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— Ah, mon San-A., je savais bien que t’allais reviendre ! Et il est temps vu que je commençais à me faire du lard avec leur tortore à la c… ! Rien que de la farine de maniaque, gars, et de la viande de sanglier bien grasse ! J’ai l’embonpoint qui s’est remis sur la force ! Mate un chouïa ! Mon organisse n’attendait que le feu vert pour replonger dans le dodu !

— Mais, tu es vivant ! bafouillé-je.

Ça me rappelle ces brillants narrateurs qui vous racontent si bien un moment dramatique de leur vie qu’on finit par leur demander s’ils ont pu en réchapper.

— Mort, moi ! Le Gravos se bidonne. Tu m’as pas regardé !

— Oh si, je te regarde, Béru ! Je te fixe ! Je t’admire ! Je t’approuve ! Comme tu es beau, habillé de gras ! Te voilà enfin dans ton vrai format, mon vieux pote ! Luisant, pétant, tendu !

Il se marre de plus belle.

— Mais, et ça ! fais-je en désignant la tête !

— Ça ! C’t’une maquette réalisée dans de la peau de singe. Y a belle burette que les Livaros ne réduisent plus les tronches ! Y z’ont perdu le secret, mais ils continuent mine de rien leur négoce en fabriquant des petites têtes bidon, vachement ressemblantes. Leur chef des ventes vient d’avoir une forte commande sur la mienne, paraît-il. Une firme d’Europe qu’est séduite et qu’en voudrait une tartinée ! C’est flatteur, non ? La nouvelle est toute récente, pas vrai, Paulo ? ajoute-t-il en apostrophant le vieux chef au nez de rapace : celui qui ne supporte pas le tabac !

— Ouiheugh ! lâche le calumet-man.

— Tu sais, c’est pas le mauvais cheval, Paulo, reprend le Mastar. Si je te disais, contrairement à ce qu’ils laissent croire : ils dégoupillent pas leurs prisonniers blancs, les Livaros. « Ils les collent dans des réserves à eux, au cœur de la forêt. Le dimanche, les parents des attributs environnantes y emmènent leurs gosses pour leur montrer comment que c’est fait, les Blancs. À quel point ils sont civilisés, connards, bêcheurs, vantards, paumés et tout !

Mon Gravos me prend le bras.

— C’est vachement éducateur de voyager. Ça te permet de vérifier coup con n’ail les bonshommes sont partout pareils : dans les pays latins, dans les pays en gros paxons chez les peaux jaunes, noires ou rouges ! Pareils, mon pote ! Une vraie épidémie de cloportes ! Y pensent qu’au fric, à se pavaner et à blouser les copains.

« Allez, viens dans ma case que je te présente à ma scouave, une chouette luronne, un peu forte des jambons qui reluit comme une pomme, mais à qui j’éduque l’essentiel de nos rudimentaires amoureux. Elle a un blaze si tellement compliqué que je l’ai baptisée Germaine. Ça va m’écorcher le sentiment de la quitter, mais quoi, je peux pourtant pas l’emmener à Paris. Ma Berthe comprendrait pas, elle qu’est jamais sortie de son trou ! »

ET MAINTENANT

CON…

— Si Son Excellence et les señores veulent bien patienter un instant, fait un secrétaire barbu en fourbissant une paire de pistolets à crosse de nacre, la présidente Bertaga est en conférence !

M. Antidémoc, Béru, Pinuche et votre serviteur s’assoient sur une longue banquette de velours rouge, face au portrait en pied de la présidente, hâtivement brossé par Bernardo Aparador[31] le plus grand peintre vivant de Rondubraz.

Béru, informé de la situation, est fasciné par la toile.

— C’est bien elle ! Oh, y a pas d’erreur, c’est bien son regard velouté, son sourire ingénu, sa taille bien prise, ses jolis mentons roses, pleurniche-t-il. Ma Berthy, présidente de la République !

— Du Rondubraz, rectifie Pinaud, un peu jaloux.

— Et alors ! s’indigne le Mahousse ! Faut le faire, non !

Les éclats d’une violente algarade parviennent à nos oreilles. Ce sont des voix de femmes, virulentes, au paroxysme du courroux. L’une a des inflexions espagnoles, mais toutes deux s’expriment pratiquement en français.

— Vaca !

— Salope !

— Cerda !

— Traduis, pour voir !

— Truie !

— Répète un peu, morue !

Des gifles, des horions, des heurts !

Les portes s’ouvrent. Un barburiéro surgit, affolé.

— Pronto ! Pronto ! Des renforts ! dit-il (mais entièrement en espagnol).

Nous nous précipitons dans la pièce voisine qui est la salle des audiences. Nous ouvrons rond la bouche et poussons un quadruple « Ooooooô ! (dont le dernier « o », vous voyez, comporte même un accent circonflexe.)

Deux Berthe sont aux prises ! Jupons retroussés, corsages en charpie, elles se battent comme des lavandières en continuant de s’invectiver.

Quand je parle de deux Berthe, j’anticipe. Il y a, en fait, une Berthe et une Bertaga ! Cette paire de sosies, mes frères ! Des sœurs jumelles, oui ! Et pourtant, on reconnaît la nôtre. D’abord parce qu’elle parle mieux français que l’autre, ensuite parce qu’elle a de plus gros nichons et surtout une voix plus forte qui lui permet de couper la parole à l’autre.

— Alors, fait Berthe Bérurier, je me cogne de la prison, je manque me faire fusiller, je libère le Rondubraz et v’là Maâme qui vient au renaud comme quoi j’y usurpe son nom et sa présidence ! C’est ma faute, dis, morue, si les services secrets m’ont enlevée dans les bras de mon amant pour m’amener dans ce bled ? C’est ma faute si, ensuite, personne a voulu m’écouter quand je disais qui j’étais, pas plus les anciens gouvernementaux que les révolutionnaires ? Les premiers disaient : tant pis, vous payerez pour l’autre, y nous faut une victime ; et les seconds m’abjuraient : nous avons besoin d’une Jeanne d’Arc, faites comme si c’était vous ! Pendant ce temps, où que t’étais, poufiasse ? Cachée dans un patelin tranquille, à te dorer la cellulite. Eh ben, maintenant, pour ce qui est de la place, tu peux te l’arrondir ! Et râle pas ou je te fais fusiller !

— Berthe !

La voix cassée du Gros interrompt la diatribe.

— Berthe, soupire-t-il, alors tu m’abandonnerais pour une malheureuse place de présidente de la république !

La Baleine lâche sa proie et se redresse, le mufle bouillonnant !

— Oh ! c’est toi, Alexandre-Benoît !

Le Dodu s’approche de son épouse.

— Voyons, ma Grande, tu vas pas me dire que c’est râpé, la vie douillette dans notre appartement, tes visites chez Alfred, nos blanquettes de veau et nos parties de jambon, hein dis ? Qu’est-ce t’en as à branler, du Rondubraz ! Dans quéque mois y vont faire la révolution d’octobre et tu te retrouveras sur le paveton. J’sais bien qu’existe une caisse de chômage pour les anciens présidents renversés, mais tout de même…

Vaincue, la présidente se jette contre son mâle retrouvé.

— Non, mon homme, non, hoquette-t-elle, je vous laisserai jamais, Alfred et toi, jamais ! Qu’elle la prenne, sa présidence, cette peau de vache !

Elle fait front à la rivale, mains aux hanches.

— Je laisserai à personne le soin de pousser le premier cri de la future révolution ! affirme-t-elle.

Elle s’approche de la croisée, l’ouvre toute grande, au mépris de l’appareil à air conditionné et, dans la torpeur de la place du Parlement lance à robustes poumons :

— À bas Bertaga !

…CLU…

L’aéroport de Graduronz où claquent les oriflammes. L’avion d’Air France est là, qui étincelle dans la lumière.

Je prends le visage d’Ibernacion entre mes mains et bois doucement ses larmes…

— Alors, bien vrai, Ibernacion, tu ne veux pas venir à Paris ? J’ai ton billet et ton visa dans ma poche, tu sais…

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31

Par une curieuse coïncidence, le mot aparador signifie Buffet.

Note pour le futur traducteur.