’incertitude et d’une curiosité salingue.

— Qu’entendez-vous-t-il par là, Antoine ? Et ma pomme, pas rechigneur de l’argument choc, de m’entendre dire :

— Partir avec vous, c’est un rêve fou…

Je m’aperçois à temps que je lui récite une chanson du grand Trenet et je corrige la trajectoire :

— Ah ! rouler, rouler en votre compagnie jusqu’au bout de la Terre (et le cap Nord est un des bouts de la Terre). Vivre une vie de nomades de luxe en vous écoutant chanter. Si, si, si, ne vous récriez pas, Berthe, vous possédez une voix magnifique qui s’accommode de toutes les tessitures. Je me rappelle vous avoir entendue chanter La Peau de Couille, au baptême d’Apollon-Jules, j’étais sous le charme…

— Vous lisez ça pour d’vrai, Antoine ?

— Ma voix a des accents qui garantissent la sincérité des mots qu’elle profère ! Vous n’êtes pas sans avoir remarqué le trouble que je ressens en votre présence, mon bel ange !

вернуться

3

Du verbe « forcener », 1er groupe. Se conjugue comme empaffer.