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M'emparant du calibre gonflant son blouson, je pars à la recherche de ses éventuels complices.

Décemment armé, courbé en deux, j'évolue dans les zones les plus sombres en direction du parking.

Fectivement, une tire se trouve à proximité de l'entrée. Malgré ses phares éteints, on la repère dans la nuit par un point lumineux qui clignote au-dessus du miroir réflecteur.

Je me rends rapidement compte qu'un gazier occupe la place passager. Il a baissé sa vitre et passé le coude à l'extérieur. De toute évidence, il attend le retour de son pote.

Ces fumiers retors finissent par me flanquer la nausée, je voudrais pouvoir les exterminer au moyen d'un insecticide puissant.

Décrivant une courbe qui me positionne à l'arrière de la guinde, je repte vers l'avant droit. La nuit est douce, le ciel étoilé ; le grondement de la circulation proche couvre le grésillement électrique des cigales.

Parvenu à hauteur de la portière contre laquelle se tient le vilain, je biche la poignée et déponne brusquement. L'occupant, pris à la fois à l'improviste et au dépourvu, bascule sur le sol où l'attend l'ami Sana. Coup de crosse impérial en pleine gueule. J'entends se disloquer sa margoule. Loin de vérifier les dégâts, je le rebelote sauvagement.

Faut dire que j'en ai un plein conteneur à son service. Ma rage est éperdue, mon ressentiment sans limites. Je te l'emplâtre derechef ! Et encore ! Et tiens ! Et pif ! Tout ça à la crosse de Colt.

Au début il a grogné.

Ensuite, geint !

Maintenant, c'est le silence des grandes étendues désertiques, chez le mec. Mon bras douloureux de ce tabassage retombe. Je m'assois auprès de ma victime, haletant, la tête bourrée de lueurs incarnates.

Combien de temps passé-je là à me récupérer ? Impossible de le préciser.

A la fin, je m'agenouille et pose ma paluche valide sur son poitrail. Ça cogne ! Pas suivant les normes édictées par les cardiologues, mais il se passe ce petit quelque chose qui s'appelle la vie.

Une fois en position verticale, je m'assieds dans la caisse. Ce qui m'intrigue, c'est la putain de loupiote jaune palpitant dans le schwartz. Elle est spasmodique comme un signal.

Cela me rappelle l'émetteur de la Chrysler. Décidément, ces gais lurons raffolent de l'électronique.

Presto, je rallie ma case d'où s'échappent des plaintes. Le Gros serait-il en train de faire un mauvais parti à la môme Elnora ?

Non ! Il l'enfile, tout simplement, du temps qu'elle avait la chatte béante. La gonzesse à maille à partir avec son guizeau monumental. Les lents coups de boutoir de Sa Majesté lui démantèlent le pot scientifiquement.

Je n'aime pas jouer les trouble-fesses, aussi je me livre à une besogne passionnante consistant à explorer avec minutie les harnais et le bagage de la petite dévergondée. M'y reprends à deux, puis à trois fois, convaincu de l'infaillibilité de mon instinct.

La femme au gros moignon pousse des gémissements comme la Grande Armée traversant la Berezina. Le Maître Étalon l'adjure de persévérer, l'assurant qu'une apothéose sensorielle digne d'une impératrice l'attend, tout de suite après le percement du Saint-Bernard. Ce sera si tant tellement fabuleux qu'elle aura même plus besoin de pommade cicatrisable.

Pendant ces doux propos, je continue mes recherches avec obstination. La « chose » se trouve dans un talon de sa chaussure. Cela possède la forme et la dimension d'une boîte de cachous.

Un émetteur psalmodieur à interactivité sulpicienne ! Et moi, connard vertébré, je me gaffais de rien ! La gonzesse avait sur elle le moyen infaillible d'être suivie à la trace.

Muni de l'appareil, je retourne au parkinge. Avisant un gros camion immatriculé au Mexique, je plaque l'engin à l'intérieur d'un de ses puissants pare-chocs. « Les autres » pourront le courser à travers les States : les voyages forment la jeunesse.

Mon esquinté est toujours naze auprès de sa portière. Son pote itou, devant notre fenêtre.

Une grande fatigue, jointe à mes blessures, commence à me terrasser. Sais-tu que mes cannes trembillent, m'obligeant à m'adosser au mur de la construction ?

C'est l'instant où Elnora chope enfin ce pied tant promis par son partenaire, à grandes gueulées triomphales.

— Mouiiii ! hurle de son côté le Gros ! Vas-y toute, salope ! J't'rejointe. Houvahou ! qu'c'est good ! L'bon Dieu peuve êt' content d'nous !

30

La suite ?

J'ai remis nos deux victimes dans leur chignole, aidé du Négus qui se mieux portait. Il a même pu piloter leur caisse jusqu'à un bosquet de palétuviers roses, à une dizaine de kilbus. Je l'ai suivi au volant de notre immense Lincoln pour pouvoir le rapatrier après l'abandon des deux truands.

Au motel, tout dormait, y compris les amants de St-Jean, gavés de jouissance. Elnora tenait la grosse poutoune du Saint-Locducien contre sa joue. On eût dit une jeune accouchée pressant le fruit de ses entrailles en un geste d'infinie possession. C'était beau comme une Pietà du Titien. Au point que les larmes m'en vinrent aux cils inférieurs.

Nous les laissâmes roupiller quelques heures. Le membre surmené de Bérurier ressemblait à une aubergine primée dans un comice, et la craquette de miss Stuppen au cou d'un dindon faisant la roue, tant il est vrai que les instruments de l'amour le plus céleste s'apparentent à la basse triperie.

* * *

Et nous avons repris la route, nous relayant de manière à opérer un minimum d'arrêts. Nous bouffions et dormions dans le carrosse. Béru et sa conquête y forniquaient sauvagement malgré leurs sexes endolorés par l'excès. Un véritable rallye !

Puis ça a été le cher Canada, plus français que la France désormais. Terre promise pour nous autres, gens en semi-cavale.

Là-bas, il s'est passé l'impensable (d'Olonne) : la môme Elnora a refusé catégoriquement de nous quitter, déclarant qu'elle allait consacrer son existence à Béru et à sa rapière spadassine. Certaines donzelles sont brusquement touchées par la foi, Elnora c'était par le chibre du Gravos. Elle entendait le monter à cru des années durant, s'en gaver jusqu'à ce que sa foufoune, naguère lesbienne, devienne le hangar de la fusée Ariane (à Naxos)[14].

Dans un sens, sa démarche était admirable. Ça rejoignait les grandes mystiques : Sœur Thérèse, Sainte Blandine et consort-consœurs.

Naturellement, je lui ai tiré les vers du nose un max. Las, elle en savait moins que je l'espérais. Même le véritable blase du grand vieux fumeur de Coronas, elle l'ignorait. Dans son entourage on l'appelait mister Blood. Il tenait entre ses doigts jaunis par la nicotine le monde de la pègre. Cela étant, personne ne connaissait ses magouilles, ni sa vie privée.

En cheville avec le père David depuis des années, il avait décidé, un beau matin, de l'éliminer propre en ordre afin de mettre les griffes sur ses affaires. Il s'était d'abord annexé Hamouel aux dents longues, puis avait préparé la chute de l'Empire Grey, effaçant tour à tour la fille et le marchand de blé.

Concernant la mère Dolores, miss Stuppen n'avait aucune idée de ce que Blood comptait en faire ; l'accident avait sûrement devancé ses projets.

Elle était au courant de l'assassinat de Pamela, mais n'avait jamais entendu parler de ses exécuteurs ; pas plus que du mystérieux boîtier d'or d'où s'échappaient parfois des voix étranges venues d'ailleurs.

Par contre, elle était convaincue que Sancha Panço, le régisseur, avait été praliné par Hamouel. Pour quelle raison ? Probablement qu'il savait des choses requérant son mutisme définitif ?

* * *

Je préfère te dire, lecteur exquis, chéri de son petit auteur, que les zones obscures seront éclairées au néon dans la continuation de cette œuvre puissante qui s'intitulera : Lâche-le, il tiendra tout seul !

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14

Calembour à l'usage des amateurs d'Opéra.