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Ce mot mit le feu à la France. Des gens qui vivraient tranquilles et soumis sous l’autorité du dey d’Alger, deviendront furieux au mot le plus indirect qui menacera leur propriété.

Chapitre LXXXIV

Napoléon à l’île d’Elbe

Il est temps de revenir à l’île d’Elbe. Napoléon ayant lu dans un journal, — en se faisant la barbe, le discours du ministre Ferrand, fit appeler le général Bertrand et lui dit: …

Chapitre LXXXV

Retour de l’île d’Elbe

Le baron Jermanowski, colonel des lanciers de la garde, fit le récit suivant à son respectable ami, le général Kosciusko[207]. C’était la bravoure parlant en présence de l’héroïsme.

Le colonel commença par dire qu’il commandait à Porto Longone, où il avait, outre ses lanciers, une garnison de trois cents fantassins. Six jours avant le départ, l’empereur le fit demander pour savoir le nombre de bâtiments qui se trouvaient dans son port. Il reçut l’ordre de les noliser, de les approvisionner et d’empêcher la sortie de la moindre barque. Le jour avant l’embarquement, il reçut ordre de payer trois mille francs pour une route que Napoléon faisait ouvrir. Il avait presque oublié l’embargo quand, le 26 février, pendant qu’il travaillait à son petit jardin, un aide de camp de l’empereur lui apporta l’ordre d’embarquer tous ses hommes à six heures du soir et de rejoindre la flottille devant Porto Ferraio, cette même nuit, à une heure indiquée. Il était si tard que le colonel ne put pas finir l’embarquement de ses hommes avant 7 heures et demie. On partit aussitôt. Il arriva avec sa petite flotte au brick impérial l’Inconstant qui était sous voiles. En montant pur le pont, il trouva l’empereur qui l’accueillit par les questions: «Comment cela va-t-il? Où est votre monde?»

Le colonel Jermanowski apprit de ses camarades que la garnison de Porto Ferraio n’avait reçu l’ordre de s’embarquer que le même jour à une heure, qu’ils n’avaient été à bord qu’à quatre heures, que l’empereur avec les généraux Bertrand, Drouot et son état-major était arrivé à huit, qu’alors un seul coup de canon avait donné le signal et qu’on avait mis à la voile. La flottille était composée de l’Inconstant de vingt-six canons, de l’Étoile et de la Caroline, bombardes, et de quatre felouques. Il y avait sur l’Inconstant quatre cents hommes de la vieille garde. Personne ne savait où l’on allait. Les vieux grenadiers, en quittant le rivage pour monter à bord, avaient crié: «Paris ou la mort.»

Le vent qui était au sud et d’abord assez vif, tomba bientôt au calme plat. Lorsque le jour parut, on n’avait fait que six lieues et la flottille se trouvait entre les îles d’Elbe et de Capraia, en vue des croiseurs anglais et français. La nuit cependant n’avait pas été entièrement perdue, les soldats et l’équipage avaient été employés à changer la couleur extérieure du brick. Il était jaune et gris; on le peignit en noir et blanc. C’était un faible moyen d’échapper aux gens intéressés à observer l’île d’Elbe.

Il fut question de retourner à Porto Ferraio; mais Napoléon ordonna de continuer à marcher, se déterminant, en cas de nécessité, à attaquer les croiseurs français. Il y avait dans les eaux de l’île d’Elbe deux frégates et un brick; à la vérité on les croyait plus disposés à venir se joindre à la flotte impériale qu’à la combattre; mais un officier royaliste un peu ferme pouvait faire tirer le premier coup de canon, et entraîner son équipage. À midi, le vent fraîchit; à quatre heures, la flottille se trouvait vis-à-vis de Livourne. On eut la vue de trois vaisseaux de guerre, et l’un d’eux, un brick, faisait voile sur l’Inconstant. Les sabords furent fermés. Les soldats de la garde quittèrent leurs bonnets et se couchèrent sur le pont. L’empereur avait le projet de monter à l’abordage du brick, mais c’était une dernière ressource dans le cas seulement où le vaisseau royal ne voudrait pas laisser passer l’Inconstant sans le visiter. Le Zéphir (ainsi s’appelait le brick au pavillon blanc), arrivait à pleines voiles sur l’Inconstant ; les deux vaisseaux passèrent bord à bord. Le capitaine Andrieux[208] étant hélé par le lieutenant Taillade, de l’Inconstant, qui était de ses amis, se contenta de demander où allait l’Inconstant. — «À Gênes,» répondit Taillade, et il ajouta qu’il se chargerait avec plaisir de ses commissions s’il en avait. Andrieux répondit que non, et en partant cria: «Comment se porte l’empereur?» Napoléon lui-même répondit: «parfaitement bien», et les bâtiments se séparèrent.

Le vent augmenta pendant la nuit du 27, et le 28 février[209], à la pointe du jour, on aperçut les côtes de Provence. On avait en vue un vaisseau de 74, faisant voile apparemment pour la Sardaigne[210]. Le colonel Jermanowski dit que, jusqu’à ce moment, on croyait généralement sur la flottille qu’on allait à Naples. Beaucoup de questions furent faites par les soldats aux officiers, et même par les officiers à l’empereur qui ne répondait pas. À la fin, il dit en souriant: «Eh bien, c’est la France!» À ce mot tout le monde l’entoura pour savoir ses ordres. La première mesure qu’il prit fut d’ordonner à deux ou trois commissaires de sa petite armée de préparer leurs plumes et leur papier. Ils écrivirent sous sa dictée les proclamations à l’armée et aux Français. Quand elles furent écrites, on les lut tout haut. Napoléon fit plusieurs corrections. Il se les fit relire de nouveau et les corrigea encore; enfin après dix révisions au moins, il dit: «Cela va bien, faites-en des copies.» À cette parole, tous les soldats et les matelots qui savaient écrire se couchèrent sur le pont. On leur distribua du papier, et ils eurent bientôt fait un nombre de proclamations suffisant pour qu’elles pussent être publiées au moment du débarquement. On s’occupa ensuite de faire des cocardes tricolores. On n’eut qu’à couper le bord extérieur de la cocarde de l’île d’Elbe. D’abord, à l’arrivée dans l’île, la cocarde de l’empereur avait été encore plus semblable à la française. Il la changea dans la suite, pour ne pas éveiller le soupçon. Durant ces divers arrangements, et en général, pendant toute la dernière partie du voyage, les officiers, les soldats et les marins entouraient Napoléon qui dormait peu et se tenait presque toujours sur le pont. Couchés, assis, debout, ou errant familièrement autour de lui, ils avaient besoin de lui parler. Ils lui faisaient des questions continuelles auxquelles il répondait sans le plus petit signe d’impatience, quoique plusieurs ne fussent pas peu indiscrètes. Ils voulaient savoir son opinion sur plusieurs grands personnages vivants, sur des rois, des maréchaux, des ministres d’autrefois. Ils entreprenaient de discuter avec lui des passages connus[211] de ses propres campagnes, et même de sa politique intérieure. Il savait satisfaire ou élucider leur curiosité et souvent entrait dans de grands détails sur sa propre conduite et sur celle de ses ennemis. Soit qu’il examinât les titres de gloire de ses contemporains, soit qu’il rappelât les faits militaires des temps anciens et modernes, toutes ses réponses étaient d’un ton d’aisance[212], de noble familiarité et de franchise qui ravissait les soldats. «Chaque mot, disait le colonel Jermanowski, nous semblait digne d’être conservé pour la postérité.» L’empereur parlait sans détour de son entreprise actuelle, des difficultés qu’elle présentait et de ses espérances. «Dans les cas comme celui-ci, il faut penser lentement, mais agir avec célérité. J’ai longtemps pesé cette idée, je l’ai considérée avec toute l’attention dont je suis capable. Je n’ai pas besoin de vous parler de la gloire immortelle et des avantages que nous acquerrons si le succès couronne notre entreprise. Si nous échouons, ce n’est pas à des militaires qui, depuis leur enfance, ont bravé la mort sous tant de formes et dans tant de climats, que je chercherai à déguiser le sort qui nous attend. Nous le connaissons et nous le méprisons.»

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[207]

Hobhouse, p. 115. Voir les récits du Moniteur qui sont exacts.

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[208]

Voir la Biographie.

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[209]

À vérifier dans Hobouse. Quand, le 28, ou le 1er mars?

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[210]

Ce tour est-il juste? ne veut-il pas dire partant?

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[211]

Au lieu de passages, peut-être époques.

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[212]

Est-ce français: être d’un ton pour avoir un ton d’aisance? À voir dans J.-J.